Scramble – Battle of Britain : premières impressions

Une des définitions possibles du génie ou de l’inventivité c’est de pouvoir intersecter deux idées a priori distinctes et situées sur des droites parallèles. En l’occurrence un jeu de combat tactique aérien au tour par tour et la simulation de vol militaire.

 

Combat tactique aérien au tour par tour ou simulateur de vol ?

On sait que le marché du premier est en fait une niche peu investie, voire même déserte en ce moment, car hautement risquée et où très peu d’acteurs s’aventurent, le dernier titre en date, Wings of Glory, voir cet article, s’étant crashé juste après le décollage. Quant au segment militaire de la simulation de vol, il est dominé par des gros porteurs en vitesse de croisière depuis longtemps : DCS pour l’aviation moderne, et IL-2 pour la seconde guerre mondiale. Il fallait donc oser se lancer dans ce mariage impossible.

Scramble est d’abord et à la base un jeu de combat tactique aérien, comme Flight Commander 2, Achtung Spitfire!, Over the Reich, les ancêtres de ce genre vidéoludique né dans les années 90, un genre auquel Sid Meier s’essaiera aussi avec Ace Patrol (2013). Et plus proche de nous, Aeronautica Imperialis: Flight Command (2020) qui proposait de prendre les commandes d’appareils futuristes, mais qui a été retiré de la vente l’année dernière.

Je suis un vétéran de la simulation de vol, apprenti wargamer depuis peu et fan de belles cartes à hexagones. Et avant que la démo ne soit disponible pour le Steam Néo Fest, avant même que la page produit Steam ne soit mise en ligne avec les premiers screens, j’espérais secrètement que Scramble soit une version améliorée de Check Your 6! (2018), qui lui aussi a explosé en vol. Même type de jeu, même thème.

Il en sera tout autrement : le tour par tour restera, mais exit les hexagones et plus généralement la notion de case. On se retrouve à piloter des Spitfire dans un vrai espace à trois dimensions… comme dans un simulateur de vol ! Mais par défaut dans une vue « chase plane » (poursuite), c’est-à-dire que la caméra est placée juste derrière l’avion. Il n’y a pas de vue cockpit !

 

Scramble: Battle of Britain
1/ La vue tactique permet d’embrasser en un seul coup d’œil l’ensemble de la situation. Elle n’est pas sans rappeler TacView, l’enregistreur et analyseur de données de vol des simulateurs de vol les plus populaires. Jon Coughlin, le Lead Developer de Scramble avait d’ailleurs « pitché » le jeu comme un « TacView jouable ».

 

Scramble: Battle of Britain
2/ La bande bleue matérialise le déplacement prédictif du Spitfire. Au centre, en bas : l’indicateur de position des gouvernes, de la manette des gaz (3 positions), ainsi que la jauge de munitions (limitées).

Combat Mission dans les airs

A chaque tour, lors de la phase de planification, le joueur dirige ses appareils en montée/descente, virage gauche/droite, au moyen du manche, et l’ordinateur calcule en temps réel la trajectoire prévisionnelle sous forme de vecteurs, en tenant compte des caractéristiques des appareils et des paramètres de vol. On clique alors sur le bouton Action et il n’y a plus qu’à admirer les appareils évoluer en combat tournoyant pour quelques secondes. Et ainsi de suite. C’est un mélange de WeGo et de temps réel pausable, comme dans Combat Mission.

Les palonniers ne sont pas encore disponible à ce stade. Pour faire le parallèle avec un simulateur de vol, on pourrait dire que l’option auto-rudder (palonniers automatiques) est cochée par défaut. Un gamepad procure la meilleure ergonomie de jeu et permet un pilotage naturel mais on peut jouer également au clavier. Par contre je déconseille de jouer avec un joystick ou un système HOTAS. Ce n’est pas supporté et même si c’était le cas il est très difficile (ou très coûteux) pour un développeur de supporter tous les modèles du marché.

Évidemment il y a des chances que votre joystick fonctionne étant donné que c’est un périphérique, au même titre qu’une souris, mais il peut y avoir des bugs ou des fonctions qui ne seront pas disponibles. L’absence de palonniers (pour l’instant) est-elle gênante ? On peut toujours pinailler, mais à mon sens non, car plus de 90% des manœuvres que l’on peut faire avec un avion sont déjà possibles et nombreuses.

 

Changement de paradigme

Intriguant et perturbant. A l’évidence, Scramble – Battle of Britain l’est de prime abord. Je ne m’en suis rendu compte qu’après un recul introspectif, mais je dois avouer que, bien qu’étant fan d’aviation et de combat tactique au tour par tour, j’ai eu comme un sentiment de rejet lors des premières parties, au point que je ne trouvais ni l’envie ni la motivation pour descendre un Messerschmitt…

Les raisons ? D’abord l’interface : il y a des données partout et l’apparente surabondance d’informations donne un peu la même sensation que lorsqu’on pénètre pour la première fois dans un glass cockpit de Boeing 777 bourré d’électronique. Mais évidemment, avec le temps et l’habitude, le cerveau et les yeux trient automatiquement les informations essentielles, selon les circonstances et les besoins. Ensuite, le mélange de styles graphiques : d’un côté on a des appareils et des portraits vintage de pilotes, 2e guerre mondiale oblige, et de l’autre une interface, un HUD (Heads Up Display ou en français VTH : Visualisation Tête haute) ultra-moderne, dernier cri de la technologie. Le mélange ne peut que choquer, mais encore une fois, a posteriori, c’est une bonne décision.

Plus objectivement, les wargamers tacticiens seront bousculés car ils ne pourront plus pousser leur pions sur une carte comme ils en ont l’habitude. Ils devront aussi renoncer aux hexagones, tout en développant leur perception géométrique et leur raisonnement dans un espace en trois dimensions. Les pilotes virtuels, quant à eux, devront abandonner le sacro-saint joystick au profit d’un gamepad ou du clavier (Oh ! Sacrilège !), et se faire à l’idée que désormais obtenir un « kill » ne dépendra plus seulement de l’agilité au manche, mais aussi de la capacité à prendre le temps nécessaire à la réflexion et à la planification avant de passer à l’action.

Est-ce que ce jeu plaira à tout le monde ? Non. Il faut aimer le thème, le tour par tour, et sans doute garder une certaine ouverture d’esprit si l’on a un profil wargamer et/ou flightsimmer. Avoir quelques notions de pilotage aussi, car comme le rappelle Jon Coughlin, le Lead Developer, Scramble – Battle of Britain n’a pas vocation à enseigner les bases du pilotage d’un avion, encore que de nombreuses aides et vidéos « Flight School », spécialement créées pour l’occasion, démystifient le sujet. D’un point de vue réalisme et technicité, les développeurs ont voulu un jeu dans le même esprit que War Thunder, c’est-à-dire abordable et accessible à toute personne intéressée et motivée par le dogfight, avec toutefois des modèles de vol crédibles. Ce qui n’est pas sans rappeler la philosophie de Tiny Combat Arena, dont nous vous avions parlé dans ces colonnes.

Scramble: Battle of Britain
3/ Phase de planification pour l’attaque d’un Stuka : un réticule jaune est affiché pour aider à la visée. La physique des munitions se voulant réaliste, il faudra faire un tir anticipé c’est-à-dire faire feu devant la cible.
Scramble: Battle of Britain
4/ Un texturage de modèle 3D très réussi. Nul doute que les développeurs ajouteront par la suite une animation de l’hélice pour plus de réalisme ainsi que pour donner la sensation de vitesse. Les possibilités offertes par la caméra sont nombreuses et d’ores et déjà très complètes. Un mode replay permet de visionner les meilleurs moments de l’action.
Scramble: Battle of Britain
5/ Les dégâts sont représentés et gérés. Admirez également les jolis effets de lumière.

Coup de cœur différé

Face à l’inconnu, à la nouveauté, l’esprit humain a tendance à se montrer réticent, et préfère se réfugier dans un douillet confort routinier. Les neurosciences nous apprennent qu’il faut environ vingt jours pour changer une habitude, acquérir un nouveau comportement, en câblant le cerveau différemment, par petites touches régulières. En ce qui me concerne, dès le départ j’ai été séduit par Scramble – Battle of Britain mais le coup de cœur n’a pas été immédiat. Ce n’est qu’au bout de quelques heures de jeu réparties sur plusieurs sessions que j’ai réalisé que Scramble cristallise le meilleur de deux mondes : le tour par tour, mécanisme central des des jeux de réflexion tactique, et l’expérience simulée du pilotage d’avion de combat.

En France nous avons parfois tendance à voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein. Comme le Lead Developer de Scramble – Battle of Britain est américain, au lieu d’un « Pas mal ! », je préfère lui lancer un « Amazing ! Thumbs up ! And keep up the good work ». Plus d’avions, de nouveaux modèles, un mode campagne, une gestion d’escadrille, d’autres décors, d’autres périodes historiques, etc. : tout cela est possible, soit envisagé, planifié, ou encore à l’étude, tant les développeurs sont à l’écoute de la communauté. Et ils ne se contentent pas d’écouter mais engagent également de vraies conversations personnalisées sur les forums ou Discord.

 

Nos premières impressions sur Scramble: Battle of Britain, un futur titre dont on ne connaît pas encore la date de sortie, se fondent sur la démo mise à disposition par Slitherine lors du dernier Néo Fest sur Steam (10 – 17 juin). Il s’agit d’une version alpha du logiciel comme l’atteste le watermark incrusté dans les écrans du programme.

Habituellement une telle version est destinée à tester un concept et un gameplay. Mais ici il faut reconnaître que c’est bien plus, presque un début de bêta tant les composantes essentielles du jeu sont présentes. A l’heure où vous lirez ces lignes, de deux choses l’une : soit la démo aura été retirée, car dans certains cas l’éditeur peut estimer que son maintien est préjudiciable à l’image de marque du jeu. Soit, au contraire, elle restera en libre service en cas de succès auprès du public.

Scramble: Battle of Britain
6/ IL-2 Sturmovik ? Non. Scramble !
Scramble: Battle of Britain
7/ Les traits noirs en pointillés indiquent la phase de vol où l’appareil est soumis à un fort facteur de charge (G). Conséquence : le pilote commence à subir un voile noir en vision périphérique, retranscrit sur les bords de l’écran.
Scramble: Battle of Britain
8/ Un « furball », c’est-à-dire un engagement en combat tournoyant impliquant de nombreux appareils.

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Pour plus d’informations sur Scramble – Battle of Britain, voyez cette page chez l’éditeur ou celle-ci sur Steam. Et voici quelques courtes présentations vidéos dans lesquelles les développeurs expliquent les mécanismes du jeu.

  1. Pensant essayer ce jeu une trentaine de minutes, j’y ai joué 3h00

    Il n’y a évidemment pas de sensation de pilotage proprement dite mais les choix tactiquee, lacet, roulis, tangage, moteur engendrant une courbe et la position finale de l’avion en chasse ou chassé sont prenant.

    D’abord il faut dire que même si les modèles de vol sont un peu simplifiés, il sont totalement crédible
    Ensuite le ballet de combat tournoyant de plusieurs avions est fantastique à regarder

    La prise en main est simple, la durée d’une partie ou d’un combat suivant le nombre d’avions va de 20minutes à 50mn et l’envie de recommencer est grande.

    Si le jeu inclus par la suite une gestion des escadrilles, pilotes et de la bataille d’Angleterre au moins en partie avec des choix au delà du pilotage, Scamble pourrait être un excellent titre historique et ludique

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