Napoléon et l’Aquitaine

Napoléon et l'Aquitaine - MemoringAprès avoir présenté précédemment la collection Figures de Nouvelle-Aquitaine, l’occasion m’est donnée de poursuivre les recensions des ouvrages la composant. Le livre du jour s’intitule sobrement Napoléon et l’Aquitaine et est l’œuvre de l’un des plus grands spécialistes du Premier Empire, l’historien Jacques-Olivier Boudon. En une centaine de pages de texte augmentées de très utiles annexes, l’auteur dresse à la fois le portrait de la région sous le Consulat et l’Empire comme il analyse les relations que Napoléon entretient avec ce vaste territoire, replacé dans le contexte historique et géographique de l’époque.

L’administration de la région

La première grande partie du livre revient sur l’organisation de la région, évoquée dans ses aspects politiques, administratifs, mais aussi religieux, militaires et même scolaires. C’est une belle histoire régionale qui est présentée, qui permet de décentrer le regard de la capitale. Certes, le pouvoir politique y est très concentré et la centralisation est alors de mise. Néanmoins, Paris ne constitue pas toute la France du Premier Empire et c’est à une belle plongée dans le sud-ouest à laquelle l’auteur invite le lecteur. Il est rappelé dès le début le rang que l’Aquitaine occupe dans la France de l’époque. C’est un très vaste territoire regroupant des populations différentes, entre terre et mer, mal connu de Napoléon avant 1808 et longtemps « secondaire » face à un centre de gravité installé dans le nord et l’est du pays.

Cette région n’est pas pour autant négligeable. On découvre ainsi la place importante que tiennent les hommes du sud-ouest dans les assemblées, les bureaux et ministères du régime. On comprend que la côte doit être défendue de la marine britannique et qu’elle est une interface de premier plan. De plus, l’Aquitaine n’est pas oubliée de la fièvre réformatrice de Napoléon et l’application des réformes napoléoniennes sur place est évoquée, du Concordat à la création des lycées. Or, tout ne fonctionne pas sans dérèglements. Le sous-titre du livre est clair : une région entre fidélité et rébellion. En effet, en partie tournée vers l’Atlantique, elle souffre du blocus continental, et Bordeaux, comme la Gironde en général, bruissent d’une certaine hostilité. De plus, les insoumis au service militaire sont nombreux dans cette région, ce qui contraste avec d’autres lieux. Hélas, le format fascicule empêche parfois des explications détaillées de ces phénomènes très intéressants.

Un rôle généralement peu connu

En revanche, l’importance stratégique de la région est longuement décrite et se révèle passionnante. Si l’Aquitaine reste clairement un front « secondaire » face à la frontière du Rhin et si les principales batailles de la période ont plutôt lieu en Italie, Russie et bien sûr en Allemagne ou en Belgique, le sud-ouest joue un rôle non négligeable dans l’histoire du Consulat et surtout de l’Empire.

En effet, c’est à Bayonne que se joue le sort de l’Espagne, occupée par la France à partir de 1808. Napoléon se rend alors longuement dans la région et son voyage, autant politique que de découverte de l’Aquitaine, est bien décrit, alors qu’il n’en est généralement fait que mention. Par la suite, on saisit que la région frontalière française est, dès avant le début de la guerre en Espagne proprement dite, un lieu de passage des troupes, du ravitaillement, puis des prisonniers, aspect hélas seulement évoqué. De plus, et surtout, à partir des défaites françaises de 1813 en Espagne et la progression des armées anglo-espagnoles, l’Aquitaine devient un champ de bataille jusqu’à la chute de Napoléon en 1814. Si celle-ci s’est jouée en Champagne puis en région parisienne, le front ici évoqué ne manque pas d’intérêt et reste très mal connu du grand public. On découvre pourtant des combats acharnés avec des effectifs tout sauf négligeables, une belle tenue des troupes françaises et de leur commandement, comme le ralliement important de Bordeaux aux royalistes, vrai coup dur pour le régime finissant. Les dernières pages concernent logiquement les Cent-Jours. La résistance au bref retour de Napoléon en 1815 n’est ainsi pas oubliée, comme son exil final vers l’Angleterre puis Sainte-Hélène, via l’île d’Aix.

Ce fascicule rend donc toute sa place à la région évoquée, qui méritait bien une monographie. Si l’on peut être d’abord rebuté par la présentation un peu successive des importants Aquitains de la période au début du livre, on se laisse rapidement emporter par la lecture et les deuxième et troisième parties se révèlent réellement passionnantes, faisant revivre beaucoup de combats oubliés, avant l’adieu final de l’Empereur à la France, depuis ce territoire. On aurait quand même aimé quelques pages supplémentaires sur la mémoire de ces événements jusqu’à nos jours et que certaines explications soient plus détaillées, mais la forme réduite de l’ouvrage ne le permettait peut-être pas. Reste que celui-ci se lit plaisamment, est enrichi d’utiles cartes et annexes, comme des « fiches d’identités » des départements étudiés. Des notes donnent aussi des compléments de lecture et l’iconographie choisie est riche et variée.

Fiche chez l’éditeur.

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