European Escalation vient à peine de souffler sa première bougie que déjà son successeur fait son apparition. Intitulée AirLand Battle, cette suite est censée sublimer les qualités de son aîné. Alors véritable nouveau jeu ou extension déguisée ?
Le ciel, tu prieras
Comme son nom le laissait supposer, AirLand Battle fait la part belle aux armées de l’air. L’aviation s’invite donc dans les batailles et vient modifier l’équilibrage du jeu. On distingue trois types d’avions : les chasseurs multirôles, les purs intercepteurs et les avions d’attaque au sol. Ils peuvent emporter jusqu’à trois types d’armements différents, avec notamment des missiles air-sol, air-air et de nombreuses bombes et roquettes. Comme par essence il s’agit d’unités à long rayon d’action, elles sont basées hors de la carte et arrivent par un couloir aérien quand on fait appel à elles. La maîtrise de ces couloirs n’est toutefois pas primordiale car les avions se déplacent suffisamment rapidement pour atteindre n’importe quel point de la carte en quelques secondes. Il faut bien sûr conserver au moins un couloir d’accès pour pouvoir appeler des renfort aériens. On peut les utiliser soit pour attaquer l’adversaire en lançant des opérations éclair (avec tir sur position et repli immédiat de l’appareil) pour détruire les blindés et hélicoptères ennemis, soit pour justement se prémunir de ce genre d’attaques et ainsi protéger les unités au sol.
Il est clair que l’introduction de la chasse aérienne réduit l’intérêt des hélicoptères puisque ces derniers sont à la fois la cible de missiles air-air et, comme dans European Escalation, des SAM. Leur seul véritable atout par rapport aux chasseurs-bombardiers reste leur flexibilité puisque les avions doivent impérativement se réapprovisionner en carburant et munitions après chaque intervention, ce qui les rend indisponibles relativement longtemps. De toute façon, l’aviation n’est pas non plus la solution à tous les problèmes. Premièrement l’infanterie ne la craint que moyennement. En dehors des quelques appareils équipés de bombes incendiaires capables de détruire les forêts et endommager les bâtiments, les attaques aériennes n’occasionnent que peu de dégâts à l’infanterie. Et surtout la plupart des avions coûtent chers en points de commandement donc c’est autant de points sacrifiés au sol et… de points perdus quand l’ennemi les abat ! Des détails à prendre en considération quand vous élaborez votre deck. Même si vous pouvez facilement cibler les points faibles de l’ennemi et le harceler avec vos jets, les unités anti-aériennes sont tout de même très précises et peuvent facilement transformer vos chasseurs en poussière…
En l’homme tu croiras
Comme son nom le laissait moins supposer, AirLand Battle a revu en profondeur le rôle de l’infanterie. Désormais il s’agit d’une composante essentielle, sur laquelle vous pouvez miser gros. En effet les zones urbaines sont maintenant découpées en secteurs qui peuvent être investis par vos fantassins. Ces derniers emportent un équipement particulier qui leur permet soit de lutter contre d’autres fantassins, soit contre des blindés ou contre des unités aériennes. Par conséquent vous pouvez affronter n’importe quel type d’ennemi juste avec votre infanterie. De plus elle offre un avantage de rapidité puisqu’elle est généralement transportée par des blindés légers voire par hélicoptères. Il devient donc essentiel d’utiliser l’infanterie dès le début d’une partie pour s’emparer des villes et des forêts. L’adversaire devra vraiment s’employer pour les déloger de ces zones en particulier. Les unités d’élite, bien que non spécialisées, peuvent même rivaliser avec des blindés lourds.
J’ai par exemple eu l’occasion d’éliminer deux redoutables T-80 avec une poignée de Légionnaires postés dans un bois à quelques centaines de mètres. Seule faiblesse apparente de l’infanterie : le manque de polyvalence offensive, les soldats étant surtout voués à des tâches défensives. En dehors de quelques actions ciblées derrière les lignes ennemies, ils sont surtout utiles pour protéger une zone car leur espérance de vie lors des déplacements, notamment en plaine, est extrêmement limitée.
Quoi qu’il en soit le rééquilibrage global du jeu est excellent et tous les types d’unités semblent y avoir leur importance. De quoi donner parfois des maux de tête au moment de configurer son deck. A ce sujet, on notera que ce dernier peut être modifié à loisir dès le niveau 1. J’entends par là que European Escalation obligeait le joueur à monter en niveau pour débloquer de nouvelles unités et que ce concept n’a pas été conservé pour Airland Battle. Un choix pertinent de mon point de vue, permettant aux débutants de pouvoir enfin lutter à armes égales avec les joueurs expérimentés (ce qui ne change guère l’issue du combat malgré tout). Seule petite incohérence : le système de niveau n’a pas été totalement supprimé. Du coup on gagne en expérience à chaque bataille mais on n’obtient aucune récompense. Disons que ça permet toujours de jauger un adversaire avant de lancer une partie…
Devant le moteur, tu t’inclineras
Techniquement, il faut reconnaître que la nouvelle version de l’Iriszoom impressionne. Le moteur graphique était déjà performant dans RUSE et dans European Escalation mais il atteint désormais des sommets aussi bien en termes de rendu que d’optimisation. La puissance du zoom est exceptionnelle et, même si en bataille on a tendance à utiliser presque exclusivement la vue aérienne, les unités sont très détaillées. On se surprend à suivre de temps à autre une colonne de chars pour profiter du spectacle au cœur même des affrontements. Et c’est parce qu’on est aussi subjugué par ces qualités graphiques qu’on ne peut s’empêcher de pester sur d’autres éléments qui n’ont pas bénéficié du même soin.
L’ambiance sonore par exemple n’est pas au niveau. Au-delà de la musique qui n’est guère importante dans un STR, on ne peut que regretter la discrétion des unités. C’est sans doute difficile à modifier justement parce qu’on est souvent éloigné des ces dernières mais l’ambiance générale en pâtit grandement. On pourra également souligner d’autres maladresses comme le pathfinding qui n’est pas toujours pertinent. Certes le jeu veut aborder à la fois des dimensions de micro et macro gestion mais il serait agréable de pouvoir compter sur le « bon sens » de nos troupes. J’entends par là que lorsqu’on donne des ordres à un groupe réunissant des unités diverses, que chaque unité sache comment évoluer par rapport aux autres. Par exemple il paraît évident qu’une batterie lance-missile ne doit pas ouvrir la route devant les éclaireurs et les tanks. Et ce n’est pas un élément de gameplay que de se concentrer sur ce genre de détail. Il y a suffisamment de problèmes à gérer lors des combats pour ne pas avoir à réassigner des ordres à toutes les unités à chaque déplacement massif.
Le solo, tu fustigeras
Si European Escalation avait immédiatement séduit les amateurs de multijoueur, il avait sans doute laissé sur leur faim ceux voulant jouer en solo. Les développeurs ont voulu remédier à cette lacune dans AirLand Battle en introduisant une campagne présentée comme plus immersive et cohérente (voir cette bande-annonce). Premier constat : le mot Wargame présent dans le titre de la série semble enfin justifié. En effet vous avez une carte stratégique sur laquelle vous pouvez déplacer vos divisions, appeler des renforts et utiliser des bonus tactiques (bombardements, éclaireurs, etc.). Dès que vos unités rencontrent l’ennemi sur une région de la carte, le combat s’engage et vous passez à l’échelle tactique. Notez qu’il y a quatre scénarios disponibles et qu’ils mettent tous en scène des affrontements entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie au début des années 80. On n’en sait guère plus sur le contexte malheureusement et on doit se contenter de quelques lignes de texte de temps en temps pour comprendre la crise diplomatique et les zones de tension dans le monde.
Car à votre niveau vous n’aurez que la Scandinavie à gérer. On a beau vous dire qu’il y a des combats en Turquie ou au fin fond de la Corée, vous êtes totalement cantonné à cette région du monde. Région par ailleurs pas nécessairement aussi stratégique que l’Allemagne ou le reste du rideau de fer. C’est donc assez frustrant d’avoir un champ d’action aussi réduit si l’on s’imaginait déjà dans la peau d’un commandant en chef capable de placer ses pions sur l’ensemble de la mappemonde. Gageons que de futures extensions ajouteront de nouveaux théâtres d’opérations.
Pire, les batailles sont limitées à 20 petites minutes. J’ai eu beau chercher, pas moyen de modifier cette variable. Pour peu que vous n’ayez pas l’âme d’un rusheur et que l’IA soit également un peu frileuse, préparez-vous à accumuler les matchs nuls et donc les défaites en bout de campagne. Et même si l’adversité est honnête (l’IA s’en sort plutôt bien, même en difficulté moyenne), le solo n’est jamais véritablement accrocheur. On sent que ce n’était pas la priorité durant le développement. Pour finir de s’en convaincre il suffit de lancer les didacticiels qui sont tout sauf intuitifs. C’est bien simple, si vous suivez cette introduction au jeu, tout vous paraîtra compliqué alors que les mécanismes de base sont très classiques. De quoi rebuter facilement les joueurs les moins motivés…
Évidemment le multijoueur est d’un tout autre calibre. C’est à la fois très tactique et nerveux. En dehors des partie à 1 contre 1 qui sont parfois un peu aléatoires (en fonction des decks en présence), le gameplay est très solide et s’impose comme une référence du genre. Par rapport à European Escalation de plus grandes cartes ont fait leur apparition permettant des batailles à 10 contre 10 ! Le mode multijoueur est toutefois à conseiller aux joueurs appréciant la compétition et étant prêt à s’investir suffisamment pour tester les decks et suivre les patchs et éventuelles modifications concernant les statistiques de chaque unité. Les développeurs sont proches de leur communauté et enchaînent les mises à jour si bien que votre deck parfait d’il y a trois mois est peut-être beaucoup moins efficace à l’heure actuelle.
Le poids de l’âme, tu étudieras
AirLand Battle est objectivement un jeu à part entière et l’un des meilleurs STR du marché. Beau, exigeant, documenté et plutôt bien réalisé, il satisfera tous les fans de guerre contemporaine et de jeux de stratégie vifs et compétitifs. Pour peu que vous accrochiez au concept, ce sont des centaines d’heures de jeu qui s’ouvrent à vous. Pour ma part je ne suis toutefois pas entièrement conquis. Ayant eu l’impression d’être face à une beauté froide et distante à qui il manque ce petit quelque chose en plus qui susciterait la passion.
- Moteur de jeu vraiment bluffant
- Variété des decks et des tactiques
- Unités aériennes bien intégrées
- Mode multijoueur exigeant
- Belle évolution de European Escalation
- Une campagne solo encore un peu bancale
- Micro gestion et immersion parfois discutable
Date de sortie : 29 mai 2013
Studio – Éditeur : Eugen Systems – Focus Home Interactive
Prix éditeur : 44,99 €.
Site officiel : www.wargame-ab.com
Merci pour le test ! Dommage, je n ai pas le temps pour du multi et comme le solo n en vaut manifestement pas la peine, je passe !! Me reste East VS West pour calmer mon manque de « contemporain »- ( bon ok c est prevu pour 2014 j ai laaargement le temps )
D’ici 2014 et dans un style assez différent, mais tout aussi prometteur, il devrait y avoir bientôt Flashpoint Campaigns – Red Storm (voir ces screenshots : https://www.wargamer.fr/flashpoint-campaigns-red-storm-screenshots/)
Plutot d’accord avec le test. Il n’y a guère que sur le multijoueur où je diverge un peu. Le principal souci du multipjoueur c’est son mode de jeu principal qui consiste à détruire des unties adverses pour faire des points. 1 point d’achat=1point de score. Ce principe engendre des parties particulièrement statique en classé et entre equipes « rodées » où’lon se grignotte 10 pts par ci, 10 pts parlà…
Mais… Et c’est une force d’Eugen System qui mériterait d’être plus répandue, les developpeurs travaillent sur un nouveau mode de jeu à même de metre à l’honneur toute la qualité du jeu. La campagne devrait subir une refonte. Le suivi du jeu est particulièrement excellent. Ca mérite d’être souligné.