Une collection indispensable
Publié en juin dernier dans la collection Vérités et légendes des éditions Perrin, l’ouvrage de Rémy Porte consacré à la défaite de 1940 s’impose dès lors comme un bréviaire indispensable pour qui veut démêler rapidement le vrai du faux à propos de cette année centrale dans l’histoire de France. L’auteur, qui est l’un des meilleurs spécialistes de l’armée française au XXe siècle, a d’ailleurs le double regard de l’historien confirmé et de l’officier de métier. Cette position privilégiée ne l’empêche pas de garder une distance critique et une rigueur scientifique à toute épreuve, alliées à un style très clair et plaisant à lire. Son livre s’inscrit dans une collection construite comme un ensemble de questions et de réponses permettant de faire le point rapidement autour d’un événement ou d’une thématique considérée comme importante et sujette à controverse. Il s’agit ici de l’année 1940, et même au-delà : l’entre-deux guerres et l’été 1940 sont évoqués, car ils sont intrinsèquement liés.
Une approche thématique
L’approche n’est donc pas chronologique, et ne vous attendez pas à un récit de la Drôle de Guerre et de la campagne de 1940. Celui-ci a déjà été fait dans d’autres excellents ouvrages, et ce n’est pas le but ici. Il s’agit plutôt de répondre brièvement à trente questions sujettes à polémique, en autant de courts chapitres. Pêle-mêle, on citera : Le Front populaire a-t-il désarmé le pays ? La ligne Maginot était-elle une bonne idée ? Notre armée était-elle prête ? Manquait-elle d’avions et de chars ? Les Belges sont-ils coupables ? La guerre pouvait-elle être poursuivie en Bretagne ou en Afrique du Nord ? L’appel à Pétain était-il un complot contre la République ? L’appel du 18 Juin a-t-il été entendu ? On le voit, la matière est passionnante, qui n’en finit pas de faire couler de l’encre depuis 1940. Or, entre les livres à charge ou à décharge, rarement scientifiques, et l’utilisation politique de ces questions devenues enjeux de mémoire, il est souvent difficile de faire le tri. Certains ouvrages « enfoncent » tel ou tel acteur, d’autres « réhabilitent » non sans arrière-pensées ni défaut de critique historique l’un ou l’autre des personnages ou groupes concernés.
Loin de ces querelles, Rémy Porte répond de manière claire et synthétique à de brûlantes questions, en apportant à ses lecteurs le fruit de décennies de travaux universitaires pas toujours connus du grand public. Bien des clichés sautent à la lecture de cet excellent petit livre, qui indique une bibliographie plus complète pour approfondir tel ou tel point.
Quelques minimes regrets
J’ai parlé de « petit livre », mais il fait quand même 288 pages. Toutefois, introduction et appareil critique retirés, il ne reste que quelques pages par chapitre. C’est dommage car on voudrait que certains sujets soient plus développés tant ils posent question. Ce n’est évidemment pas de la faute de l’historien, qui a dû se couler dans le moule d’une collection construite ainsi. D’ailleurs, chaque chapitre mériterait une synthèse universitaire de 300 pages et plus vu l’ampleur du sujet. Je conseillerai donc le livre à ceux qui connaissent déjà un peu – ou très bien – la campagne de 1940 et veulent la réviser sous un angle thématique, pour avoir rapidement des réponses solides et des données chiffrées au même endroit. L’ouvrage a le grand mérite de les rassembler et évite de longues recherches dans des dizaines d’ouvrages plus spécialisés. Il permet aussi de couper court à de vaines polémiques qui ne devraient plus exister en 2021 : non le Front Populaire n’a pas désarmé la France, non les soldats de 1940 ne ressemblent pas à la 7e compagnie, non les Belges n’ont pas été des lâches etc. On n’aura donc pas dépensé treize euros en vain, bien au contraire.
En bonus utile pour découvrir ce livre, je vous ai rajouté un extrait d’une vingtaine de pages, que l’on peut lire facilement grâce au système de Calaméo.