Abordée récemment dans nos colonnes, la guerre d’Hiver a fait également l’objet d’un scénario de Soviet Corps, extension de Panzer Corps sortie en début d’année. Voyons comment est représentée ce conflit au cours d’un récit de partie où je jouerai du côté soviétique, d’ailleurs le seul disponible.
Rappelez-vous les faits : Staline, désirant obtenir un glacis protecteur face à Leningrad et craignant pour la sécurité du port de Mourmansk, ainsi que diverses autres raisons qui dépassent le cadre de cet article, envahit la Finlande à la fin de l’année 1939, après une activité diplomatique ratée entre les deux pays. La guerre ne dure que quelques mois, mais la volonté farouche de résistance des Finlandais arrête longtemps une Armée Rouge en pleine restructuration, fragilisée qu’elle a été par les grandes purges staliniennes.
Nous nous trouvons donc sur le front sud de cette guerre, dans l’isthme de Carélie, à la frontière entre le monde russo-soviétique et finlandais. C’est une zone disputée depuis longtemps et qui va faire l’objet d’âpres combats. Au sud, se trouve Leningrad, ancienne Saint-Pétersbourg et capitale de la Russie impériale et au Nord, la ville de Viipuri. Les Russes l’appellent Vyborg et c’est mon objectif final. Entre les deux, un terrain très difficile de bois, plans d’eau, marécages, et où domine la figure du grand lac Ladoga à l’est.
De plus, le temps est mauvais et plus d’une fois mon aviation devra rester clouée au sol, au moins ne sera-t-elle pas ennuyée par d’autres avions, la force aérienne finnoise étant très réduite. Toutefois, c’est plus la résistance terrestre finlandaise que je crains.
Historiquement c’est là que leurs défenses les plus solides étaient installées, ce qu’on a appelé la « Ligne Mannerheim », du nom d’un des plus grands militaires du pays. Si elle n’est pas achevée, elle risque de me causer quelques sueurs froides, car les passages à emprunter ne sont pas nombreux. Étant donné l’étroitesse des lieux, c’est bien entendu là que l’adversaire a concentré ses troupes et ses défenses statiques. En début de partie je ne distingue pas encore bien les effectifs qui me sont opposés, mais je prévois d’avancer avec circonspection. Je dispose pour ce faire de deux unités de reconnaissance, utilisant des automitrailleuses BA-10 et qui ne seront pas de trop pour découvrir le terrain.
Mes forces sont découpées en deux grandes masses de troupes, et attardons-nous sur la première, qui opère à l’ouest de la carte. Vu le terrain, je ne peux guère éviter l’assaut frontal des lignes ennemies, assaut qui va s’avérer coûteux. Les Finlandais possèdent des tranchées, des bunkers et le gros de leurs batteries d’artillerie est dans le secteur. Elles sont soigneusement protégées en seconde ligne et vont donner dès que j’avancerai.
Pour essayer d’enfoncer un coin dans leur dispositif et percer, je compte donc sur mes propres canons, appuyés par l’aviation et du génie d’assaut qui devrait emporter la décision. Cette infanterie un peu spéciale excelle dans la prise de positions fortifiées, à l’aide de grenades et lance-flammes. Ainsi, je crains que mes blindés soient peu d’utilité dans une telle configuration. Peut-être pour exploiter une percée ? Pour le moment, les premiers combats semblent pourtant tourner à mon avantage et le haut-commandement, pour inciter les hommes à poursuivre dans cette voie fait pleuvoir les premières médailles sur les unités les plus méritantes. En avant !
Quelques tours ont passé, et avec eux l’espérance d’en finir rapidement. L’adversaire s’accroche désespérément au terrain, emploie des skieurs invisibles sur la neige et dirige efficacement le tir de ses canons sur mes troupes inexpérimentées. Résultat, la progression est très lente.
A l’est, sur les rives du lac Ladoga, mes gains sont ridicules dans les premiers temps de ma partie. Je ne peux avancer que le long de quelques axes, battus par le feu des pièces d’artillerie finlandaises. De plus, la perspective d’un combat urbain inégal n’est pas pour me réjouir.
Heureusement, l’avancée est plus prometteuse à l’ouest. Au quatrième tour j’ai pu m’ouvrir un passage dans les lignes ennemies, et me suis emparé de l’objectif assigné. Néanmoins, les pertes des blindés ont été telles qu’il a fallu les faire retraiter avant une destruction complète.
L’étroite collaboration entre mon génie et mes canons a été fructueuse comme je le prévoyais, même si réduire les bunkers et les skieurs s’avère plus long que prévu. Je sais aussi que ce n’est qu’une première étape car ces combats d’arrière-garde laissent aux Finlandais le temps de se regrouper devant Viipuri.
J’en suis au huitième tour et fort heureusement je bénéficie à ce moment de substantiels renforts, arrivant à point nommé. Je compte les employer à la réduction d’une dernière poche finnoise sur le flanc sud-ouest, puis les faire remonter vers le Nord pour participer à l’assaut final sur le dernier objectif. L’infanterie et l’artillerie vont être les bienvenues dans cette tâche ardue.
En effet, quelques tours après, cette force d’appoint a rempli sa mission, alors que mon unique unité de cavalerie a écrasé l’artillerie ennemie en l’attaquant sur ses arrières. En quelques tours, cette résistance ne sera plus qu’un souvenir. De plus, certaines unités se battent avec un réel courage et développent des capacités d’attaque ou de défense supplémentaires, qui ne sont pas de trop dans ce conflit difficile. Il ne me reste alors que 8 tours pour m’emparer de Viipuri et je commence à apercevoir les principales défenses finnoises, qui semblent fortes.
Au onzième tour, à l’est, à force d’assauts répétés, de bombardements aériens, de tirs d’artillerie et de ruse j’ai pu m’emparer de l’objectif et progresser de manière satisfaisante. Alors que les batteries ennemies sont peu à peu réduites au silence, je vais pouvoir déplacer mes troupes vers d’autres endroits où elles s’avèreront utiles. Là encore, mes blindés ont payé un lourd tribut et il a fallu les envoyer vers l’arrière pour y recevoir des compagnies de complément.
Il m’a aussi fallu ralentir ma progression dans le secteur principal, devant l’efficace défense finlandaise. La ligne de canons antichars empêche un raid de mes tanks et je souhaite renforcer et regrouper mes troupes avant d’aller plus loin. Le plan est très conventionnel : écraser une unité sous les obus avant de concentrer mon attaque sur elle, puis percer. Hélas, la neige empêche bien souvent mes bombardiers d’intervenir, sans compter la DCA ennemie qui abat plus d’un avion.
J’en suis au seizième tour et il ne me reste que trois tours à jouer, il est temps de donner un dernier coup de collier ! J’ai rassemblé mes troupes et me lance donc à l’assaut : les pièces antichars résistent mal à un assaut frontal d’infanterie et le temps s’est enfin un peu amélioré, permettant aux VVS (la force aérienne soviétique) de multiplier avec succès les sorties. Le ciel est vide d’avions ennemis et je profite au maximum de cette possibilité.
Des assauts coûteux et risqués m’ont permis d’atteindre les canons de campagne ennemis, et d’en détruire une grande partie, même si je crains que la victoire totale ne m’échappe au final, le temps courant affreusement vite. D’ailleurs, j’ai délibérément négligé le centre de la carte, où l’ennemi a encore des troupes statiques qui m’inquiètent peu et contre lesquelles il sera toujours temps de se retourner.
Tour 18 sur 18, c’est presque la fin mais la victoire est en vue, à l’arrachée ! Mes trois régiments d’artillerie disponibles ont déchaîné un feu d’enfer devant Vyborg et détruit les troupes de couverture qui en empêchaient l’approche. Cela m’a permis d’utiliser enfin convenablement mes unités rapides : les blindés et la cavalerie ont foncé plein nord et débordé le dispositif ennemi. Ensuite, essuyant de terribles pertes, elles ont été capables de réduire la garnison de la ville tant convoitée au silence. La tâche d’y hisser le drapeau soviétique va être confiée à mes automitrailleuses de reconnaissance, alors que le reste des troupes nettoie le centre du champ de bataille.
Au final c’est un scénario plaisant à jouer, qui reflète bien la dureté des combats en Finlande. Évidemment, historiquement l’Armée rouge avait une supériorité numérique et matérielle écrasante et un tel jeu donne parfois l’impression que ce sont les troupes finlandaises les plus nombreuses… Notons qu’il est aussi difficile de rendre la spécificité de ce conflit vu l’échelle utilisée par le jeu. Les offensives-surprises de quelques patrouilles de skieurs semblent difficilement modélisables par exemple.
Pour une expérience de jeu plus longue par rapport à la Guerre d’Hiver, on se reportera plutôt sur Order of Battle – Winter War, extension centrée spécifiquement sur cet affrontement. Là, il n’est qu’un scénario dans une plus longue campagne mais a le mérite d’exister et suit des engagements rarement représentés en jeu vidéo, comme les combats entre Soviétiques et Japonais en Mandchourie en 1939 (bataille de Khalkhin Gol).
A lire en complément notre test de Panzer Corps – Soviet Corps ainsi que sur le même thème notre AAR Order of Battle – Winter War : un drink pour Mr Molotov (première partie ; seconde partie ; troisième partie)
Vous trouverez aussi sur mon site personnel une série d’articles sur différents aspects de ce conflit : L’aide à la Finlande lors de la guerre d’Hiver – Introduction ; I) Les moyens humains ; II) Le matériel ; III) Fantaisistes projets alliés