Amis de la boue et de la boite de singe, bienvenue dans ce nouvel opus de Strategic Command, série nous offrant ici un bon jeu de stratégie dédié à la Première Guerre mondiale, conflit où pour une fois la France ne fait pas office d’en-cas avant la Russie.
I/ Quoi de neuf à l’ouest du Kaiser ?
Pas grand-chose, ou presque de prime abord. Autant Strategic Command 2 apportait son lot de nouveautés par rapport au premier volet (notamment au plan graphique), autant on a ici l’impression d’être devant une extension, les « nouveautés » (voir le trailer ci-après ou cette liste dans le forum officiel) consistant pour beaucoup en améliorations ou optimisations du moteur du jeu. Mais évidemment l’intérêt de Strategic Command WW1 – The Great War est avant tout son thème.
La carrosserie est correcte pour un wargame, les dessins d’unités relativement moyens sont compensés par une carte lisible et pas trop désagréable à l’œil. Pas grand-chose à redire sur le côté esthétique, ce n’est pas du grand art, mais c’est dans la norme des wargames actuels. Les bruitages quand à eux, sont plutôt réussis (bruits de bottes pour les déplacements, coups de canons) mais un peu forts et répétitifs, on baissera donc vite le son. Les musiques sont aussi agréables.
II/ L’interface, partie émergée de la mine anti-personnelle
Passons à la maniabilité de l’engin, ce truc que nos amis anglo-saxons appellent le gameplay. Le jeu est d’une simplicité enfantine à manipuler. On clique sur une unité pour la sélectionner, son mouvement maximum s’affiche en surimpression de la carte, on clic avec le bouton gauche sur une case vide pour s’y déplacer ou sur une case adjacente occupée par l’ennemi pour l’attaquer, ou bien un clic droit suffit pour désélectionner l’unité. C’est simple.
Plus généralement l’interface en elle-même est également simple d’accès mais comporte toutefois pas mal de petits défauts qui, même s’ils ne sont pas graves en soi, contribuent à agacer par leur répétition. Par exemple, si vous baladez le curseur de la souris sur le coté droit de l’écran (pour faire défiler la carte dans cette direction), chaque fois que le curseur passera sur des boutons d’options, celui-ci emmétra un petit « clac » sonore qui devient vite pénible. Ce n’est certes pas grand-chose, mais c’est le genre de détail qui n’aurait pas dû passer le bêta test.
Citons également les écrans de rapport entre chaque tour (production, économie …) qui disparaissent au bout de quelques secondes, on aurait préféré les faire passer sur un clic et ainsi avoir le temps nécessaire pour les lire…
III/ Prends ta pelle de tranchée et creuse plus profond, testeur !
Penchons nous un peu sur le jeu à proprement parler. Celui-ci vous demandera de diriger un pays dans les campagnes, et une partie du front dans les scénarios courts. Le principe est simple, chaque unité dispose de points d’actions (PA) lui permettant de se déplacer et d’effectuer une attaque (par tour). Plus il lui restera de PA lors de l’attaque, plus celle-ci sera efficace. Il est donc nécessaire pour attaquer une forte position ennemie, de vous y déplacer sur une case adjacente, puis d’attendre le tour suivant pour la prendre d’assaut avec le plein potentiel de vos PA (attaque préparée).
De nombreux facteurs sont évidement à prendre en compte, terrain, cours d’eaux, niveaux de pertes de chaque unité, etc … En général, les deux unités (attaquants et défenseurs) subiront des pertes les faisant passer d’un état de 10 (intact) jusqu’à 0 (détruit). C’est un système classique mais efficace dans laquelle viennent se greffer plusieurs subtilités.
L’artillerie peut attaquer à plusieurs cases de distance, et tirera en soutien sur les unités ennemis qui attaquent ses alliées à portée (un peu à la manière des archers de Fantasy Wars). Et elle peut tirer plusieurs fois par tour si vous économisez les munitions.
Si par exemple vous ordonnez pendant trois tours à votre artillerie de ne rien faire, elle accumulera trois points de munitions, et sa prochaine salve se composera de trois tirs consécutifs, toujours utile pour planifier des assauts sur des positions fortifiées.
Les avions et zeppelins, eux attaquent aussi à plusieurs cases (représentant un aller-retour) mais peuvent être interceptés par les chasseurs adverses proche de leur cible, donc prenez garde ! Certaines unités aériennes permettent aussi, plutôt que d’attaquer, d’effectuer des reconnaissances du terrain ennemi, un peu comme dans Time of Wrath, une manoeuvre très utile pour les bombardiers de première génération.
Pas d’empilement aussi, cela à pour effet de créer un front assez long (ce qui est historique) et évite les « piles de la mort » (stacks of doom) qui pourraient devenir trop puissante et percer le front aisément. On voit que cette simple règle simule bien le fait que ce jeu concerne la Première Guerre mondiale, mais on préférerais que les scénarios Seconde Guerre mondiale permettent un empilement limité, en accord avec les doctrines de la période (NDLR : un scénario WW2 complet sera ajouté à ce jeu par le biais d’un futur patch).
Mais on ne fait pas que se taper dessus dans Strategic Command. Chaque cité et chaque case de ressources génère un certains nombre de points de ressources (PR ; points qui peuvent être réduits pour cause de raids, occupation …), qui serviront à acheter de nouvelles unités. Celles-ci sont chères, et il vaut souvent mieux retirer ses troupes du front pour les renforcer plutôt que de les laisser mourir pour en « racheter ». De la même manière, les ressources peuvent être investies dans une série de domaines de recherche (infanterie, blindées, économie …) pour fortifier l’ensemble de votre pays.
La diplomatie avec les pays neutres permet de récupérer une partie de leurs ressources, tant qu’une route commerciale est ouverte. C’est là que les lignes maritimes entrent en compte, lignes qu’il est possible de mettre sous blocus avec des forces navales, réduisant de beaucoup l’effort de guerre adverse. Il suffit de placer vos navires sur les lignes maritimes et de regarder combien de PR l’ennemi perd en fin de tour.
Mine de rien, avec ses mécanismes simples, Strategic Command WW1 arrive à résumer l’ensemble du conflit de façon assez juste. Il est de mon avis bien plus efficace pour cette période que les épisodes précédents pour la guerre 39-45.
Que serait un jeu sur 14-18 sans tranchées ? Au lieu d’agir, une unité peut passer son tour à creuser des tranchées, fortifiant un ou plusieurs côtés de la case qu’elle occupe. Ces tranchées ont l’intéressante particularité de bloquer les lignes de vue adverses, astucieux système.
Autre nouveauté, le moral national, lorsqu’un pays perd une ville, des unités etc … son moral national diminue, affaiblissant toutes ses unités. Ainsi, il est risqué de laisser l’adversaire emporter une ligne de front, car son moral sera gonflé alors que le votre s’effondrera. De la même façon, les raids de cavalerie pour occuper, même temporairement les villes de l’arrière de l’ennemi, affaibliront l’adversaire tant économiquement que moralement.
IV/ Pas assez de temps pour une grande campagne ?
Strategic Command WW1 propose un scénario dit de campagne, mettant en scène toute l’Europe et une partie de l’Afrique. Il s’agit ici d’un jeu conséquent, qui vous tiendra plusieurs dizaines d’heures par partie. Une campagne « What if » et une campagne 1917 varient aussi un peu les plaisirs.
Heureusement, Fury Software propose aussi sept scénarios courts, de quelques dizaines de tours, permettant de rejouer une bataille a une échelle plus réduite (une unité = une division plutôt qu’un corps). Ces petits scénarios sont idéaux pour des parties plus rapides. Le jeu peut bien entendu se jouer par email, et a d’ailleurs le potentiel pour que ce genre de partie soit une réussite (pas d’interaction entre les tours). De plus Strategic Command WW1 est fournit avec un éditeur qui ravira les moddeurs (y compris pour des scénarios WW2) et créateurs en herbe. Ou plutôt en terre retournée et boue.
En conclusion
Strategic Command World War 1 – The Great War est-il un bon jeu ? Oui. Malgré des graphismes dépassés, il est plaisant à jouer, les règles simples n’empêchent pas un jeu profond et réfléchi. L’échelle choisie nous impose des prises de décisions stratégiques (production, recherche, diplomatie …), opérationnelles (gestion des munitions, placement des intercepteurs …) et tactiques (encerclements, percées …), ces dernières étant souvent traitées abstraitement dans des titres comme Hearts of Iron. Chose étrange, je l’ai testé sur une bonne machine (4 Go de RAM, carte graphique 1 Go, processeur 3.6 Ghz dual core) et le jeu saccadait au niveau du défilement dans les zones peuplées de la carte. Il reste donc encore quelques optimisations à faire.
- Enfin un bon jeu sur la 1ere GM !
- Des scénarios jouables et des campagnes réussies, il y en a pour tous les goûts.
- Décisions sur trois échelles : tactique, opérationnelle et stratégique.
- Interface parfois agaçante.
- Graphisme un peu vieillot.
- Affichage pas très fluide malgré cela.
Sortie : mars 2011 (2017)
Studio – Editeur : Fury Software / Battlefront (Matrix – Slitherine)
Prix : 45 $
Site officiel
Le manuel du jeu est consultable en ligne – la documentation du jeu inclus un guide – et une démo est disponible chez Battlefront.
NDLR : article publié en 2011 sur Cyberstratège. SC WW1 dispose depuis octobre 2012 d’une extension, Breakthrough! , qui a d’ailleurs récemment bénéficié d’un nouveau patch.