Le Front d’Orient

Du désastre des Dardanelles à la victoire finale 1915-1918

A la recherche de livres d’histoire sur le front est de la Première Guerre mondiale, mon choix s’est porté pour commencer sur Le Front d’OrientDu désastre des Dardanelles à la victoire finale 1915-1918, de Max Schiavon. Je le lorgnais depuis mon acquisition en P500 chez GMT d’Illusion of Glory et surtout il est dans ma collection préférée Texto chez Tallandier.

La première partie du livre est consacrée aux conflits balkaniques précédent la Première Guerre mondiale. Les explications sont limpides et l’auteur a le talent de rendre simple les sacs de nœuds balkaniques. Je découvre par la même occasion des conflits qui m’étaient inconnus comme la guerre gréco-turque, la première guerre balkanique ou italo-turque pour n’en citer que quelques-unes. Encore des choses à explorer.

La partie sur les Dardanelles, intimement liée à l’ouverture du front d’Orient, m’a laissé sur ma faim. Malgré les plus de 200 pages, j’ai trouvé son traitement décevant comparé au volume deux des Mémoires de la Grande Guerre de Winston Churchill. Il est vrai que je l’ai lu en début d’année, qu’il est encore frais, et ne se consacre qu’à ce sujet. Bien entendu Max Schiavon traite aussi ce front parce qu’il donne naissance en partie au front d’Orient et qu’ils sont en concurrence avant la décision d’évacuation de la péninsule de Gallipoli. Il s’intéresse en particulier aux troupes françaises et les deux sont ainsi complémentaire.

On rentre ensuite dans le cœur du sujet : Salonique et la campagne de Serbie. L’épopée Serbe est impressionnante. La partie expliquant le bazar – je vais rester poli – de la Grèce est fluide et bien expliquée. J’ai enfin compris ! L’arrivée des troupes Française et des Alliés, la formation du front, le général Sarrail et l’influence des autres fronts sur le front d’Orient sont traités en profondeur sans oublier la Roumanie et la Bulgarie qui sont les autres grands acteurs de la région.

Et puis tout change avec l’arrivée des généraux Adolphe Guillaumat suivi de Franchet d’Esperey et le passage à l’offensive. Le succès est rapide, le front s’écroule. Je regrette tout de même une fin aussi éclair que les faits. J’aurais aimé plus de développement sur la rupture du front et plus que tout une carte montrant l’évolution du front après le 29 septembre 1918 et jusqu’à l’armistice.

Un livre passionnant, un texte clair et un auteur limpide qui éclaire les tenants et aboutissants balkaniques et du front d’Orient. Il milite pour redonner, à raison, son importance au front d’Orient, minorée par les anglo-saxons et qui l’ont toujours freiné des quatre fers. Les seuls défauts du livre sont les cartes, qui manquent de lisibilité – un défaut chronique dans cette collection Texto. La partie sur les Dardanelles est en deçà du reste et celle pour laquelle il faudra vous plonger ailleurs, par exemple donc dans le tome 2 des Mémoires de la Grande Guerre de Churchill.

Le Front d’Orient est un livre que je recommande et qui m’a enfin permis de saisir cette partie du conflit. Chez Tallandier pour seulement 10,50 € il ne faut pas passer à côté (il existe aussi en gros format). L’éditeur offre par ailleurs l’introduction en extrait, que vous pouvez consulter en PDF par ici.

Et dans le monde des jeux ?

Pour après la lecture s’il vous faut un bon wargame : pensez à une partie d’Illusion of Glory (chez les Ludophiles d’Asnières et d’Ailleurs au hasard ;), ou bien un épisode de Der Weltkrieg. Ou pourquoi pas un wargame opérationnel sur la première campagne de Serbie : Serbien Muss Sterbien.

Côté wargame sur ordinateur on pourra se reporter au classique To End All Wars d’Ageod, dont l’extension Breaking the Deadlock propose par exemple un court scénario, 12 tours, sur le thème de la Serbie. Voyez concernant ce jeu notre AAR La bataille de Caporetto à travers To End All Wars, ainsi que notre test.

Pour finir ce survol ma citation préférée du livre :

On ne change pas un homme en le changeant de latitude. Joffre (à propos de Sarrail)

 

NDLR : A noter pour nos lecteurs qui découvrent le sujet qu’on ne peut entièrement mettre sur un même plan le genre d’œuvres, subjectives, des Mémoires de Churchill, et un travail d’historien. Churchill a justement été très critiqué pour son action aux Dardanelles et il essaie de se justifier dans son ouvrage, par ailleurs excellent, là n’est pas la question. Heureusement, lesdits mémoires sont bien présentés et annotés par les historiens François Kersaudy et Antoine Capet, qui expliquent tout cela, mais il nous faut le préciser en disant que ces Mémoires de Churchill sont un témoignage d’époque, avec ses forces et ses faiblesses.

Mis à part donc l’ouvrage mentionné de Churchill (qui d’ailleurs n’était pas « combattant » sur le front des Dardanelles directement, mais là plutôt responsable), je pense que Les poilus d’Orient de Pierre Miquel offre une approche plus scientifique. Sur cette question ô combien pointue d’une vision privilégiant plutôt l’angle politique d’un décideur concerné ou plutôt l’angle historique d’un observateur avisé, vos remarques de lecteurs comme de joueurs seront les bienvenues dans nos commentaires.

Jean-Baptiste Murez

  1. Le livre de Max Schiavon est intéressant mais parfois trop synthétique.
    Pour un éclairage sur les opérations en Grèce, Macédoine et Albanie de 1915 à 1918, je recommande l’ouvrage de G. Fassy sur « Le Commandement militaire français en Orient (1915-1918) », paru chez Economica en 2003, qui est plus précis sans se perdre dans les détails.

  2. Merci pour cette référence que je ne connaissais pas. Economica c’est souvent pointu et de qualité. Par contre il semble difficile de le dégoter à un prix acceptable.

  3. Il est regrettable que l’auteur n’ait jamais mis les pieds sur les lieux et espaces qu’il prétend analyser. Le front macédonien en particulier se caractérise par un potentiel archéologique exceptionnel et une nécessité d’en arpenter les lignes parfaitement conservées pour en saisir toutes les dimensions tactiques.

    • Et même si cela est vrai, ce qui reste à prouver, cela n’a aucunement nuit au livre qui est au niveau stratégique.

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