Nous sommes le 22 juin 1941. L’Allemagne étouffe, elle a un besoin énorme d’espace vital et comme son leader l’a annoncé dans Mein Kampf, cet espace se trouve à l’Est chez les sous-hommes slaves. Ce troisième volet de la série Decisive Campaigns représente comme son nom l’indique la simulation de l’offensive allemande contre l’URSS qui dura du 22 juin 1941 jusqu’à janvier 1942.

Décisive Campaigns – Barbarossa ou comment faire du neuf avec du vieux…

L’installation typique des jeux de Matrix Games se déroule sans problème. Elle nous amène à l’écran de démarrage classique de la série avec une vidéo d’introduction qui affiche clairement la bipolarité du jeu: l’Allemand en attaque, le Russe en défense. Comme pour toute la série des Decisive Campaigns, nous nous trouvons devant un wargame opérationnel dans la plus pure tradition des jeux « pousse-pions » au tour par tour. Chaque tour représente quatre jours et l’unité de base est la division. Chaque unité commence avec un nombre de points d’actions qu’elle va surtout dépenser en mouvement et combats. Pour être au mieux de sa forme, elle doit être reliée à son Quartier Général (cinq hexagones), lui-même en contact avec le QG dont il dépend. Quand il n’y a plus rien à faire, on passe la main.

On peut bien entendu jouer en réseau (en PBEM) ou en chaise tournante, et la présentation générale sobre et classique est habituelle de la série.

Comme pour l’électroménager, pas besoin de manuel d’utilisation…

Pour attaquer le jeu, le plus simple semble de commencer par le scénario d’introduction, ou un tutoriel. Mais là surprise, quand vous cliquez sur scénario, vous obtenez le scénario de la campagne ! Il s’agit là d’un choix délibéré des concepteurs.
Donc, en avant pour la campagne, et découvrons ses nouveautés. Quelques options sont proposées comme jouer le jeu de manière « historique », rajouter un côté « politiquement correct » avec la convention de Genève, adoucir l’hiver russe ou encore neutraliser les relations avec les autres leaders. Ces variations influent sur la difficulté du jeu.

Les deux camps sont clairement distincts : l’Allemand est puissant, actif, a l’initiative quand le Russe est passif. Les conditions de victoire sont imposées par l’Allemand, le choix Russe ne pouvant qu’augmenter ou atténuer ce résultat.

En tant qu’Allemand, vous représentez le Feldmarschall Franz Halder, vous allez devoir éviter de vous faire limoger par Hitler, tout en maintenant des bonnes relations avec tout le monde de l’État-Major (surtout au-dessus) pour bénéficier de tout le soutien logistique possible (simulé par les Points Politiques (PP)).

Ce système de points va s’imbriquer directement dans les combats. Il va aussi bien représenter les sautes d’humeur des dirigeants que le manque de préparation des troupes sur le terrain. Ainsi, vous perdrez des points si vos unités sortent de leur théâtre d’opération géographique (les fronts soviétiques et les groupes d’armées allemands). Ces points politiques vont servir de monnaie pour activer des « cartes » propres à chaque camp.

Côté Russe, vous êtes Joseph Staline, lui-même, dont il faut vous méfier de la paranoïa grandissante surtout face à des revers militaires répétés…

Le premier tour est un pré-tour dans lequel les joueurs déterminent leurs conditions de victoire. Le joueur allemand peut choisir entre trois possibilités, suivre les plans d’Hitler (maximum de PP, mais possibilités de changements d’objectifs), Moscou à tout prix (moins de PP), liberté d’action (peu de PP, et Hitler vous limoge au premier faux pas).

Decisive Campaigns - Barbarossa
L’objectif est Leningrad, Von Leeb est plutôt content, ce n’est pas le cas de Von Bock avec lequel les relations sont désastreuses, on voit bien les lignes rouges de démarcation des groupes d’Armées ainsi que les lignes de ravitaillement
Decisive Campaigns - Barbarossa
Le pré-tour allemand avec la fenêtre d’aide qui s’ouvre automatiquement. En haut à gauche 8 PP à gérer, du moins en théorie, car ils vont être dépensé dans le choix de la condition de victoire, qui vous créera un nouvel apport de PP.
Decisive Campaigns - Barbarossa
L’écran de rapport du pré-tour allemand où on vous conseille de répondre à la convocation du Führer. Ce choix coute 8 points politiques, soit tout ce que vous avez !
Decisive Campaigns - Barbarossa
Le pré-tour Russe, zéro PP, l’onglet de rapports vous oblige à choisir la « décision de Staline » ! Ce choix permettra de décider des « conditions de victoire russes ».

Le côté Allemand

Vous allez être maître de votre destin. Les trois objectifs sont de difficultés variables. Vous devez garder votre machine de guerre opérationnelle tout le long de la campagne et résister à l’hiver russe. Les conditions de victoire semblent atteignables. Vous allez dépenser vos points politiques comme il vous chante, cependant chaque action a des conséquences sur votre hiérarchie. Des relations qui deviennent mauvaises vont augmenter le coût en PP de certaines actions, quand celles-ci ne seront tous simplement plus possibles, à l’inverse des relations positives amèneront des bonus.

Vos PP seront aussi dépensés pour activer des « cartes ». Elles sont au nombre de 32 et réparties en cinq catégories : l’attitude de chaque groupe d’armées (Blitzkrieg, offensive soutenue, défense), la Luftwaffe (ravitaillement aérien de groupe de panzer ou de QG), l’artillerie (concentration de l’artillerie en vue d’appuyer un QG ou une division, tir de contre-batteries, déploiement de l’artillerie de siège), le repos et le ravitaillement (met au repos et recomplète une division, un groupe de panzer ou une armée), et le commandement (centralisation des ressources de l’état-major sur un groupe de Panzer ou une Armée, transport de division prioritaire).

Le jeu de ces cartes facilite grandement l’offensive allemande et le système d’apprentissage du jeu par la pratique entraîne l’oubli de les activer.

Le côté russe

En tant que Staline, c’est plutôt paisible. Vous n’avez que peu de points politiques à gérer, vos unités sont surprises par l’offensive allemande et sont en postures d’attaque, (si vous croyez que l’attaque est la meilleure des défenses, vous allez déchanter).

Vos cartes vous permettent sans coût en PP de fortifier une zone (un hexagone), de transformer en partisans une unité isolée, de mettre une garnison dans une petite ville, de réceptionner vos renforts (quand il y en a) et de changer le front de destination de certains, d’exhorter à la victoire (gratuit seulement la 1ere fois), d’envoyer Joukov renforcer un des fronts ou à Kroutchev d’utiliser le NKVD. Une fois placé ces deux leaders permettent d’activer des cartes qui leurs sont propres (si vous avez les PP nécessaires).

Les autres cartes russes permettent de changer la posture de combat de chaque front (offensive, neutre, défensif), de donner la priorité à un front, d’interdire la retraite, de reconnaitre la difficulté de la situation, de demander des pouvoirs encore plus absolus, de réorganiser la chaine de commandement de l’Armée Rouge ou encore de libérer un maréchal Tsariste en remplacement d’un commandant en fonction.

L’avantage de ne pas connaitre les conditions de victoire oblige à sortir de votre passivité, ainsi vous pouvez repousser les teutons sur deux fronts et perdre la partie avant le 57e et dernier tour, l’adversaire ayant capturé et tenu son objectif pendant un mois…

Decisive Campaigns - Barbarossa
Le 1er tour soviétique, deux généraux incompétents et des armées pas vraiment opérationnelles. Le jeu comporte de très nombreux textes représentant ou décrivant les différents événements de cette vaste opération mlitaire.
Decisive Campaigns - Barbarossa
Les quatre premiers jours d’offensive, et dire qu’il n’y avait pas si longtemps, c’était tout rouge. Decisive Campaigns – Barbarossa propose une innovation dans la simulation du commandement et dans l’ensemble un jeu de belle qualité.
Decisive Campaigns - Barbarossa
Les directives du Führer, plus vous allez dans son sens, plus vous améliorez vos relations et obtenez son soutien. Ici, il veut Leningrad, le seul problème est que vous avez choisi Moscou comme objectif…
Decisive Campaigns - Barbarossa
Les cartes d’actions, ici les différents choix stratégiques pour chaque groupe d’Armée, 2 PP pour obliger le Groupe d’armées Sud à passer en Blitzkrieg pour le tour. Le système de cartes peut toutefois s’avérer trop complexe.

Bilan

L’approche du jeu peut être simplifiée à l’extrême en laissant l’IA tout gérer. Cela permet à tous de l’aborder rapidement. Néanmoins, la durée totale risque d’ôter l’envie de recommencer une partie avec des options supplémentaires. Le démarrage de la partie risquant alors d’être répétitif, surtout avec les « choix » forcés des concepteurs. La volonté de simuler l’influence du politique sur le militaire est une initiative sympathique, elle apporte une couche d’incertitude mais peut sembler anecdotique. La nécessité pour les concepteurs de présenter un nombre de « cartes » équivalent pour chaque camp alourdit le système. Il était plus simple au début du tour soviétique de proposer directement les options gratuites avec une possibilité « plus tard » et un rappel à la fin du tour du style « il vous reste une garnison à déployer ».

Dans tous les cas on se trouve bien dans la lignée des jeux de la série Decisive Campaigns, on prend les mêmes et on recommence en y ajoutant cette fois un innovant jeu de gestion de points politiques simulant les nombreuses interactions dans la hiérarchie d’une offensive de cette envergure.

Infos pratiques

Date de sortie : 24 novembre 2015

Éditeur / Studio : Matrix Games – Slitherine / VR Designs

Site officiel : fiche chez Matrix ; site de VR Designs.

Prix : 48,99 € (téléchargement).

Vous pouvez consulter le manuel du jeu en ligne en suivant ce lien. Un patch 1.01 est aussi disponible depuis peu (voir cette annonce).

A lire également nos précédents articles sur cette série, soit notre test de Decisive Campaigns – Case Blue ou celui de Decisive Campaigns – Blitzkrieg from Warsaw to Paris.

7 Commentaires

  1. Dans les images d’écran je ne vois plus la barre du bas avec les détails d’unités comme dans case blue ? Est-ce une grosse simplification où simplement les photos d’écran qui n’ont pas d’unités sélectionné ?

    Durée moyen d’un tour de jeu en campagne et nombre de tours ?

    • 57 Tours maximum, sauf victoire par KO (destruction d’un QG de GA Allemand, limogeage du joueur par AH, conditions de victoires remplies).
      La barre est toujours présente, voir dernière photo et peut-être réduite, voir photo à côté. Il y a 3 onglets dont un avec marqué « unité ».
      Un tour de jeu est assez « rapide », surtout côté allemand, côté russe, on peut activer l’IA avec un curseur. Sans avoir chronométré, je dirais 10 minutes par tour, mais est-ce qu’il faut compter le temps où on réfléchit ?

  2. Bonjour,
    J’ai acheté ce jeu très récemment et je l’apprécie beaucoup (même si j’ai encore beaucoup à apprendre).
    Est-ce qu’il existe un jeu du même type pour le front de l’ouest? Est-ce que le premier opus de DC est aussi qualitatif que celui-ci?

    Sinon quel wargame référence pour la période 39-41?

  3. Bonjour,
    Justement, dans l’attente du prochain opus sur la campagne des Ardennes, je me suis replongé dans Barbarossa, et les russes étaient plus prés de Berlin que les Allemands de Moscou. Alors direction la campagne de Pologne avec DC Warsaw to Paris. Un double retour en arrière donc. Il m’a semblé plus facile, il y a moins de décisions politiques et je me suis régalé (j’ai fini la Pologne et dois poursuivre avec le front Ouest). Donc, pour moi, il est tout bon, plus qu’à attendre des soldes chez Matrix, vu qu’il commence à dater.

  4. Merci Jacques.
    Après je trouve que l’introduction de décisions politiques est vraiment sympa.
    Mais je note pour Warsaw To Paris car il me fait de l’oeil. Je vais attendre les soldes ou profiter de mon coupon de réduction de la gazette.

    On attend des évolutions pour le prochain sur la campagne des Ardennes?

    • DC Warsaw to Paris est très plaisant tactiquement, le système de décisions est plus simple, sans chercher la profondeur narrative de celui de Barbarossa, qui donne une autre dimension au gameplay. A priori DC Ardennes sera plus précis tactiquement, avec plus de nouvelles options et variations du gameplay.

      Un wargame référence pour 39-41, vaste question. Strategic Command de Fury Software / Matrix est très bien pour simuler le front européen (dans War in Europe), ou la guerre à l’échelle mondiale dans le dernier titre (World at War). Le gameplay est assez rapide et les subtilités du systèmes assez nombreuses.

      Après tout dépend du thème et de l’échelle à laquelle vous voulez jouer ? La récente série WarPlan est intéressante aussi.

  5. Merci Cybertran.
    Strategic Command j’ai et je viens de passer la soirée dessus (sur War in Europe).
    J’ai acheté DC Warsaw to Paris également. J’ai commencé à regarder et je pense que cela va beaucoup me plaire.

    Concernant l’échelle j’aime bien celle de DC.
    Je vais regardé WarPlan.

Les commentaires sont fermés