La guerre finno-soviétique

Un épisode oublié

Aussi connue sous le nom de « guerre d’hiver », la guerre finno-soviétique est un épisode un peu oublié de la Seconde Guerre mondiale, qui prend place à l’hiver 1939-1940. Elle résulte d’une volonté de Staline de profiter du déclenchement de ce conflit pour améliorer ses frontières à l’ouest, en vue de préparer un affrontement ultérieur avec Hitler qu’il juge, en réaliste, inévitable, même s’il va s’aveugler par la suite en refusant de le croire si proche, en 1941. C’est donc à rapprocher de son invasion des pays Baltes, de la Bessarabie et de l’est polonais. Ces évènements sont liés, même si on ne s’en est pas forcément rendu compte à l’époque.

Ces raisons difficiles à reconstruire, le déclenchement de la guerre et son déroulé sont expliqués et racontés de main de maître par l’historien Louis Clerc, spécialiste de la Scandinavie. Il prend soin de replacer les choses dans un contexte large, et explique les conditions d’indépendance de la Finlande à la chute du tsarisme ainsi que l’évolution de ses relations avec le nouveau voisin soviétique. Je les ai vulgarisées sur mon site. L’auteur prend soin d’alterner les points de vue, d’expliquer les positions finlandaises et soviétiques tout en nourrissant le propos d’une troisième approche, celle de l’Europe de l’ouest, intéressée par ce conflit qui éclate fin novembre 1939 et les distrait de la morne « Drôle de Guerre ». Malgré la complexité de l’affaire, tout est là de manière très claire et agréable à lire.

Une guerre aux conséquences très importantes

Or, le sujet passionne dès l’époque la France et le Royaume-Uni qui suivent les exploits de l’armée finnoise. Contre toute attente les Finlandais résistent : l’armée rouge est mal préparée, jetée dans la bataille sans vraie coordination, avec un encadrement très affaibli après les « purges » staliniennes des années 1930. Les Soviétiques piétinent pendant des mois dans un hiver très froid, face à des gens déterminés à défendre leur pays et s’appuyant sur ses vastes lacs et forêts pour ralentir et canaliser l’adversaire.

Une parfaite connaissance du terrain les sert, ainsi qu’une aide venue de pays à la fois démocratiques et d’extrême droite. L’Italie envoie des casques par exemple, la France une antenne médicale, faute d’avoir pu préparer une vraie opération militaire. Tout ceci, l’auteur l’explique très bien, sans oublier d’évoquer la propagande, de parler des prisonniers et de replacer cette guerre dans le contexte plus large du conflit mondial. On comprend beaucoup de choses sur les tares du commandement allié à la lumière de leur incapacité à intervenir, de leurs tergiversations. La montagne accouche d’une souris : les forces sont finalement envoyées en Norvège envahie par l’Allemagne.

On en apprend aussi beaucoup sur l’armée rouge dont la piètre prestation va amener à une réflexion : quelques mois plus tôt, n’a-t-elle pas repoussé le Japon à Khalkhin Gol ? Pourquoi cette incapacité à avancer en Finlande alors ? L’auteur explique le contexte très particulier de ce conflit. Il montre que l’URSS finit par l’emporter avec une débauche de moyens qui force la Finlande à la paix, et à lâcher quelques territoires frontaliers permettant de créer un tampon devant Leningrad et Mourmansk. Il expose aussi clairement la vision qu’Hitler a de cette guerre. Le comportement de l’armée soviétique renforce sa volonté d’attaquer un pays qu’il juge incapable de lui faire réellement face. Or, une réforme de l’Armée rouge est justement lancée par la suite : certaines erreurs ont été comprises par le haut-commandement. Toutefois, elle n’est pas encore aboutie au moment de l’attaque allemande de 1941, à laquelle la Finlande va justement se joindre.

Au-delà des combats purement soviéto-finlandais, Louis Clerc joue pleinement son rôle d’historien et montre la très grande importance de cet épisode pour comprendre la Seconde Guerre mondiale. Il a des conséquences directes comme plus lointaine et sa mémoire après 1940 est aussi évoquée. Paru chez Economica dans la collection Campagnes & Stratégies, on se ruera donc sur cet ouvrage sans hésitation, d’autant qu’il se lit bien et est illustré par de bienvenues cartes. Seul le prix pourra faire réfléchir : 29 euros pour 244 pages.

Si l’on s’intéresse à ce sujet, il fera prochainement l’objet sur nos écrans d’un joli wargame intitulé Winter War.

 

La guerre finno-soviétique CLERC LouisLa guerre finno-soviétique CLERC Louis

Actus