Le chevalier de Borda

Le chevalier de Borda - MemoringPoursuivons notre tour d’horizon de la belle collection « Figures de Nouvelle-Aquitaine » avec, cette fois, un intéressant fascicule consacré au chevalier de Borda, un officier savant au siècle des Lumières pour reprendre le sous-titre de l’ouvrage.

Le terrien devenu marin

L’homme est à la fois peu et mal connu. Si la mémoire collective le rattache généralement au courant des Lumières et se souvient de quelques-unes de ses inventions qui ont tant marqué le domaine de la navigation, on sait moins qu’il est originaire d’une famille noble de Dax et qu’il se destinait d’abord à un service terrestre. On prend donc plaisir à découvrir la trajectoire de Charles, né en 1733, et d’abord destiné à une carrière militaire. Passé par la cavalerie de la maison militaire du roi, on le retrouve brièvement dans la guerre de Sept ans, puis en formation à l’école du génie de Mézières…. Avant de le voir peu à peu passer au service de la mer. Il fait partie de ces quelques rares terriens comme Bougainville et d’Estaing à avoir effectué une telle trajectoire au XVIIIe siècle, ce qui ne fut pas sans susciter des commentaires de la part des marins, dont une partie appréciait peu ces « transfuges ».

Dans le cas qui nous intéresse, l’auteur décrit très bien ce progressif transfert, comme les différentes étapes de la carrière scientifique de Charles de Borda, dont les prédispositions se transforment en vraie vocation. Au fil des ans, il publie des travaux sur l’hydrodynamisme, les mouvements, les flux, prend la mer pour des voyages d’exploration scientifique et invente des instruments de mesures restés dans l’histoire, comme le cercle de réflexion. C’est à un voyage dans une marine du XVIIIe siècle, obsédée par le bon calcul des distances et par la volonté d’effectuer une cartographie plus juste, que nous invite l’ouvrage, qui ne masque rien des querelles savantes auxquelles participe Borda ni des soutiens qu’il a pu rencontrer. Sans jamais verser dans des explications scientifiques obscures, Gonzague Espinosa-Dassonneville restitue parfaitement la trajectoire d’un savant de l’époque des Lumières, qu’on ne saurait résumer aux philosophes. D’ailleurs, les différentes sciences et arts étaient moins cloisonnés qu’aujourd’hui, ce qu’on remarque très bien dans le livre.

Après l’ancien régime

On retrouve par la suite un Borda vieillissant, mais encore très actif dans les années 1770-1780. Cette partie de l’ouvrage est très intéressante, car permet de suivre le parcours de personnalités de la monarchie finissante et après qu’elle ait cessé d’existé. Borda met ainsi au point les plans du fameux vaisseau de 74 canons, avec l’ingénieur Sané, premier type de navire de combat standardisé, à une époque où Gribeauval fait de même dans l’artillerie. On découvre donc tout un pan de l’ancien régime sue le point de se terminer souvent méconnu, celui d’une monarchie « savante », désireuse de simplifier de nombreuses pesanteurs, sans toutefois y parvenir dans les domaines administratif et surtout politique.

Ainsi, le noble Borda est-il concerné par la Révolution française qui éclate en 1789. S’il ne fait pas lui-même de politique, et s’occupe surtout de questions savantes et techniques (il est un membre très important de la Commission des poids et mesures qui met au point le système métrique), il est un temps inquiété sous la Terreur, sans toutefois subir de violences physiques. Réintégré dans ses fonctions après cet épisode, il s’épuise lors de ses dernières années à de nombreuses inventions (le thermomètre métallique), et à conseiller le régime du Directoire sur plus d’une question technique (poudres, projectiles d’artillerie, etc.). Sa compétence est reconnue jusqu’à sa mort en 1799, l’homme privé s’effaçant souvent derrière le scientifique, ce que l’auteur explique parfaitement. On reste confondu par tant d’activité déployée pendant ces ultimes moments de vie qui permettent de comprendre que Borda n’a pas travaillé que sur des aspects maritimes, même si son nom y reste surtout attaché. Il fait partie de ces nombreux savants, officiers, voire hommes d’État, du XVIIIe siècle qui ont survécu à la Révolution, du fait de leur génie, mais aussi des circonstances et peut-être de leur apolitisme. D’autres, à l’instar de Lavoisier, trop marqués par leur implication dans des structures d’ancien régime détestées (la ferme générale des impôts) n’ont pas eu ce « luxe ». Toutefois, il ne put, comme Monge ou Parmentier, bénéficier des largesses de Bonaparte, étant donné sa date de décès.

Le fascicule se clôt par d’intéressantes pages sur la mémoire de Borda jusqu’à aujourd’hui, encore présente, même si elle semble se cantonner à quelques domaines (la Marine, une partie du monde des sciences exactes) et lieux (quelques rues en France, une statuaire à Dax notamment). On notera quand même la vitalité de la Société de Borda, société savante et érudite des Landes nommée en l’honneur du personnage et dont l’auteur est aussi le président. Possédant une riche bibliothèque, éditant un Bulletin, organisant de nombreuses manifestations culturelles, elle ravira les amateurs d’histoire et de traditions landaises et des pays limitrophes.

Fiche chez l’éditeur.

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