Développé et publié par Schwerpunkt, World War II – Europe prend l’apparence d’un wargame opérationnel ambitieux susceptible, à moyen terme, de modéliser l’intégralité du conflit européen terrestre. Initialement mis en vente avec une base comprenant la moitié des 103 scénarios prévus soit actuellement, une cinquantaine. Le projet, ambitieux on l’a dit, met à contribution toute l’expertise -plutôt longue, 20 ans maintenant- de la société Schwerpunkt.
Celles et ceux ayant suivi le parcours de cet éditeur opiniâtre et souvent bien inspiré, dans sa volonté de proposer des produits ludiques aussi sérieux que parfois arides, auront remarqué que le soin apporté à leurs jeux s’accompagne d’un désir de modernisation des contenus. Avec ce titre et malgré le fait que les joueurs les plus exigeants ou les plus jeunes -ce qui n’est pas nécessairement antinomique- pourront renâcler devant l’aspect jeu de plateau assumé, l’éditeur franchit clairement un nouveau cap, aussi bien en termes de contenu que de présentation.
Un style rétro-moderne
D’autres se sont essayés, avec plus ou moins de succès, à l’entreprise de recréer sur ordinateur l’intégralité du conflit mondial dans toute sa diversité, géographique mais également dans ses divers aspects techniques et technologiques. Comme on peut aisément l’imaginer, il n’est pas chose aisée de représenter des batailles menées en Belgique en 1940 et d’autres prenant place en Ukraine, plusieurs années après. Entre les problèmes d’échelle et de topographie différentes, comme ceux concernant les ordres de bataille et les matériels utilisés, jusqu’à l’identité des commandants historiques, la tâche n’est déjà pas si simple.
Ajoutons à cela le fait que les doctrines utilisées par des armées similaires aient pu changer durant ce laps de temps ou encore, les variables concernant la situation géographique ou la météo sont autant de difficultés à intégrer pour un développeur, parmi bien d’autres, plus spécifiques à la plate-forme utilisée. Ainsi, l’idée et la décision, de scinder la base de scénarios en deux parties publiées distinctes prend tout son sens. Nous allons voir ce que promet et propose concrètement ce nouveau titre, sachant qu’une telle démarche mérite clairement que tout wargamer sérieux s’y intéresse.
La cartographie mise en place dans ce jeu offre une représentation agréable et claire de l’ensemble de la géographie européenne incluant la mer de Barentz, à l’extrême nord, Casablanca à l’ouest et jusqu’aux bords orientaux de la mer Caspienne. Les différents terrains sont représentés graphiquement et leurs caractéristiques principales s’affichent dynamiquement, en complément des coordonnées orthogonales de la carte, dans un encart repositionnable à l’écran.
Actuellement, les données chargées en mémoire ont tendance à surcharger quelque peu les capacités de traitement et le développeur devra veiller à optimiser cet aspect. Ceci étant, sur la machine de test équipée certes de 16 Go de mémoire, l’ensemble des données se charge sans problèmes et ne subsistent que quelques soucis d’affichage annexes. Disposant de quatre niveaux de zoom, dont les deux extrêmes permettent d’afficher une vue détaillée de l’action ou l’ensemble de la carte globale, le jeu offre une apparence à la fois classique (pour un wargame) et fonctionnelle.
Chaque scénario, accessible depuis l’un des trois écrans successifs de démarrage recadre la carte globale et présente une bordure délimitant l’espace de jeu. Toutes les unités disposent d’un marqueur de type OTAN regroupant son insigne d’unité et toute les informations ludiques nécessaires. Les unités aériennes héritent de marqueurs cylindriques, ceux des navires étant hexagonaux. De ce côté, on peut dire que l’expérience de Schwerpunkt en la matière joue à fond ; le résultat, bien que nécessitant un bon affichage et une bonne vue s’avère très satisfaisant. Ce n’est certes pas très sexy, d’un point de vue purement cosmétique mais extrêmement pratique et encore une fois… fonctionnel.
Un système classique éprouvé
Gardant à l’esprit le fait que nous avons ici affaire à un jeu en plein développement, nous n’entrerons pas dans les détails du système. Pour simplifier et faire court, disons qu’il s’articule autour de trois phases successives attribuées à chaque joueur intervenant selon le principe de l’initiative. Au total, ce seront donc six phases distinctes qui s’enchaîneront à chaque tour. Pour chaque scénario, le joueur est informé succinctement mais clairement, des objectifs à accomplir pour remplir sa mission puis, lui est présenté une fenêtre d’options assez riche permettant de définir le type de partie qu’il va disputer, ainsi que les règles optionnelles applicables ou non à sa partie.
Schématiquement, le joueur disposant de l’initiative commence par gérer ses unités navales et aériennes, selon la disponibilité de chaque scénario, en planifiant déplacements et attaques. Pour les deuxièmes les options sont classiques et suffisantes : patrouilles et reconnaissances ; suprématie ; raids tactiques ou soutien des troupes au sol. Le second joueur (ou l’IA) fait de même et le moteur calcule les résultats des combats. Puis la seconde phase survient concernant les déplacements terrestres, puis les combats mettent un terme à chaque tour. À l’issue de ces trois phases, le moteur rédige des rapports -consultables indépendamment- détaillant les déplacements et les combats.
Les amateurs seront heureux d’apprendre que le système modélise un réseau de ravitaillement complet, aisément visualisable sur la carte, un peu à la manière de ce que propose le titre de Gary Grigsby, War in the West. Personnellement, j’ai rencontré pas mal de soucis d’affichage (images fantômes venant perturber la lecture des informations) mais nuls doutes que ceux-ci seront éliminés en cours de développement.
Petit détail, cependant non négligeable si comme moi vous êtes amateurs du front de l’est, le jeu ne modélise pas directement la gestion opérationnelle de l’écartement des voies de chemin de fer. Toutefois, à l’instar d’un War in the East testé dans nos colonnes, cet élément perturbateur des lignes d’approvisionnement allemandes demeure pris en compte selon d’autres moyens indirects pour calculer le ravitaillement.
L’interface ? Peut mieux faire
Comme on l’a noté, la carte ainsi que les marqueurs représentent globalement une réussite du jeu. Ses mécanismes, sur lesquels nous aurons l’occasion de nous attarder lors du test qui suivra la publication définitive peuvent d’ores et déjà être qualifiés de plaisants. Le fait est que l’ergonomie, l’interface et quelques éléments du gameplay sont pour l’instant encore sujets à discussion.
Pour résumer, l’interface dispose de quelques fonctionnalités originales, comme ce curseur de jeu prenant une forme d’avion ou la silhouette d’un navire, en fonction de l’Arme choisie. Seules les unités appropriées étant alors affichées dans le panneau latéral. Couplé à une fonction positionnant automatiquement ledit curseur sur le marqueur d’unité ou le bouton d’action par défaut associé. Il est alors aisé et relativement rapide d’effectuer le déplacement d’un groupe de bombardiers, leur rayon d’action possible étant visualisé sur la carte, puis de leur attribuer une cible au sol.
En revanche, rien ne permet par exemple, de déplacer une armée entière ou un groupe quelconque d’unités, autrement qu’individuellement. Sur une carte affichant plusieurs centaines d’unités distinctes, la tâche devient aussi longue que problématique. Un système similaire à celui utilisé dans un jeu comme Decisive Campaigns – Case Blue (voir notre test) serait le bienvenu. Attendons la suite du développement, pour voir ce qu’il adviendra de ce point. Ajoutons à cela quelques soucis dans l’implémentation des déplacements du curseur automatiques et des bugs d’affichage liés aux niveaux de zoom ou au positionnement du panneau d’information, qui rendent les parties encore problématiques à jouer. Clairement, en l’état actuel de l’évolution du jeu, ce dernier se destine à des utilisateurs avertis et patients, tout autant que passionnés.
Acheter ou attendre ?
Au bout du compte, telle est bien la question essentielle. Wargamer invétéré, grognard possédant toutes les boîtes d’extension d’ASL et joueur assidu de World in Flames, vous supposer hésitant devant un tel achat serait presque faire insulte à votre passion. Si en revanche vous n’avez qu’une expérience limitée à des jeux informatiques tels que Steel Panthers ou Strategic Command, la question risque de se poser sérieusement. L’aspect rustique du titre et son développement en cours seront autant de points critiques…
Il n’en demeure pas moins que la richesse scénaristique du contenu et le fait que la palette de batailles et de théâtres disponibles, aussi variés que riches en possibilités tactiques devraient emporter votre adhésion mais également séduire et convertir de nombreux joueurs encore hésitants. Les efforts évidents fournis par le développeur pour s’adapter à un public exigeant et plus jeune, en incluant des éléments de confort qui faisaient défaut aux productions antérieures, méritent ici d’être encouragés. Nous sommes en présence d’un diamant brut, dont les facettes multiples s’avèrent encore rugueuses sous la main mais qui ne demande que peu de soin pour révéler tout son éclat potentiel.
A noter que trois patchs et cinq nouveaux scénarios sont sortis depuis le lancement du jeu en décembre dernier. Pour quelques informations supplémentaires sur World War II – Europe, voyez le site officiel, cette page sur Facebook, et surtout le forum officiel.
le public de wargameurs anciens et capable de jouer a des monstres comem WiTP-AE ou WWII ou autre gros wargames, je ne sais pas s’il y a assez de clientele ??
C’est une question qui se pose depuis près de vingt ans pour ce développeur qui; malgré tout continue de maintenir brillamment à flot sa petite société. Je ne me fais pas trop de soucis pour Ron avec ce titre, je pense qu’il doit prendre son pied à le développer et ça ce sent dans le résultat final. Je suis convaincu que le public qui le suit depuis longtemps répondra encore une fois présent et qu’il devrait même gagner pas mal de nouveaux clients sur ce coup-là. Le jeu est bon et ne pourra que se bonifier :)
un monster game en tout cas c’est sûr ! à voir effectivement comment l’interface pourra être améliorée pour être au service du joueur
Je tiens à profiter de l’occasion pour réctifier une grossière erreur de l’article ! Il existe bel et bien un raccourci clavier (Maj+clic) permettant de déplacer plusieurs unités sur la carte, ce qui évidemment simplifie les choses énormément. Ceci étant, il demeure encore de nombreux petits soucis relatif à l’interface, qui nécessiteront l’attention du développeur et les patches afférents. La fin d’année approche rapidement et je crains tout de même que le travail sur la cinquantaine de scénarios restant à publier ne rende le délai un peu court, même si évidemment, en développement depuis deux ans, le travail est probablement plus avancé que je ne l’imagine. Quoi qu’il en soit, ce qui nous est d’ores et déjà proposé permettra d’attendre sans trop s’impatienter :)
Je n’ai pas compris si le jeu était déjà mis en vente où s’il fallait attendre la sortie de tous les scénarios. Ce qui n’est pas clair non plus sur le site Schwerpunkt c’est où en achète le jeu: en Europe ou aux US ?
Oui, le jeu est vendu depuis décembre dernier, dans une version qui est jouable pour les scénarios qui sont fournis, soit un petit peu plus de la moitié de ce qui est prévu pour la version “finale”. En théorie le jeu devrait être finalisé cet été, mais il est plus probable qu’il le sera vers cet automne ou l’hiver prochain.
Niveau gameplay, des patchs ajoutent et vont ajouter quelques fonctionnalités manquantes (par rapport donc à la version de décembre). Par exemple le prochain patch devrait concerner l’aspect naval du jeu. Puis les patchs corrigent aussi divers défauts / bugs, comme d’habitude. Concrêtement si vous ne voulez pas essuyer les plâtres, attendez encore quelques mois. Voyez aussi les avis d’autres joueurs dans les forums (particulièrement par là http://old.wargamer.com/forums/threads.asp?f=163 ).
Concernant le site de Schwerpunkt, il n’est pas très pratique en effet. Pour l’instant le jeu est fourni en téléchargement (depuis les US et par un lien envoyé par email après le paiement). Une fois que le jeu sera fini, il y aura un manuel et divers éléments imprimés. Et si je ne me trompe il sera fourni aussi à des distributeurs.