Une carte torique faite d’hexagones, un avatar dont la configuration influe sur son style de jeu, du tour par tour à résolution simultanée, des armées appuyées par des officiers, des objets magiques, des sorts, des reliques… Mais ne serait-ce pas là un ersatz de Dominions ?

Il ne faut pas multiplier les êtres sans nécessité

Je vous le dis mes Frères, vous tombez dans l’hétérodoxie. Quand Dominions vous noie sous la corne d’abondance, Solium Infernum vous tranche les jarrets avec le rasoir d’Ockham. Le joueur de Dominions 3 soumet le hasard par la loi des grands nombres, celui de Solium Infernum partage le joug de la casualité avec ses adversaires. Illwinter vous a écrit des sagas rabelaisiennes, Cryptic Comet vous composera des tragédies machiavéliques.

Un facétieux a confectionné le dernier repas du Roi des Enfers avec de l’eau bénite. Il faudra des éternités au Régent pour s’en remettre, mais d’ici là, son trône ne saura rester vacant. Dans 60 tours, le Pandémonium se réunira en conclave afin d’élire le prétendant le plus prestigieux parmi les 6 impétrants. Cette influence s’acquiert au moyen de possessions, des sites spéciaux ou des reliques, de victoires militaires sur ses rivaux, et d’insultes lancées à la face d’ennemis impuissants à répliquer.

Vous œuvrez sur un espace torique de petites dimensions (168 cases pour une carte normale, 192 pour le grand modèle). Vos armées, quelques rares Légions, parcourent ce territoire hostile à la conquête d’hexagones (1 point de prestige, « PdP », lors du vote), de lieux de pouvoir (généralement 1 ou 2 PdP par tour). De multiples obstacles, rivières, gouffres, montagnes… segmentent le terrain et vous y serez très vite à l’étroit, d’autant plus que les frontières ennemies sont infranchissables, sauf à passer par un protocole de déclaration de guerre long et complexe, la Vendetta.

Un officier, le Praetor, peut renforcer une Légion, mais il sait aussi concourir individuellement à des tournois et à des duels provoqués par les Vendettas. Objets magiques et manuscrits de combat peuvent soutenir les Légions, surtout celles de haut niveau. Chaque Légion, Objet Magique, Praetor, Relique possède une illustration propre.

Ces créatures et objets uniques s’acquièrent aux enchères au Baazar, où vous devrez miser les quatre ressources disponibles (âme, ichor, feu sulfureux, noirceur). Ces ressources, les « Tributs », vous sont apportées chichement, et sur demande, par vos « Minions ». Et cette requête n’est pas anodine, car vous devez gérer la plus contraignante des pénuries, les actions. Vous n’avez en effet typiquement que 2 actions possibles par tour, pour une large palette de possibilités, et là, tous les choix sont cornéliens. Enchérir sur une Légion, la déplacer ou l’améliorer, demander des tributs, recruter, muter ou entraîner un Praetor, acquérir une relique riche en prestige ou un objet à l’appui utile à la conquête d’un site, pratiquer des magies plus ou moins frontales (du sortilège de dégâts, à celui de contrôle en passant par l’acquisition d’information), jouer un événement (un sort global), renforcer son Avatar…

Il y a tant de choses à faire, et si peu d’actions possibles. Votre plan devra trouver son optimum dans un arbre d’options très large. L’accès à certaines « branches » requiert d’ailleurs de la persévérance, car dépendantes de nombreux choix préliminaires. Ainsi, on ne pourra attaquer la forteresse d’un ennemi qu’en passant en état de  « Blood Feud », qui doit être précédé par 3 Vendettas, chacune d’entre elles nécessitant de multiples tours.

Cette diversité d’options offre de nombreuses stratégies, de l’option militaire basée sur des légions « nombreuses » et puissantes, du négociateur cynique abusant de ses Praetors pour racketter ses voisins, du magicien destructeur, du prétendant vicelard dérobant les biens de ses concurrents, de l’espion habile à détecter ce qu’on préfère cacher, de l’amateur d’objectifs secrets, en passant par le manipulateur sachant s’attribuer la victoire. Pour optimiser ses stratégies, misera-t-on sur un bonus en actions, sur des tributs plus généreux, sur un rang élevé apportant de multiples avantages ?

Si les wargamers purs et durs risquent d’y perdre leur latin, les amateurs de jeux de plateau «européens » y retrouveront leurs marques. Ceux qui recherchent un jeu en tour par tour à durée humaine (selon mes critères) seront ravis, un tour ne prend en effet que quelques minutes à jouer, sur environ 60 tours pour une partie. Les IA ont fait beaucoup de progrès depuis la bêta, mais restent à la traîne face à un humain expérimenté et surtout agressif, et l’expérience devient très prenante en PBEM (privilégier au minimum 1 tour/jour si vous le pouvez). Le sentiment de lourdeur qu’on éprouve parfois en solo s’efface devant l’agressivité de ses concurrents, et on sent que là, chaque point de prestige compte.

Les concepts étonnent par leur originalité et leur cohérence, mais le logiciel souffre d’une réalisation anachronique. L’affichage est bloqué en 1024 x 768, ce que l’on oublierait vite si cette contrainte n’affectait pas tant l’ergonomie. La « vault » est un capharnaüm où s’entassent en vrac les ressources et les parchemins, dans lequel le joueur doit chercher laborieusement les ressources nécessaires (problème réglé avec le patch 1.03). Il est difficile de se représenter dans son ensemble la carte torique, la distance des sites et les emplacements (le zoom est très insuffisant). Et surtout, les somptueuses illustrations sont réduites à des petites images, alors que beaucoup méritent du plein écran. Le jeu manque aussi de tableaux récapitulatifs, forçant le joueur à jouer du menu pour avoir des vues synthétiques de la partie.

Une petite remarque sur le support : comme pour Armageddon Empire, Vic Davis apporte un support permanent au jeu : IA en progrès constant, amélioration de l’ergonomie (tri dans la Vault), etc.

Votre royaume de départ.
Votre avatar.
Portraits des autres avatars et trône des enfers (en bas à droite).

NDLR : depuis sa sortie fin 2009 le jeu a été patché à de nombreuses reprises (voir cette section du blog officiel), et bénéficie aussi depuis fin 2011 d’une mini extension gratuite, Solium Infernum – Rectification, dont vous trouverez une description complète sur cette page chez Cryptic Comet.

Légion infernale.
Praetor.
Relique.
Autre exemple de légion.
Montage représentant une carte de taille standard.

En conclusion

Solium Infernum est un bijou de gameplay unique et rapide à jouer, mais qui saura apporter un vif plaisir aux amateurs de mécanismes subtils et tordus.

  • Originalité et cohérence.
  • Diversité des tactiques.
  • Rapidité des tours de jeu.
  • Un petit côté RPG.
  • Réalisation obsolète.
  • Passivité des IA en solo.
  • Déséquilibre fréquent des positions de départ.
Infos pratiques

Date de sortie : 26 novembre 2009

Éditeur / Studio : Cryptic Comet

Site officiel : www.crypticcomet.com

Prix : 14.99 $

NDLR : article publié sur Cyberstratège en 2009.

12 Commentaires

  1. Tiens, j’avais eu le jeu et il était très sympa en multi. Du style « jeu de plateau » via PC mais vraiment jouissif de part l’univers. Je crois me souvenir que Bertrand était assez motivé et qu’il avait lancé une début de VF.

    Si il y a des amateurs, je m’y remettrais bien.

  2. Une version tablette, c’est peu probable, et c’est dommage car les mécanismes s’y prêteraient bien. J’ai déjà testé Armageddon Empires en tablette en access remote remote d’un PC qui le fait tourner, ça marche, mais lourd à mettre en oeuvre et laborieux à jouer vu le nombre de clics. A l’occasion faudrait que je monte la manip pour SI, ça doit mieux se passer.

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