Une nouvelle collection
C’est toujours un plaisir de suivre la naissance d’une nouvelle collection de livres d’histoire. J’aimerais revenir aujourd’hui sur celle des éditions Mémoring nommée « Figures de Nouvelle-Aquitaine ».
Faite de fascicules d’une centaine de pages vendus au prix de 12 euros, elle entend revenir sur la vie et l’oeuvre de personnages qui ont marqué cette région. Ne cherchons pas d’autre cohérence historique ou géographique. Les auteurs et l’éditeur ont l’honnêteté de rappeler d’entrée de jeu que le cadre qui est couvert par la collection est immense, fait en fait d’une myriade de territoires assez différents quant au peuplement, à la culture et même aux langues parlées suivant les siècles. De plus, toutes ses parties n’ont pas toujours été soumises à la même autorité politique au cours de l’histoire.
Ces réserves levées, on prend plaisir à découvrir la variété de sujets couverts : Napoléon et l’Aquitaine, de Gaulle et l’Aquitaine, le chevalier de Borda ont déjà trouvé le chemin des librairies, en attendant Haussmann et bien d’autres figures. Il s’agit donc de courtes études ou biographies qui, bien qu’écrites essentiellement par des universitaires, font le pari d’une bonne vulgarisation destinée à diffuser le savoir de manière claire au plus grand nombre, ce qu’on salue. Si certaines personnalités sont connues, comme l’Empereur des Français, leur relation au territoire concerné l’est moins et il s’agit d’un nouvel angle fécond. De plus, d’autres individualités ont été moins étudiées jusque-là, comme Borda, et les dernières sont surtout perçues par le grand public à travers le prisme déformant de siècles de littérature de fiction, de rumeurs et légendes.
La duchesse qui fut deux fois reine
C’est le cas de la célèbre Aliénor, duchesse d’Aquitaine, qui fut aussi reine de France puis d’Angleterre, épouse et mère de rois. Le personnage est connu, très connu, tant il a marqué son époque et les suivantes. Tantôt décriée, tantôt héroïsée, elle est une « diablesse » pour bien des clercs de son temps, avant de devenir une figure féministe chez d’autres, en passant par la protagoniste principale de bien des romans plus ou moins réalistes. Comme souvent, le personnage créé et déformé suivant les points de vue et projets culturels ou politiques des divers acteurs qui s’en sont emparés a dépassé la vraie personne, bien oubliée.
C’est la « vraie » Aliénor que décrit et raconte Marie Fauré dans cette intéressante étude qui rappelle d’emblée que l’historien explique l’histoire à partir des sources qu’elle a laissées. Or, dans son cas, elles sont assez peu nombreuses et Aliénor n’a pas laissé de textes de sa main. D’ailleurs, la vie même de la duchesse n’occupe qu’une petite partie du livre aujourd’hui recensé. L’auteure n’hésite pas à dire que beaucoup d’aspects en sont mal connus et qu’elle est appréhendée à travers des récits souvent peu amènes car notamment rédigés par des ecclésiastiques hostiles de l’époque. Ces importants points en tête, on découvre quand même une femme de pouvoir exceptionnelle, fine politique capable de s’insérer dans les interstices que lui laisse son époque pour exercer le pouvoir, influencer les lettres et les arts. Bien loin des clichés mélioratifs ou péjoratifs de son temps comme ultérieurs, nous avons là un portrait bien plus nuancé et intéressant, d’un accès facile et à la lecture agréable.
Au-delà des légendes noire et dorée, on en ressort bien plus au point sur le rôle et la place des femmes de pouvoir dans la société du XIIe siècle, bien plus grande qu’à des époques qui ont suivi. On comprend mieux l’importance du duché d’Aquitaine, tiraillé entre France et Angleterre. On saisit des évolutions futures comme la guerre de Cent Ans, replacée dans une périodicité plus longue. Bien sûr, le caractère assez court de l’ouvrage ne permet pas de détailler autant qu’on le voudrait, mais une utile bibliographie est indiquée. Le fascicule permet de prendre pied dans ce siècle si important et si complexe de manière simple et bénéfique et donne envie d’en savoir plus. Mission réussie ! Il ne me reste plus qu’à souhaiter une belle vie à cette collection dont je continuerai la critique dans le futur.