Depuis le 5 avril dernier, les stratèges en herbe que nous sommes peuvent se réjouir de l’arrivée simultanée de la 8e extension du déjà très complet Europa Universalis IV et du patch 1.16. Au titre rappelant plus volontiers l’Antiquité, ce DLC est intitulé Mare Nostrum, soit le nom que les Romains donnaient à la Méditerranée. Il propose évidemment des ajouts liés aux questions navales du jeu, mais aussi des avancées sur la diplomatie et l’espionnage. Voyons ce qu’il en est, avant de parler des nouveautés gratuites, centrées sur les provinces.
Larguez les amarres
C’est du côté des mers qu’il convient de se tourner pour rencontrer la première batterie de contenus que déploie l’expansion. L’une d’elles concerne les effectifs : désormais, le jeu prend en compte un nouveau paramètre, les marins. Maintenant, comme pour les troupes de l’armée de terre, recruter des flottes et les maintenir à flot coûte non seulement de l’argent, mais aussi un certain nombre de marins dont le maximum dépend des bâtiments, de la technologie, mais avant tout des provinces. On ne peut donc plus bâtir une immense flotte seulement avec de l’or et si l’on dispose d’un accès à la mer très réduit. C’est un plus vraiment bien pensé, et qui force à définir des choix stratégiques majeurs concernant l’orientation à donner à son pays, car il va être difficile de tout développer. Bien sûr, cela ne peut refléter toutes les situations historiques…
Je prends l’exemple de la France, pays ayant certes de nombreux kilomètres de côtes, mais dont l’attrait pour la mer n’a jamais été très développé. Il en résulta un problème d’effectifs très difficile à gérer dans la marine, et ce tout au long de la période couverte par le jeu. Par contre, la modélisation de la « presse » est à noter, ce terme signifiant le recrutement forcé de marins par le pouvoir, au besoin en bloquant un port. Très souvent les Français ou les Britanniques opéraient ainsi pour compléter leurs effectifs avant une campagne navale, et il est très appréciable que cela vienne compléter l’ajout des effectifs de la marine dont j’ai parlé plus haut. Historiquement, l’enthousiasme de telles recrues était évidemment limité, pour employer un euphémisme.
A côté de cela on retrouve des missions navales repensées et qui font penser à celles disponibles dans les autres productions du studio : intercepter les flottes ennemies, les éviter ou effectuer des blocus des côtes, le tout dans les régions choisies par le joueur. C’est plus lisible ainsi et appréciable, même si je trouve lesdites régions trop vastes comme la gigantesque « Méditerranée » qu’il aurait été bon, à mon sens, de subdiviser. Pourtant, une relecture plus poussée des missions existantes aurait été la bienvenue.
Il est notamment, depuis l’extension Wealth of Nations, possible d’armer ses escadres en course, c’est-à-dire de les envoyer se comporter comme des corsaires dans les nœuds de commerce adverses. Cela augmentera vos bénéfices, mais les cibles risquent de ne pas apprécier.
On aurait aimé par exemple que la logique aille jusqu’au bout avec Mare Nostrum, je veux dire par là que l’on puisse armer temporairement des flottes pour les dédier à cette tâche, en cas de conflit armé par exemple. C’est ce que firent de nombreux états durant l’époque couverte par le jeu, distribuant des « lettres de marque » à des bâtiments privés pour qu’ils fassent la guerre au commerce ennemi et suppléent à leur manque de moyens maritimes.
Par contre, il est appréciable que ce système soit désormais plus développé pour les états d’Afrique du nord, qui peuvent piller les côtes des autres pays. Cela rappelle leur intense activité de course pendant les siècles du jeu, contrée tant bien que mal par les navires de l’ordre de Malte pour ne citer que lui. Cette activité était si importante et vivace dans les mémoires qu’elle constitua l’un des prétextes de l’expédition d’Alger de 1830, et ce même si elle avait beaucoup décliné à l’époque.
Espionnage et diplomatie
A côté des données maritimes, Mare Nostrum nous invite également à nous initier plus avant aux arts du secret et de la négociation… En effet la diplomatie et l’espionnage reçoivent des ajouts eux aussi. Le second n’est pas étranger à la série, puisque des espions pouvaient être utilisés dans Europa Universalis III, sous forme d’agents dont on disposait en nombre limité chaque année, suivant ses technologies et décisions, comme les marchands et colons.
Là c’est différent : un diplomate doit être utilisé pour créer un réseau d’espionnage dans un autre pays. Comme pour améliorer des relations, il devient indisponible pour une autre tâche, à moins que vous ne le rappeliez. Une fois lancé dans cette mission, il engrange des points disponibles pour falsifier des revendications sur une province, etc. Le système marche plutôt bien, gérant notamment l’éloignement entre votre pays et l’État-cible. Plus vous serez loin, plus l’espionnage s’en trouvera malaisé. D’ailleurs, il faudra veiller plus qu’avant à avoir suffisamment de diplomates pour subvenir à vos besoins, car ils servent à beaucoup de choses. A noter que certaines doctrines facilitent l’espionnage et débloquent des missions supplémentaires pour vos agents secrets.
Ce n’est pas tout, on notera aussi de nouvelles options diplomatiques, disais-je. La première est une action nommée « partager des cartes ». Autrement dit, il est possible de payer pour obtenir les cartes des provinces découvertes par certains pays, et ainsi accéder à de nouvelles zones, notamment pour la colonisation. Attention, il vous en coûtera aussi du prestige et il faudra renouveler l’opération pour chaque région, on ne peut tout découvrir d’un coup. Je vous renvoie à la capture d’écran correspondant.
L’option est plutôt intéressante, mais me fait rappeler que les précédents volets de la série avaient aussi un système de partage automatique des découvertes au bout d’un certain temps, ce qui n’était pas non plus irréaliste. Je repense aux Espagnols et aux Portugais, incapables de garder très longtemps leurs découvertes secrètes et qui virent arriver des Britanniques, Néerlandais, Français et même Danois en Amérique ou en Inde.
Enfin, on notera qu’il est possible de louer les services de ses troupes à d’autres états en mal de soldats. Cet ajout fort sympathique est intitulé « condottieri », du nom de ces troupes armées de l’Italie de la Renaissance qui vendaient leurs services guerriers, comme les lansquenets allemands de la guerre de Trente Ans (1618-1648). Dans les faits, il n’est pourtant pas toujours aisé de parvenir à un accord avec de potentiels loueurs, comme certaines options du jeu en fait difficilement réalisables (proposer un prêt et d’autres).
Cela s’ajoute aux nouvelles ligues commerciales, qui permettent aux Etats qui en font partie de mettre en commun leurs richesses et leur défense, certes surtout au bénéfice des initiateurs de ces unions. Ceux-ci sont des républiques marchandes comme Venise et, s’ils constituent un réseau efficace, peuvent mettre à mal vos rêves de grandeur face à un petit pays ligué, car soutenu par plusieurs autres.
Les ajouts du patch 1.16 et les DLC mineurs
Loin d’être anecdotique, le patch 1.16 apporte son lot de bonnes choses… Mais qui souvent sont complémentaires de celles du DLC qui lui est contemporain, selon un schéma désormais appliqué par Paradox. Sans doute est-ce pour donner un avant-goût Mare Nostrum et ainsi inciter à l’achat. Je veux par exemple parler des corsaires, ou des combats navals qui ont été revus, augmentant notamment le rôle des amiraux, dont les talents peuvent amener à capturer plus de navires ennemis.
On notera aussi que, lors du blocus d’une côte (que le patch fait apparaître visuellement sur la carte), ils peuvent apporter un soutien en augmentant l’efficacité de celui-ci selon leur rang. Il n’aurait pas été inintéressant qu’ils renforcent aussi, avec leurs forces, les défenseurs en cas de siège… Je songe là aux troupes embarquées sur les navires, comme les compagnies franches de la marine, françaises, qui bien souvent débarquaient pour venir en aide aux assiégés… Un navire de ligne de la fin du 18e siècle, comme les vaisseaux de 74 canons français, embarquait ainsi plusieurs centaines de soldats qui faisaient le coup de feu à terre. Je chipote, mais cela aurait permis de bien compléter toutes ces nouveautés.
Le deuxième point d’importance est l’apparition des états et territoires, et c’est désormais une donnée primordiale du jeu, que je trouve très bonne. Jusque-là, les pays étaient divisés en province, point à la ligne. Désormais, comme dans un Victoria II par exemple, elles appartiennent à des entités plus grandes, nommées états, dont le nombre est limité suivant les régimes, la technologie, etc.
Ce peut être, par exemple l’Anatolie (centre de la Turquie) ou la Géorgie. Si les maintenir entraîne de nouveaux frais, cela permet une gestion plus fine. Je veux dire par là que, pour tirer le maximum de bénéfices de vos provinces, il faut les constituer en états, et les légitimer à nouveau. Selon son degré d’avancement dans le jeu, on devra donc choisir les régions à transformer en états (le nombre est limité, je l’ai dit). Fatalement, une certaine partie resteront de simples « possessions », dont le développement sera moindre.
Enfin, preuve que ce patch n’est pas anodin, une autre valeur s’ajoute à celles déjà existantes, il s’agit de la corruption, différente de l’inflation. Elle est générée par divers facteurs, comme la surexpansion et apporte son lot de malus qui peuvent devenir très handicapants en cas de hausse trop importante. Pour la juguler, il faudra affecter des fonds à la lutte contre sa propagation. La gestion du budget est plus que jamais serrée avec ces deux derniers points… Gare à la banqueroute !
Pour terminer, quelques lignes sur le Mare Nostrum Content Pack un DLC cosmétique plus que dispensable qui, pour le prix de 6 euros, rajoute quelques dizaines de modèles visuels d’unités différents. Pourquoi pas. Mais quand on songe que c’est le prix en solde de bons jeux sur les plates-formes de téléchargement et que l’on zoome rarement assez dans les jeux de Paradox pour voir la différence, on ne peut s’empêcher de pester intérieurement contre ces coûteux confettis qui sont légion sur la toile ces dernières années.
Peut-être serait-il de bon goût pour Paradox d’envisager, enfin, la publication d’une version réellement finale regroupant l’ensemble des DLC ? Cette politique d’émiettage extrême, si elle a le mérite de maintenir en vie et à jour des jeux que d’autres auraient depuis longtemps affublés d’une « Version 2++ » commence sans doutes également à en lasser certains… d’autant qu’un constat s’impose : à chaque sortie nouvelle on se prend à noter ce qu’il aurait également fallu ajouter/améliorer tel ou tel élément ou faire autrement. Est-ce dû au fait que les développeurs, au fait de cette politique tout DLC mise en place par Paradox, commencent leur travail de programmation avec l’idée que « de toutes façons on verra ça dans six mois, pour la sortie du premier DLC… » ?
le commentaire précédent me parait très juste….
D’ailleurs, j’ai longtemps été rebuté par la série et par CKII mais j’ai passé un bon moment à regarder des let’s play sur youtube au point de me demander si je n’allais pas me lancer sur EUIV.
Je me suis alors trouvé face à un autre problème: la masse terrifiante des DLC (les vrais, utiles, comme celui ci ou Common Sense) qui semblent tellement transformer le jeu de base que je me sens un peu obligé de ne pas me contenter de celui ci!
Mais lesquels prendre? parce qu’à moins que PAradox ne sorte une version GOLD, le prix du jeu+ tous ses DLC me parait prohibitif.
Le jeu de base est il encore intéressant sans DLC? Et si non, lesquels sont indispensables/négligeables?
Pour la première question je répondrais que oui, le jeu de base sans aucun DLC me semble néanmoins intéressant. Ceci dit, je pondérerais ma réponse car d’une part je joue peu avec EU IV, bien moins que je n’ai joué avec EU 3 ou 2. D’autre part pour la bonne raison que je joue avec un DLC ! Certes mineur, puisqu’il s’agit de Women in history ;) Bénéficiant malgré tout de l’intégralité des patches gratuits, cette version « presque vanilla » demeure très agréable à pratiquer, même s’il est certain que des DLC majeurs comme Mare Nostrum ou Common Sense, pour ne citer que les deux me paraissant les plus attractifs doivent apporter un surplus substantiel d’intérêt au jeu. J’imagine que Davout saura cependant mieux pointer les atouts des DLC incontournables… Je pense qu’il serait dommage de négliger le jeu de base et de se focaliser sur la multitude d’extensions. Le série EU demeure l’une des plus agréables à jouer, bien que certaines « évolutions », comme la disparition du mode Fantasia, au fil des sorties demeure selon mes goûts une faute de jugement majeure. Une fois satisfait ou non par le jeu de base, le choix d’acheter ou non telle ou telle extension majeure/mineure devrait s’en trouver facilité. Si vous aimez jouer les nations sauvages de l’Est, The cossacks sera un choix incontournable mais si la diplomatie vous paraît encore un brin négligée, Common Sense s’imposera aisément; etc. Bon jeu :)
Oui, tout à fait, le jeu de base mérite tout de même le détour, il y a de quoi faire. De plus, les extensions sont régulièrement en promotion, ainsi que des packs en regroupant plusieurs. Toutes ajoutent des choses intéressantes, « hélas ».
Merci pour vos réponses! J’attendrais les prochaines promo pour me lancer enfin!