Après une très intéressante étude des relations entre Napoléon Ier et l’Aquitaine, le Professeur Jacques-Olivier Boudon revient à présent sur celles de son neveu avec ce territoire, ce qui permet d’étoffer la déjà riche collection Figures de Nouvelle-Aquitaine des éditions Memoring. Pour la modique somme de douze euros, ce sont près de 200 pages d’analyse comme de données utiles que le lecteur aura à disposition.
Une région importante dans la matrice du Second Empire
Or, cela est nécessaire à la compréhension de l’époque. En effet, l’Aquitaine est une région de la première importance dans l’avènement du Second Empire comme de sa vie ultérieure. Si, au XIXe siècle, les événements politiques se décident bien à Paris, il ne faudrait pas conclure à l’invisibilité du reste du territoire dans les transformations des régimes en place. Ainsi, l’auteur prend soin de commencer l’ouvrage en expliquant les réactions des Aquitains face aux changements à la tête du pays depuis 1848. Ces pages sont d’un grand intérêt et replacent les choses dans une durée plus longue utile à la suite. En effet, le livre, malgré son titre, offre tout autant un portrait de la relation entre Napoléon III et eux qu’une analyse de la région sous la deuxième République et le Second Empire.
Or, celui-ci se décide en partie à Bordeaux. Le futur empereur, ayant vécu en exil une grande partie de sa vie, connaît mal la France. Il décide de la visiter autant pour la connaître que pour affermir son pouvoir après le coup d’État de 1851. C’est le sens à donner au voyage qu’il effectue dans le sud-ouest fin 1852. Or, savamment orchestré par ses proches comme par le préfet de la Gironde, un certain Haussmann, il est un franc succès qui le décide grandement à retourner à l’Empire en décembre de la même année. Ces événements d’importance occupent une place centrale dans le livre, que je conseille de lire en parallèle à celui consacré au Baron Eugène, que j’avais déjà recensé (voir cet article). Ils permettent de rendre toute leur place à cette partie de la France dans la grande histoire et replacent le « discours de Bordeaux », prononcé par Louis-Napoléon dans leur contexte.
Le désenclavement et le développement
L’auteur décrit ensuite le grand développement de la région sous le Second Empire. La forêt de pin des Landes, le chemin de fer, les essais de colonies agricoles et de villes nouvelles comme Solférino sont décrits et permettent de saisir tout le volontarisme et la fièvre d’activité que connaît la France sous ce régime, sans que les échecs ne soient masqués. Le développement du tourisme balnéaire avec Arcachon ou Eugénie-les-Bains, mais surtout Biarritz occupe aussi une belle place dans l’ouvrage. Moins connus peut-être, les passages de l’impératrice Eugénie dans la région, qui lui rappelle son Espagne tant aimée, où elle se rend depuis cette zone frontière, sont aussi évoqués. On apprendra sûrement qu’elle s’intéresse à l’introduction des jeux taurins dans la région, ce qui éclaire utilement sur le présent et permet de comprendre que cette tradition n’est pas si ancienne que cela.
Finalement, tout ceci montre que l’Aquitaine a été fortement marquée par le Second Empire, dont l’œuvre urbanistique et portuaire est aussi importante dans la région : Bordeaux, Rochefort, Pau ou Capbreton sont, parmi tant d’autres villes, marquées par des constructions ou des restructurations à titre divers pendant la période, pourtant assez courte. L’auteur, grand spécialiste d’histoire religieuse, n’oublie pas non plus les aspects plus spirituels et culturels, qui jalonnent aussi l’époque étudiée. Il s’agit donc d’une belle étude régionale, reliée à l’histoire plus globale de la France de l’époque.
Un fascicule à posséder
Le fascicule se termine d’ailleurs sur les derniers moments du Second Empire dans la région. Le rôle diplomatique de Biarritz, qui accueille un Bismarck venu sonder l’Empereur des Français, est rappelé, comme l’importance de la zone et son rôle dans la crise finale de l’été 1870. On sait ainsi rarement qu’elle sert de refuge à des souverains espagnols devenus indésirables dans leur pays et dont le remplacement potentiel par un prince allemand est à l’origine de la guerre de 1870-71. Les pages finales complètent utilement le récit avec des données démographiques, politiques et une riche iconographie, comme quelques mots sur la mémoire du Second Empire en Aquitaine. Son importance est bien réexpliquée et permet de sortir d’un certain parisianisme, alors que l’histoire nationale et son pendant régional se complètent, à mon sens, plus qu’elles ne s’excluent. En bref, nous avons un bon fascicule qu’on lira avec plaisir et qui intègre les derniers ajouts bibliographiques sur la région (Gonzague Espinosa-Dassonneville) comme sur l’impératrice et le régime (Eric Anceau, Maxime Michelet). Il est le pendant obligé de celui consacré au Premier Empire dans la région.