Days of Wonder a déversé très récemment une nouvelle cargaison de figurines dans ce que l’éditeur baptise « la plus grosse extension » de Mémoire 44. Si son contenu vient pallier à l’indisponibilité de certains matériels distillés au gré des extensions précédentes, il recèle cependant quelques nouveautés et surtout son lot de scénarios venant renouveler l’expérience de jeu.
Plus de 180 figurines, soit autant que dans la boite de base. Cela permet déjà de prévoir de beaux résultats à cette extension d’autant plus qu’elle offre des figurines aujourd’hui introuvables par l’indisponibilité de la précédente extension qui les avait introduits, voire même des figurines qui n’avaient jamais été matérialisés que par de petits marqueurs en carton, ce que le côté figuriniste d’un joueur de Mémoire 44 ne pouvait réellement tolérer. Mais l’Equipment Pack introduit également des nouveautés complètes à la fois pour élargir l’horizon des matériels représentatifs de la Seconde Guerre mondiale comme pour permettre, enfin, de manipuler nos biffins de 40.
Dans la suite de notre dossier traitant de l’ensemble du système, cet article se propose au-delà d’une rapide ouverture de boite d’analyser les apports tactiques et stratégiques de son contenu.
L’ensemble est organisé en huit sections dans le livret de règles, qui vient en complément des 25 cartes de résumés suffisantes pour éviter de s’y référer. Les terminologies historiques correspondent à des moulages « réalistes » des armements et troupes mais sont interchangeables entre les nations adverses d’autant plus facilement que leur colori neutre (un gris pale) n’a pas encore été utilisé par d’autre set de figurines « nationales ». A noter que si les grosses pièces sont assez finement gravés (le Tigre par exemple), d’autres sont en dessous de la moyenne des extensions précédentes (les snipers par exemple).
Petite revue d’effectif :
– Les pièces d’artillerie, qui rappelons-le furent responsables des ¾ des pertes de combattants du conflit, sont à l’honneur : le « long Tom » représente l’artillerie lourde, le « flak 88 » le canon anti-char lourd, le « M7 priest » l’artillerie mobile, et le « nebelwerfer » l’artillerie chimique (munitions incendiaires ou fumigènes).
– La rubrique « équipement de débarquement » regroupe bien sur les barges « LCT » qui serviront sur toutes les plages du globe mais propose aussi la ménagerie de Hobart, à savoir les engins du génie sur châssis de char Churchill (char poseur de pont, de fascines ou de bobines anti-enlisement, démineur, ou destructeur de bunker) qui ont servi dans la 79th brigade et sont en grande partie responsable des relativement faibles pertes du Commonwealth le 6 juin 1944. Attention, ici l’échelle est telle que les pièces de plastique caractéristiques sont minuscules.
– Les blindés sont dominés par les imposants « Tigre », une figurine surdimensionné représentant les blindés lourds ; on trouve également les « Panzerjäger Elefant » en tant que chasseurs de chars, et les « sdkfz 250 » en tant que transport de troupes blindés semi-chenillés.
– Pour les véhicules correspondant à la gigantesque logistique développée durant le conflit on trouve le « Dodge WC-63 » comme camion de transport, l’incontournable « Jeep Willys » comme véhicule tout terrain, et la « kübelwagen » représentant les véhicules de commandement.
– Le matériel est en fait l’armement représentatif des combats d’infanterie : le polyvalent mortier « M2 » de 60mm et la terrible mitrailleuse de 12.7 «M2 Browning ».
– Une troupe spécialisée à savoir les « tireurs d’élite ».
– Et enfin quatre lots complets de troupes de « nations mineures » : les skieurs « finlandais », l’infanterie « française », l’artillerie « italienne » et la cavalerie « polonaise ».
Les nouveautés sont finalement rares :
– La plupart des figurines remplacent effectivement des marqueurs qui différenciaient les unités d’infanterie, de blindés ou d’artillerie. Parmi la liste précédente, seuls les halftracks, les jeeps, les camions, les chars lourds « tigre » avaient eu droit à leurs propres figurines en petites quantités dans les « Battle Maps » aujourd’hui épuisés.
– Seuls les « funnies de Hobart » et l’infanterie française n’ont jamais été représentés ni même évoqués précédemment.
– En dehors des règles spécifiques au point précédent, certaines règles préexistantes ont été modifiées : celle sur l’usage des obus fumigènes des « Nebelwerfer » et celle sur l’impact des « véhicules de commandement ».
Évidemment, cet arsenal exprimera toute sa saveur dans des scénarios bien calibrés. 16 sont fournis dans la boite : 11 « standard » dont trois sur la campagne de France, deux « Breaktrough » (opération Epsom, et la peu connue retraite allemande vers la Norvège en octobre 1944 contre leurs anciens alliés finlandais) et trois format « Overlord » tous en 1944 (bataille de Saint-Lô, des Vosges et des Ardennes).
Tentons enfin d’analyser les effets de ces ajouts sur le gameplay de ce jeu. Il est d’abord essentiel de rappeler que toute la saveur du système réside dans sa simplicité. Les unités ont des caractéristiques simples : nombre d’hex de mouvement, nombre de dés d’attaques en fonction de la portée de tir, résistance aux tirs en fonction du type de la cible et du terrain occupé. Les joueurs les activent via une pioche de cartes. Sur ce canevas, il est donc possible de représenter une grande diversité de matériels, de situation tactique et de champs de bataille sans développer une usine à gaz.
Globalement, les modifications sont principalement tactiques.
La plupart des unités sont ainsi dotées de capacités augmentant leur chance de toucher ou leur résistance. Certaines le font de manière globale, d’autres de manière spécifique à des confrontations représentatives du combat mécanisé. On voit donc apparaitre des unités « réalistes » là où le trio initial char / fantassins / artillerie couvrait toutes les situations.
Le char lourd est particulièrement représentatif de cette spécialisation : doté d’une seule figurine, il se comporte comme un char classique mais relance tous les dés l’ayant touché et ne conserve ensuite que les dés « grenade » (1 chance sur 6). Remarquable simplicité qui convient à merveille pour cette unité impressionnante mais généralement rare et peu mobile : attaqué en surnombre, soit par exemple par beaucoup de fantassins, il ne résistera pas longtemps.
D’autres unités vont fluidifier ou au contraire ralentir la partie. Par exemple, les cavaliers, barges, camions, jeeps et autres funnies de Hobart vont accélérer la mise en place d’attaques et augmenter les potentialités de raid ; l’armement d’infanterie, les chasseurs de chars ou l’artillerie lourde augmentant l’usure de l’assaillant va donc augmenter l’importance d’une bonne préparation de son jeu de carte.
L’aspect stratégique n’est pas négligé puisque le gameplay se trouve également transformé. La spécificité nationale des troupes françaises est marquée par une flatteuse mais en partie anachronique « furia francese » qui offre la possibilité de substituer à volonté une « prise de terrain » par une seconde attaque en combat rapproché. Pas d’effet « 7ème compagnie » donc !
Plus audacieuses, les diverses règles qui modifient l’ordre de bataille ou la main du joueur. Les camions et halftracks permettent de renforcer l’effectif de toute unité adjacente au lieu de combattre. Quant aux voitures de commandement, elles permettent soit d’activer une unité supplémentaire sur une carte de section, soit de choisir une carte dans la défausse sur une carte de reconnaissance…
Au final, l’Equipment Pack n’est probablement pas l’extension la plus ambitieuse ni la plus novatrice depuis les débuts de cette série mais c’est incontestablement un achat qui vient combler opportunément les manques qui se sont progressivement créés dans la disponibilité des extensions précédentes. La série Mémoire’44 a encore de beaux jours devant elle et les créateurs de scénarios ont de quoi aiguiser leurs talents.
Une petite précision. Sur la photo du plateau, les hexagones déneigées sont la conséquence du fait que je n’ai pas l’extension (Winter Wars) qui amène les routes et les collines enneigées.
Bonsoir,
juste une petite mise au point, ce n’est pas la « Furia francese » qui est anachronique de la 2e Guerre mondiale, c’est plutôt l’effet « 7e compagnie » qui ne représente pas la réalité de l’époque. La « 7e compagnie » est une comédie, ce ne fut pas le cas de la campagne de France de 1940, ni du côté français ni du côté allemand.
Amicalement.
Merci pour l’attention portée à cet humble travail,
je comprends que le comportement de l’armée française durant la seconde guerre mondiale reste un sujet sensible et un motif de ‘french bashing’ fréquent. Mais il ne s’agit nullement ici de remettre en cause la vaillance de nos aïeux dans cette courte mais terrible campagne (on oublie facilement les 50 000 morts). ‘Furia Francese’ est bien un anachronisme puisqu’il qualifie l’impétuosité des troupes françaises lors des guerres italiennes de François Ier. Tant stratégiquement que tactiquement, la campagne de 1940 n’a pas mis en valeur cette attitude supposée. Localement des défenses furent héroïques comme sur les canaux du Nord (bel exemple dans l’EP) ou à Saumur… Mais pas cette furie, ces élans, ces charges plus ou moins suicidaires que ni l’état d’esprit, ni les conditions matériels, ni les ordres n’ont rendu possibles.
Quant à l’évocation d’un classique du cinéma français. Il faut en effet quelques éclaircissement. C’est bien sur une comédie d’une qualité discutable et d’un intérêt faible pour la compréhension de cette guerre… Mais comme souvent en France, c’est un outil sur lequel la mémoire du conflit s’est construit avalisant certaines thèses historiques elles aussi discutables mais entretenant cette tendance à l’autodénigrement et au cynisme. On peut en penser ce que l’on veut reste néanmoins des souvenirs pour de nombreuses générations. A titre personnel, en dehors des pantalonnades, je garde en têtele runnig gag du ‘fil bleu sur le bouton bleu’ à chaque fois que je tente de faire sauter un pont danns un wargame. C’est à cela que je pensais. Un petite touche d’humour dans un article un peu rébarbatif peut être…