« Avec la nouvelle merveille ludique de Sierra, prenez les rênes de l’une des nombreuses dynasties qui gouvernèrent l’éternelle Égypte et devenez le bâtisseur de monuments qui traverseront les siècles et les millénaires… » Nous vous avons déterré un ancien article qui récapitulait bien début 2000 ce joli jeu de construction. Selon les dernières prophéties le studio breton Triskel Interactive va ramener le jeu à la vie dans un avenir proche. Remontons donc un peu dans le temps pour voir ici ce qui en théorie nous attend.
Afin de fournir à nos lecteurs les informations les plus pertinentes, aucun effort n’est trop important pour l’équipe de CyberStratège. C’est donc à l’occasion de la sortie de Pharaon, produit par Sierra et qui utilise le moteur de Caesar III, que nous avons dépêché dans le désert égyptien une équipe de fouilleurs, à la recherche de renseignements complémentaires sur cette formidable civilisation qui brilla pendant presque 3 000 ans.
Il faut croire que les Dieux étaient avec nous, car c’est après seulement quelques semaines de fouilles que nos vaillants explorateurs ont découverts au plus profond d’un tombeau oublié, des documents d’une incroyable valeur historique. Traduits au sein de nos locaux par nos spécialistes en histoire antique, c’est donc en exclusivité mondiale (avant même le National Geographic), que nous vous proposons ce témoignage écrit (ou plutôt dessiné) par des acteurs privilégiés des bouleversements qui agitèrent le Nil…
Il a en effet été rédigé par les membres d’une même famille, tous scribes officiels des pharaons régnant, celle des Durhaton. Nous avons évidemment pris la liberté de retravailler le texte original afin de l’adapter à notre époque et de le rendre compréhensible pour l’ensemble de nos lecteurs (et lectrices). Toujours dans un souci de clarté, nous avons fait le choix de regrouper tous les scribes successifs (et ainsi éviter les interminables présentations et filiations) sous un unique personnage, que notre équipe a sympathiquement et librement baptisé Eugène. Laissons maintenant la place à une voix ayant traversé plus de quatre millénaires…
NDLR : si tout va bien, on retrouvera avant la fin de l’année la magie de la fascinante Égypte antique, et de nombreuses missions (53) demandant de bien réfléchir pour développer ses villes et y ériger des temples et monuments inoubliables.
On ne sait pas si il y aura une démo pour ce remake, qui intégrera l’extension Cléopatre, mais si besoin vous devriez pouvoir trouver encore assez facilement l’ancienne version, par exemple chez Abandonware-France, pour au moins vous faire un avant-goût de ce que devrait offrir Pharaoh – A New Era. Voyez cette brève pour une bande-annonce et quelques détails supplémentaires. En plus de la refonte du moteur graphique, la nouvelle réincarnation vidéoludique de Pharaon bénéficiera a priori aussi de diverses améliorations du gameplay qui n’ont pas encore été annoncées. B.L.
Cet article, signé par Laurent-Xavier Lamory, anciennement publié dans le n°16 de Cyberstratège, est ouvert à tous, ne nécessitant pas d’abonnement pour être lu. Vos abonnements sont importants pour que la Gazette du wargamer puisse continuer d’évoluer tout en proposant aussi des articles en accès libre. Pour soutenir le site et son équipe, abonnez-vous.
La civilisation du Nil
« Moi, Eugène Durhaton, fils de (…), scribe personnel du Grand Monnierhotep I, premier Pharaon de la XLIIe dynastie, s’est vu confier par son divin souverain, descendant légitime de Rê et d’Osiris, la tâche éternelle et bénie de relater les efforts, souffrances, les victoires et les malheurs du peuple du Nil, dans son long chemin vers l’unification des deux Égyptes et dans sa lutte contre ses nombreux adversaires.
Que les Dieux veuillent bien me guider dans mon travail de témoignage des événements qui permirent aux premières tribus venues d’Afrique qui descendirent le cours du fleuve sacré, de fonder la plus grande civilisation du monde connu, dont la lumière éclairera les hommes pour tous les temps à venir.
A leur arrivée sur les berges qui accueilleront les premiers habitants de ce qui deviendra l’une de plus belles cités, notre bon Pharaon a donné instructions aux ingénieurs de mettre en place les premiers puits qui délimiteront les zones destinées à la construction des habitations.
Une fois celles-ci misent en place, les premiers habitants commencent à arriver sur les lieux en suivant la route éternelle qui relie toutes les zones de l’Empire. Nous en avons fait construire de nouvelles pour relier toutes les parties de la cité naissante ; car nos citoyens doivent pouvoir se rendre roi, bon leur semble pour vaquer à leurs occupations et ainsi porter les fruits de leur labeur à l’ensemble de l’agglomération.
La quasi-totalité de nos structures génèrent ainsi un « marcheur » qui déambule dans les rues, se fiant à son instinct pour décider de son chemin. C’est pourquoi notre Pharaon et ses conseillers se sont fortement impliqués, avec l’aide de nos bienveillantes divinités, à élaborer un système simple et efficace pour que l’ensemble des citoyens profitent des fruits du travail collectif ; le plus important étant la distribution de la plus précieuse des denrées de notre terre baignée par les émanations du grand Rê, l’eau. Ce n’est que grâce à cette dernière que les premières vraies maisons peuvent être érigées en remplacement des huttes primitives.
Car c’est ainsi que la cité fonctionne… Chaque lieu d’habitation évoluant en fonction de deux principaux facteurs : les ressources qui lui sont fournies et la qualité des services environnants. Tous l’art d’élever de magnifiques cités à la gloire de nos Dieux et de notre civilisation réside dans la judicieuse mise en place des différents intervenants de la vie quotidienne. Car plus un citoyen voit son rang social s’élever, plus il devient exigeant dans ses besoins courants. Car si c’est l’eau, source de vie, lui est le point de départ de la cité, de nombreux autres facteurs vont jouer sur son humeur et sur sa prospérité, qui peuvent être divisés en deux catégories : les matériels et les spirituels.
Les biens matériels
Les biens matériels sont fournis au peuple de plusieurs façons. La plus simple consiste à produire sur place, les Dieux, dans leur infinie sagesse, ayant donné aux hommes le pouvoir de créer à partir de la matière brute. Les ouvriers s’occupent donc de produire la matière première, que ce soit de l’argile destinée à la confection des poteries, ou les créatures vivantes (bétail, poissons, plantes…) destinées à notre alimentation. Toutes ces denrées sont ensuite travaillées par les artisans, stockées dans les entrepôts et les greniers avant d’être dirigées vers les marchés où elles seront alors misent à la disposition des citoyens ayant accès à ces derniers.
Il est impératif d’optimiser cette longue et multiple chaîne de production au maximum, car la moindre faiblesse dans l’un de ses nombreux maillons peut entraîner de sévères difficultés pour la communauté. Car plus les habitants sont aisés, plus ils demandent d’être approvisionnés en denrées variées, et si des gens modestes sont indispensables pour fournir la main d’oeuvre des travaux collectifs, ce sont les plus riches qui remplissent principalement les caisses de l’état grâce aux impôts judicieusement prélevés par notre divin Pharaon.
Mais hélas, il arrive parfois que la région ne produise pas certaines matières premières, l’obligeant à ouvrir des routes commerciales avec les cités voisines pour s’approvisionner. Mais ceci peut aussi apporter des richesses, car il est souvent possible d’exporter nos surplus de production, ce qui, dans les cités les plus prospères, peut devenir la principale source de financement.
L’agriculture est l’un des aspects les plus important de notre survie. Car lorsque nos descendants décidèrent de s’installer sur les rives du Nil, le fleuve nourricier, les Dieux se rendirent compte que les terres environnantes n’étaient pas assez riches pour subvenir aux besoins de leurs fidèles serviteurs. C’est pourquoi ils décidèrent qu’à chaque cycle solaire le Nil sortirait de son lit pour donner au sol la fertilité nécessaire au développement et à la gloire de l’Égypte. Nous avons appris au cours des siècles à aider les Dieux à dispenser leurs bien-faits en creusant des canaux d’irrigation permettant d’augmenter les surfaces cultivables, mais les terres situées sur les berges du Nil restent les meilleures.
Si une grande partie de la production est absorbée par les habitants, nous ne devons surtout pas oublier de remercier les Dieux ; c’est la raison pour laquelle chaque cité essaie de leur rendre hommage en leur bâtissant des temples et des statues, mais c’est dans l’unicité que l’on peut percevoir le réel hommage. Chacune des cités qui forment le Royaume d’Égypte possède une réalisation éternelle dédiée aux divinités et dont les efforts humains et matériels qui ont été nécessaires à son achèvement prouvent notre dévouement.
Les biens spirituels
L’homme n’appartenant pas au monde animal, son bien-être ne se limite pas au confort de sa maison et au contenu de son estomac. Il est du devoir de la communauté de lui proposer une solide infra-structure en échange de son travail. Nos philosophes ont ainsi déterminé six domaines qui contribuent au développement de l’individu au sein de la cité. Le premier d’entre eux, l’homme est ainsi fait, regroupe toutes les formes de divertissement qui permettent au peuple de s’amuser et ainsi de prendre une certaine distance face aux événements malheureux qui jalonnent son existence…
Il est donc nécessaire de rapidement bâtir des écoles où pourront s’entraîner les danseurs, les musiciens et les jongleurs qui iront ensuite dans les lieux de représentations où ils pourront faire usage de leurs talents pour l’amusement des citoyens.
Le deuxième domaine est la religion, en dépit de tous les efforts du clergé contre les philosophes qui voulaient la placer en tête des préoccupations humaines. Nos cinq dieux principaux qui règne sur l’ensemble des deux Égyptes sont : Osiris, qui veille sur l’agriculture et sur le cours du Nil ; Ptah, protecteur des artisans ; Ra (ou Rê), Dieu tutélaire du Royaume ; Seth, le Dieu destructeur qui gui nos armées ; Bast, Déesse du foyer ; sans outil les divinités propres à chaque région.
C’est pour eux que nous élevons des temples et des oratoires où les fidèles peuvent aller leur rendre hommage et s’attirer ainsi leurs bonnes grâces qui rejaillissent alors sur l’ensemble de la cité. Mais il faut bien faire attention de n’en négliger aucun si l’on ne veut pas voir sa colère s’abattre sur la ville.
Les différentes régions n’ayant pas les mêmes besoins et les mêmes environnements, il est normal qu’elles ne possèdent pas toutes le même Dieu protecteur ; c’est vers l’un ou l’autre de nos Dieux que se porteront des attentions plus spécifiques et la gloire duquel est bâti le grand complexe religieux que l’on trouve dans chaque cité importante (certaines villes ont décidé de dédier ces immenses centres spirituels à leurs divinités locales ; c’est un choix risqué, car il risque mécontenter la divinité principale de la région mais cela s’avère parfois judicieux quand les bien-faits du Dieu mineur compensent une situation difficile). Les complexes peuvent également accueillir un oracle et un autel, qui permettent d’établir un contact avec des divinités liées Dieu auquel le lieu est consacré.
Le troisième point concerne l’éducation, sans laquelle l’homme ne peut assurer son avenir et la transmission de ses connaissances. Ses deux pôles sont : les écoles qui prennent en charge les enfants leur permettant ainsi d’acquérir le savoir nécessaire à leur entrée dans le monde des adultes, et les bibliothèques qui renferment tous les éléments qui font notre civilisation, les rendant ainsi accessibles à l’ensemble des citoyens désireux d’apprendre. Le spirituel se mêlant souvent au matériel, les gestionnaires des ressources de la cité doivent surveiller les stocks de papyrus, car ces deux institutions en sont grandes consommatrices.
Vient ensuite le secteur s’occupant de la santé des habitants, et cela commence, comme nous l’avons vu plus haut, par la mise à disposition d’eau saine aux habitations. Mais cela ne suffit hélas pas à éloigner les souffrances que la vie inflige, de la naissance à la mort. C’est pourquoi il est important de mettre rapidement en place un réseau de soins qui comporte dentistes, apothicaires, médecins et embaumeurs, pour soigner les vivants mais préparer aussi les défunts pour leur vie dans l’au-delà.
Si le domaine suivant n’arrive qu’en cinquième position dans le classement des philosophes, il n’en est pas moins primordial pour le fonctionnement de la ville, car il s’agit de son squelette, c’est dire l’indispensable administration. Une cité n’est pas un simple ensemble de constructions placées les unes à côté des autres, mais c’est tout un système interne qui lui permet de se développer et de maintenir sa cohésion.
Qu’il s’agisse des pompiers qui luttent contre le fléau des incendies, des ingénieurs qui s’assurent de la solidité des bâtiments, des forces de l’ordre qui assurent la tranquillité des citoyens, des collecteurs d’impôts qui gèrent les dons des contribuables, du système judiciaire qui s’occupe de l’application des lois ou des urbanistes chargés de l’implantation des ponts, bacs et des divers aménagements décoratifs, chacun de ces éléments forme l’un des maillons de la chaîne qui permet à la ville de fonctionner ; il ne faut donc en négliger aucun et régulièrement consulter les conseillés sur ces différents sujets (ainsi que les autres d’ailleurs).
Le sixième et dernier point concerne l’art de la guerre, indispensable à la survie et à l’expansion de notre civilisation. Beaucoup de nos fils choisissent de s’enrôler dans l’une des quatre branches de nos forces armées. Ils peuvent choisir l’infanterie, qui recrute les plus vaillants et qui est le pivot des batailles ; les compagnies d’archers, qui infligent de lourdes pertes à distance mais qui doivent être impérativement protégés ; les régiments de chariots, la fine fleur de l’armée mais qui demande plus de compétence et plus de matériaux pour être levés ; et enfin la marine, soit à bord d’un navire de guerre, soit à bord d’un transport de troupes. Certaines cités, situées dans les régions les plus dangereuses, demanderont l’élévation de fortifications afin de leur donner une protection efficace contre les invasions ennemies. »
Ainsi s’achève le résumé de ces incroyables manuscrits. Nous avons pu les classer selon cinq périodes : la prédynastique, l’archaïque, l’Ancien Empire, le Moyen Empire et le Nouvel Empire. Chacune de ces étapes n’a été franchie qu’à la suite de nombreux efforts, de difficulté graduelle, depuis l’établissement des premiers émigrants venus d’Afrique, jusqu’à l’arrivée de l’occupant romain.
Ces précieux documents nous ont confirmés combien les crues du Nil étaient vitales à leur survie, la richesse du fonctionnement de leurs cités, leur maîtrise des arts de la guerre, particulièrement dans le domaine naval, la capacité des conseillers des Pharaons à lui présenter des informations riches et précises sur l’ensemble des données de la cité, et surtout, leur volonté sans limite quand il s’agit d’élever les grandioses monuments qui sont parvenus jusqu’à nous.
Les cinq périodes forment une véritable histoire, où s’illuminent les noms des puissantes dynasties qui gouvernèrent avec l’aide des Dieux et du peuple cette glorieuse civilisation.
Pharaon reprend avec une étonnante exactitude les informations découvertes dans ces documents antiques, en utilisant avec bonheur le moteur de Caesar III, tout en lui ayant apporté les améliorations nécessaires à son adaptation à la civilisation égyptienne. Il ne s’agit pas d’un jeu en « temps réel » mais en « temps continu », qui convient aussi bien aux stratèges aimant prendre le temps de réfléchir qu’aux passionnés d’action qui préfèrent que les choses aillent vite ; la seule condition étant d’aimer la gestion de ressources et la mise en place d’une urbanisation cohérente, ces deux points étant le principal axe du jeu.
Pharaon excelle dans ces domaines, les nouvelles options implantées depuis Caesar III (crues du Nil, variabilité des cultes en fonction des scénarios, combats navals, érection de monuments, possibilité de donner des ordres plus précis pour la gestion des ressources) donnant plus de variétés aux différents scénarios et augmentant grandement le plaisir de jouer. Ici, vous ne jouez plus un unique personnage intemporel, mais les pharaons successifs d’une dynastie, ce qui, avec les cinq campagnes proposées, font de Pharaon une totale et sublime réussite.
Laurent-Xavier Lamory
Qualités
Thème historique fascinant, richesse de la gestion économique et de l’urbanisation, possibilité de fortement réduire la vitesse du jeu, graphismes et animations magnifiques. Très bonne progression dans les scénarios d’apprentissage. Aide très complète. Objectifs (relativement) très différents en fonction des cartes.
Défauts
Seulement trois types de troupes terrestres, un peu répétitif, terrain souvent similaire, destiné aux amateurs de gestion pointue.
Petit conseil, si vous découvrez cet excellent jeu et êtes intéressé, sachez qu’une édition bien meilleure encore est disponible, en bundle sur GoG.com sous le titre Pharaoh + Cleopatra pour la somme modique de huit euros et quelques, hors promotion toujours possibles. Si vous cherchez encore mieux en termes de fonctionnalités, graphismes, interface et gameplay, je ne saurais trop vous orienter vers le formidable Emperor – Rise of the Middle Kingdom, qui constitue certainement l’apogée de cette série remarquable (proposé encore moins cher sur GoG d’ailleurs !).