Depuis mes précédents essais en mars dernier, le gameplay de Invisible Inc a subi quelques changements importants. L’objectif des développeurs étant de « simplifier » le jeu tout en tâchant de préserver un esprit « hardcore ». Hmm… De fait la partie combat a nettement été élaguée, au profit de la dimension infiltration. Le thème principal du jeu étant justement de jouer, dans un futur proche type cyberpunk, des « espions » s’infiltrant dans les QG de grandes corporations, ce choix de privilégier la discrétion au détriment des combats pourrait sembler pertinent. L’est-il vraiment ? Non, du moins pas aujourd’hui et pas en l’état de la dernière version du jeu, arrivée sur Steam il y a peu. Pourquoi ? Explications.

Précisons toutefois une chose, le jeu utilise un système générant aléatoirement les missions. En conséquence, on peut obtenir un résultat cohérent, et donc des missions ni trop faciles, ni trop compliquées. Ou au contraire, on peut se retrouver dans des situations que les limites actuelles du gameplay ne permettent pas bien de contourner.

Un défaut gênant pour un jeu consistant à s’infiltrer, donc à contourner les défenses adverses. Bien sûr l’actuelle « alpha » ou « Early Access » disponible sur Steam est aussi une sorte de prototype tendant légèrement vers le stade de la bêta, et donc il ne s’agit pas du tout d’un jeu fini, ni entièrement équilibré. On ne peut ainsi sur la version actuelle donner aucun jugement définitif, d’autant plus qu’à la base, les idées présentes sont à la fois originales et amusantes. Par contre pour l’instant, la réalisation n’est vraiment pas encore au point. Voyons ce que l’on peut faire dans cette alpha.

Passé un briefing récapitulant l’essentiel, on entre dans le vif du sujet. Nos deux héros sont en territoire ennemi, ils doivent ici trouver un ascenseur pour passer à l’étage suivant. Pour l’instant les objectifs sont simples, et varieront plus lors des évolutions du jeu, là n’est pas le souci.

Il n’y a au démarrage que deux personnages jouables, on peut en débloquer deux de plus en accumulant des XP, et deux autres au moins semblent prévus par la suite, chacun ayant au moins une caractéristique très spécifique. Ici l’espion Deckard est rapide tandis que l’espionne surnommée Internationale est elle capable de hacker à distance (4-5 cases) et y compris à travers les murs, ce que son comparse ne peut faire sans être juste à coté de sa cible. Les deux personnages se jouent très différemment, l’un explorant plus vite, l’autre, un peu plus lent, agissant plutôt en soutien (avec en théorie, une fois expérimenté, un pistolet).

Au début nos personnages, pourtant censés être des professionnels dans le domaine, commence avec peu de compétences, et surtout, c’est bien plus ennuyant, très très peu d’équipement. Celui-ci devra être acquis chemin faisant et pose le sérieux problème, pour ce type de jeu, de ne pas pouvoir s’équiper avant de partir en mission …

De fait, il faudra faire avec le peu qu’on a initialement, ce qui rend vos premiers choix de mouvements plus hasardeux (afin de trouver des coffres avec de l’argent ou du matériel). L’une des idées semble être ici de fournir un prétexte au joueur pour l’inciter à explorer la carte. Bonne idée, en théorie, sauf que ce que l’on trouve n’est souvent pas à la hauteur des risques que cela force à prendre (perdre du temps et être confronté à des défenses plus dangereuses).

De manière générale l’interface est plus agréable à utiliser. Les décors sont soignés et les informations assez bien lisibles. On s’y fait très vite. Typiquement au début on se colle à une porte, l’entrouvre pour apercevoir un peu ce qui est derrière ou à coté (un couloir, une salle, un garde, une caméra, un ordinateur, un pot de fleur, etc.), et si il n’y a pas de cases « rouges », symbolisant le fait que quelque chose ou quelqu’un sera susceptible de vous détecter, il suffit alors d’avancer. Les ennemis ont une ligne de vue, clairement identifiable. Idem pour leur déplacement, facile à visualiser, même dans une pièce adjacente, ce qui représente les bruits (de pas) que perçoivent les personnages (certains gardes sont immobiles, corsant un peu la chose). Tout cela est très bien, on se fait facilement une idée de l’environnement et sauf cas très particulier, nous en verrons un après, on s’oriente facilement sans devoir prendre immédiatement des risques inconsidérés.

Ajoutons que la partie piratage informatique se joue dans une sorte de cyberespace, vous disposez d’un nombre variable de points d’énergie, pouvez en récupérer un peu à chaque tour, ou en hackant certains terminaux spéciaux. Chaque défense informatisée dans le secteur nécessite un nombre de points plus ou moins élevés pour être neutralisée. Ce coût augmente d’ailleurs fonction du niveau d’alarme général, et peut varier aussi quand un équipement dispose d’un programme spécial, complexifiant la neutralisation, voire pouvant déclencher une alarme supplémentaire. Typiquement au début une caméra se neutralise avec 1 PE et vous avez environ une bonne dizaine de points en stock. Cette partie du jeu fonctionne plutôt bien et, en général, demande de bien gérer son énergie, pour ne pas se retrouver démunie quand, inévitablement, le niveau d’alarme va augmenter.

Rappelons que dans Invisible Inc le niveau d’alarme augmente tout seul, le bâtiment, technologies futuristes aidant, se rendant compte progressivement que quelque chose n’est pas à sa place, bouge, bref se déplace alors qu’il ne devrait pas. A chaque niveau d’alerte, il y en a au moins 4, les défenses se renforcent, des gardes supplémentaires viennent patrouiller, suivi de soldats d’élite si la menace est devenue trop importante. Autrement dit chaque mission est une sorte de course contre la montre où il faut optimiser ses actions.

 

 

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1ère étape, sélectionner une mission depuis ce sympathique nouvel écran du story mode, c’est à dire une suite de missions menant à un mystérieux affrontement final.
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Situation de départ. Selon les missions vous pouvez vous retrouver dans les locaux de trois corporations différentes. L’une d’elle utilisant des sortes de drones, en plus des gardes hébituels.
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Neutralisation d’une première caméra via l’interface du cyberespace (intitulé ici incognita).
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Passons rapidement ce premier niveau, relativement vide. On voit un peu mieux ici un exemple des jolis décors, deux caméras neutralisées (au milieu de l’écran), et un terminal où l’on vole des points d’énergie.
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On entrevoit ici, en haut de l’écran, l’ascenseur permettant de quitter ce niveau, et, au milieu de l’écran, un garde juste derrière le mur à coté de la porte que je venais d’ouvrir. La porte rouge à coté nécessite une carte magnétique spéciale pour s’ouvrir. Je suis passé facilement une fois le garde assommé.

A la fin de chaque mission on peut utiliser l’argent gagné, y compris celui volé dans les coffres ou les poches des gardes, pour faire progresser les compétences de ses personnages. Celles-ci sont au nombre de 4 :

Stealth (discrétion), pour augmenter ses points de mouvement, Hacking (piratage), pour forcer l’utilisation de certains équipement (ex : tourelle avec mitrailleuse) et regagner un peu plus de points d’énergie, Inventory (inventaire), tout simplement pour avoir plus de cases où mettre son équipement, et donc ne pas être obligé d’abandonner sur le terrain une trouvaille qu’on ne pourrait pas mettre dans ses poches, et Anarchy, qui permet de jouer les pick-pockets, et même d’avoir un bonus pour les sommes d’argent ainsi récupérées.

Ce système est simple, un peu bancal, et comme vous l’imaginez, la compétence primordiale ici est la discrétion, qui permet des déplacements plus rapides et donc souvent d’esquiver les problèmes. Par comparaison les autres compétences sont moins intéressantes. Sauf peut-être dans certains cas celle de l’inventaire. Mais vu les limites relatives à l’utilisation de l’équipement, j’y reviendrai après, mieux vaut avoir au début plus de points de mouvement que une poche supplémentaire dans son manteau (poche de plus pour laquelle bizarrement on peut aussi payer pour l’activer durant une mission). Le piratage est utile bien sûr, mais avec un point on en a assez, et de toutes façons quand le niveau d’alarme grimpe, sauf exceptions à nouveau mieux vaudra pouvoir courir vite vers la sortie.

Mais pourquoi donc faut-il impérativement s’enfuir ? Après tout, on dirige des professionnels, et pas des enfants de coeur, non ? Et bien c’est là où le gameplay commence à défaillir. Le combat a radicalement été simplifié. Au début chaque héros dispose d’une sorte de taser, qui, attention, une fois utilisé va nécessiter 3 tours pour se recharger. Sachant qu’un ennemi reprendra conscience au bout de 2 tours, donc trop vite, et que dans l’intervalle vous ne pouvez rien faire d’autre, pas de coup de poing, pas de menottes, etc.  sauf à bloquer un de vos espions pour maintenir au sol un garde, et donc retarder son réveil, une option en fait peu utile, il n’y a plus qu’à déguerpir et espérer qu’à son réveil le garde ne saura pas trop où chercher ses agresseurs (fermer les portes derrière soi aide beaucoup en cela). Car si un garde vous aperçoit, donc vous met en joue, un seul de ses tirs suffira à vous neutraliser. Idem par la suite quand le joueur fait l’acquisition de pistolets et autres armes un peu plus pratiques qu’un petit taser.

Cette nouvelle règle voulant qu’un tir touche et tue automatiquement déséquilibre plus le jeu. Avant on pouvait utiliser le décor pour se mettre à couvert, désormais celui-ci permet juste de se cacher, ce qui est certes déjà très utile, mais enlève toute notion de protection. Pour ne pas rentrer dans le détail des évolutions du jeu depuis les précédentes versions, disons qu’en l’état dès qu’un combat s’engage c’est beaucoup plus simple et nettement moins cohérent. D’autant plus lors des premières missions où les personnages sont inexpérimentés, mal équipés, ce qui rend le tout encore plus aléatoire qu’il ne l’est déjà. Paradoxalement le précédent système de combats était plus équilibré, mais son principal défaut était que les joueurs pouvait plus facilement vaincre les adversaires. Cela donnait lieu à de jolis combats tactiques, mais évidemment à moins d’infiltration. La solution actuelle choisie par le studio pêche par excès de simplification, force à plus fuir le combat et nuit particulièrement à la crédibilité du jeu.

On imagine très bien qu’un espion n’est pas un super-héros capable de neutraliser à lui seul une escouade de garde d’élites. Mais de là à ne pas pouvoir bagarrer avec deux gardes de base dans un couloir, sans risquer la mort (celle-ci fort logiquement étant permanente), et pas juste disons une blessure même grave, il y a une différence. Certes, on peut trouver un kit de soins, qu’il faudra d’ailleurs payer cher, pour donc ainsi avoir une chance de ramener à la vie un de ses personnages. Étrangement, au QG les capacités en premiers soins ou en endurance ne font pas partie du nécessaire requis pour un espion de haut-vol. Vous imaginez James Bond ou Natasha Romanoff des Vengeurs ? Vos personnages sont tout le contraire … Bon courage !

Mon fiasco d’entrée de jeu dans cette nouvelle version de Invisible Inc reflète très bien les errements actuels du jeu. Et de manière générale de tous les jeux en cours de développement. Selon ses goûts on peut apprécier plus ou moins la simplification du système de combat, pour ma part je préférais l’ancien système, plus précis et qui demandait quand même de bien calculer ses chances de réussite. Mais le système actuel, plus simple, a aussi certains avantages. Y compris probablement celui d’être susceptible de plaire à un public ne souhaitant pas un gameplay trop tactique.

J’avais beaucoup apprécié Mark of the Ninja, un précédent jeu de Klei Entertainment, qui justement privilégiait la simplicité des combats, sans pour autant nuire à l’ambiance générale, très réussie (et pour ceux ne connaissant pas, grosso modo de style jeux d’arcade). Sans être très tactique, ce n’était d’ailleurs pas du tout son but, ce Mark of the Ninja offrait un gameplay original, amusant, et quand même exigeant, surtout pour effectuer les meilleures combinaisons et réaliser un haut score. Avec Invisible Inc, on a l’impression que Klei est déchiré entre deux genres de jeu, celui simple et distrayant, celui plus pointu et passionnant, tactiquement parlant. Invisible Inc se voudrait « hardcore » mais la dernière mouture, en limitant le nombre de choix et de paramètres, l’emmène à l’opposé. Les développeurs font ainsi un grand écart, qui en un sens pourrait donner naissance à un sous-genre, que l’on qualifierait alors de « softcore », de « hardsimple » ? Ou de toutes autres combinaisons antinomiques que vous pouvez imaginer.

Trêve de plaisanterie, on devine que le studio n’est pas loin de trouver un relatif équilibre quant au gameplay de Invisible Inc. J’ai bien évidemment rejoué quelques autres missions après ma première et involontaire débâcle. Sans être palpitantes, les autres missions se sont déroulées dans de meilleures conditions. L’exemple montré ici n’est pas représentatif de toutes les missions, heureusement, mais plutôt de la fragilité du système actuel, enclin à se déséquilibrer beaucoup trop facilement. Si seulement on avait un peu plus d’équipement au départ, moins de limitations arbitraires, tel un unique taser mettant trois tours à se recharger … une bonne matraque voire un simple gourdin compenserait efficacement, sans parler d’un bon coup de poing ou de la pratique des arts martiaux … Qu’on ne joue pas des cow-boys, certes, très bien, mais si l’on joue des vrais espions, avec tout ce que cela implique, que ce ne soit pas alors des boy-scouts ! Les développeurs cherchent peut-être trop à équilibrer l’aléatoire dans un programme informatique quand ils devraient plutôt chercher à équilibrer une logique de jeu. Sans quoi on est face à un gameplay inégal, artificiel, et l’illusion peut alors s’effondrer aussi vite qu’un château de cartes par grand vent.

La version définitive du jeu n’étant pas attendue avant le début de l’année prochaine, vous avez encore tout le loisir de vous consacrer à autre chose, le temps que Klei Entertainement peaufine sa formule pour aboutir à un bon « tactical turn based espionnage game ». D’ici là le studio promet des mises à jour mensuelles, updates qui ajouteront du contenu et surtout qui devraient optimiser l’ensemble.

Ajoutons enfin qu’un jeu comme Invisible Inc a toute sa place dans l’horizon vidéoludique actuel. Il n’y a toujours pas assez de jeux explorant le genre Cyberpunk, ou un contexte assimilé comme tel, genre pourtant très riche. Et il n’y a pas non plus beaucoup de jeux où justement le joueur ne dirige pas une équipe de rouleaux-compresseurs vivants, capables à eux seuls de repousser une armée, voire une invasion extra-terrestre. Non pas que cela ne soit pas amusant, bien au contraire, mais un jeu sur le thème de la discrétion oblige d’autant plus à la réflexion que l’on n’a pas la force brute nécessaire à disposition. Ce type de jeu n’étant pas fréquent, justement car l’équilibrage est délicat, si vous ne craignez pas d’essuyer les plâtres, soutenez Invisible Inc en participant à la phase Early Access. Au passage vous bénéficierez en prime d’une ristourne de 20 %, c’est toujours ça, vous aurez soutenu un jeune studio ce qui est toujours bon pour votre karma, et Klei Entertainement ayant quand même désormais une solide expérience, au final le jeu ne sera peut-être pas aussi fin qu’un grand crû tel XCOM ou Jagged Alliance mais il sera certainement un bon jeu, très original. Sinon, chacun ses goûts, en cas de doute comme d’habitude, abstenez-vous et attendez les tests de la version définitive.

 

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Fiche d’un personnage. Vous avez impérativement besoin de trouver de l’argent pour acheter des compétences (entre chaque mission) et du matériel (durant une mission). Notez que si vous tuez un garde, vous augmenterez plus vite le niveau d’alarme et subirez une pénalité financière lors du débriefing.
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Ici, un cas rare mais emblématique des défauts du jeu. Au premier tour je termine mon mouvement dans un couloir, vide. Un garde surgit, me met en joue, au second tour, ne pouvant attaquer de face, je bouge, il m’abat…
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Peu après mon second personnage a neutralisé le premier garde, mais mon taser étant déchargé, je ne peux réagir quand un second garde se rue au secours du premier. Mise en joue mon espionne sera donc aussi abattue …
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Le résultat est sans appel. Pour ma première partie depuis quelques mois avec Invisible Inc, je n’ai même pas pu terminer la première mission … Une telle défaite immédiate est plutôt exceptionnelle, mais possible. Heureusement les missions suivantes se sont mieux passées, ce déséquilibre étant surtout en début de partie.
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Un exemple des incohérences du jeu, mon héros principal ne peut pas prendre une simple carte magnétique, celles qui ouvrent des portes sécurisées, sans devoir abandonner un élément de son maigre équipement… Un si petit objet, comme c’est le cas de l’argent volé aux gardes, ne devrait pas forcer un tel choix.

4 Commentaires

  1. Merci pour cette « review »
    Entre wasteland 2, jagged flashback, xenonauts, et satellite reign, le futur s’annonce radieux !

    la 3D iso vaincra ^^

    • Oui, la 3D iso ça a du bon aussi. Satellite Reign pourrait bien en effet faire partie des bonnes surprises, l’année prochaine j’imagine.

  2. 3D iso et tour par tour bien dans l’air du temps de la scène indé/kickstarter, c’est tout à fait plaisant ;o)
    j’oubliais underRail du coup …. manque plus que du temps pour tout ça !

  3. kickstarter est aussi « indie » que mc DO et microsoft. Les grosses boites se servent de ça pour se faire payer le développement des jeux par le public.

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