Après un report imprévu au dernier moment et alors que le nouveau volet de la très réussie série Strategic Command va arriver ce 18 juillet prochain, nous vous proposons aujourd’hui une interview du principal développeur de Fury Software.
Bonjour Bill, merci d’avoir accepté cette interview pour la Gazette du wargamer.
La série de jeux Strategic Command est désormais un classique parmi les wargames de complexité moyenne, facile à apprendre et difficile à maîtriser, avec des mécanismes qui permettent de simuler finement des engagements à l’échelle stratégique.
1 ) Lynx : Pour commencer, pouvez-vous nous parler de Strategic Command Pacific, de l’échelle à laquelle nous allons jouer, et des mécanismes de jeu qui distinguent Strategic Command Pacific des autres opus de la série ?
Le moteur de jeu est-il identique aux versions précédentes ?
En termes d’échelle, notre campagne phare 1941 Day of Infamy s’accompagne d’une carte de 36 000 hexagones, s’étendant de l’Inde à l’ouest jusqu’à Denver en Amérique du Nord à l’est. La carte va plus loin que les Aléoutiennes au nord et un peu plus loin que l’Australie et la Nouvelle-Zélande au sud.
L’échelle est d’environ 80 km ou 50 miles par hexagone, tandis que les mini-campagnes sont toutes à des échelles plus élevées et variables.
Passons maintenant aux nouveautés !
J’expliquerai plus tard celles qui améliorent l’aspect naval, et je me contenterai donc de présenter rapidement les autres ici.
La première est un nouveau type de ressource : Les aérodromes. Ils peuvent approvisionner les unités terrestres et aériennes et, dans notre campagne phare de 1941, Day of Infamy, ils offrent des avantages spécifiques aux unités aériennes qui y sont stationnées, en augmentant leur portée et leur puissance.
Dans certaines mini-campagnes, les aérodromes sont configurés de telle sorte que les unités aériennes ne peuvent se déployer ou se déplacer que sur les aérodromes ou les hexagones adjacents. Cela accroît leur importance stratégique et en fait des cibles précieuses à capturer.
Parmi les autres nouvelles fonctionnalités destinées à améliorer l’expérience de jeu, citons le compteur de tours, qui vous permet de garder facilement un œil sur l’horloge pendant que vous menez vos forces au combat, et la carte de score, qui vous permet de vérifier votre progression et de comparer vos résultats d’une partie à l’autre.
D’un point de vue technique, une amélioration importante apportée à la série avec cette version est qu’elle permet de jouer en mode fenêtré, tout en prenant en charge les résolutions ultra-écran 21:9 et 32:9 telles que 3840×1440 et 5120×1440.
En temps voulu, ces améliorations seront étendues à nos autres versions, car nous savons que de nombreux joueurs en bénéficieront.
2 ) Lynx : Quelles sources historiques avez-vous consultées pour créer la grande campagne « Day of Infamy », pour reconstituer les ordres de bataille et les événements ?
Pouvez-vous nous parler de la genèse et des étapes successives de sa création ?
Beaucoup !
C’est en fait très difficile, car s’il existe de nombreuses sources sur la plupart des forces alliées engagées dans le Pacifique, ainsi que sur une grande partie des Japonais, l’identification des lieux de départ et des noms des unités en Chine était loin d’être une tâche aisée.
Il a donc fallu passer des heures et des heures à éplucher de nombreux livres et atlas militaires (l’un d’entre eux ne fournit jamais toutes les informations nécessaires !
Le World War II Databook de John Ellis et le Pacific War Atlas de David Smurthwaite sont de bons points de départ.
3 ) Lynx : La dimension navale est particulièrement importante sur ce théâtre d’opérations. Pouvez-vous nous en parler ?
La dimension navale est cruciale, même pour la guerre en Chine, car sans le contrôle des mers, il sera très difficile, voire impossible, pour le Japon de gagner.
Certaines améliorations ont été apportées au combat naval dans cette version, et la première d’entre elles a consisté à rendre le ravitaillement naval plus réaliste.
Ce changement signifie que les ports qui ne sont pas connectés à la capitale, au centre industriel ou au centre de ravitaillement principal d’un Major, c’est-à-dire les ports sur les petites îles, fournissent désormais moins de ravitaillement qu’auparavant aux unités navales.
Cette modification a un double impact sur le jeu. Tout d’abord, en augmentant l’importance du retour aux ports d’attache afin d’obtenir un ravitaillement maximal.
Deuxièmement, en renforçant l’importance d’une autre nouvelle fonctionnalité introduite avec cette version : la construction navale, alias Seabees, car cette catégorie de recherche offre aux joueurs la possibilité d’améliorer la valeur de ravitaillement de ces petits ports insulaires.
La construction navale peut s’avérer extrêmement importante pour remporter des batailles navales loin de vos ports d’attache, car cela signifie que vous pouvez – et devez – améliorer des endroits comme l’atoll d’Ulithi pour en faire de précieuses bases navales.
Lorsque le Japon et les États-Unis se battent pour les Salomon ou que les Alliés approchent du Japon, l’amélioration des ports pour augmenter leur potentiel de ravitaillement jusqu’à un maximum de 12 peut vraiment faire toute la différence dans les batailles navales qui s’ensuivent !
Une deuxième nouvelle catégorie de recherche a été introduite : la guerre sous-marine. Nous étions conscients que ni les flottes sous-marines américaines ni les flottes sous-marines japonaises ne s’étaient engagées dans de nombreuses attaques contre les navires marchands au début de la guerre, et que seuls les États-Unis avaient commencé à le faire au fur et à mesure que la guerre avançait.
Par conséquent, les deux camps peuvent désormais modifier les doctrines de leurs unités sous-marines au fur et à mesure que la guerre progresse, en augmentant leurs capacités de raid afin de mieux cibler les routes des convois ennemis.
Une autre modification du moteur introduite pour le jeu Pacifique a consisté à modifier les paramètres de la zone de contrôle des unités navales afin que leurs effets de zone de contrôle soient personnalisables indépendamment des unités terrestres.
Inspiré par le mod WW2 Naval War de Hairog, ce changement nous a permis d’augmenter de manière significative la zone de contrôle exercée par les navires, et couplé à l’augmentation des chances et de la distance de retraite de la plupart des unités navales lorsqu’elles sont battues, les effets combinés de ces changements ont radicalement changé les batailles navales.
Ces changements ont été accueillis très favorablement par l’équipe bêta, et nous sommes impatients que tout le monde puisse les tester le 18 juillet !
4 ) Lynx : J’ai cru comprendre que vous aviez impliqué la communauté des joueurs dans un test bêta. Avez-vous des anecdotes à nous raconter sur la façon dont les bêta-testeurs ont amélioré certains aspects du jeu ?
Oui, les bêta-testeurs ont grandement contribué à l’amélioration du jeu, notamment en signalant les cas de confusion. Par exemple, le Japon est tenu de conserver certaines unités japonaises en Mandchourie afin d’éviter la mobilisation soviétique.
Bien que toutes les informations mentionnent que les unités doivent être japonaises, nous avons dû insister sur ce point, car certains joueurs plaçaient des unités appartenant aux alliés du Japon en Mandchourie et se demandaient pourquoi la mobilisation soviétique augmentait.
Nous avons donc dû insister sur le fait que les unités non japonaises n’impressionneraient pas Staline.
C’est peut-être le moment de mentionner que les alliés du Japon sont très bien représentés dans ce jeu, bien plus que dans toutes nos versions précédentes.
Une nouvelle fonctionnalité a été ajoutée à Strategic Command : American Civil War qui s’est également avérée utile ici, à savoir la possibilité d’avoir des pays représentés sur la carte sans capitale visible, ce qui nous a permis de représenter pleinement les alliés du Japon d’une manière qui n’était pas possible auparavant.
Ils ont fourni beaucoup de main-d’œuvre, même si leurs capacités de combat n’étaient généralement pas très grandes, et le joueur japonais pourra donc également augmenter ses forces de la même manière. Surtout s’il réussit à envahir l’Inde.
5 ) Lynx : J’ai appris que la sortie du jeu a dû être retardée en raison de difficultés liées à l’utilisation du drapeau taïwanais dans le jeu. Ce type d’événement, lié à la situation géopolitique actuelle, intéresse les wargamers qui sont nombreux à suivre l’actualité internationale.
En effet, et toute cette situation a été plutôt frustrante pour nous car le jeu était prêt à sortir, nous l’avions soumis à Matrix Games et quelques jours avant sa date de sortie, nous avons appris que Steam refusait de le mettre en ligne à moins que nous ne changions certains drapeaux contenus dans le jeu.
Comme nous avions utilisé des drapeaux historiques pour les factions en question, cela a d’abord créé un dilemme, avant que nous n’options pour un nouveau design – ce qui a nécessité quelques heures de travail avant que le jeu ne puisse être soumis à nouveau à Steam pour examen. Ils ont maintenant approuvé la refonte, et nous sommes donc prêts à sortir le jeu le jeudi 18 juillet.
6 ) Lynx : Je suis un grand fan de la série Stratégic Command et je ne manquerai pas la version Pacifique. J’aime beaucoup avoir des pions qui révèlent des silhouettes en plus des symboles de l’OTAN. Si ce n’est pas le cas, un patch le permettra-t-il ?
Nous l’espérons vraiment, et nos jeux inspirent généralement d’excellents moddeurs qui se mettent au travail pour créer des pions alternatifs. Nous sommes donc très confiants dans le fait que notre jeu Pacific inspirera des conceptions similaires et merveilleuses !
7 ) Lynx : Quel est votre livre préféré sur ce conflit ?
Il est difficile de n’en choisir qu’un seul, car la guerre du Pacifique présente de nombreux aspects intéressants qui sont généralement bien traités dans différents livres. Alors, plutôt que d’en choisir un, je vais être insolente et en choisir plusieurs !
En ce qui concerne la guerre en Chine, je recommanderais When Tigers Fight : Story of the Sino-Japanese War, 1937-45 de Dick Wilson. Il a été publié en 1982 et est donc un peu dépassé, mais il s’agit tout de même d’une histoire militaire utile et d’une bonne lecture.
En ce qui concerne la guerre en Birmanie, quoi de mieux que les mémoires de Bill Slim, Defeat into Victory, qui raconte son rôle en tant que commandant de la 14e armée. Il ne s’agit pas d’une histoire complète de la guerre en Birmanie, mais il est si bien écrit et donne une vision de l’intérieur de « l’armée oubliée » qu’il mérite vraiment d’être lu.
En ce qui concerne les combats dans le Pacifique, il y a deux ouvrages que j’ai lus récemment pendant la conception du jeu et que j’ai trouvés très instructifs et stimulants.
Le premier est The Pacific War : The Strategy, Politics, and Players That Won the War (La guerre du Pacifique : la stratégie, la politique et les acteurs qui ont gagné la guerre) de William B. Hopkins, et le second est Japanese Military Strategy in the Pacific War : Was Defeat Inevitable (La stratégie militaire japonaise dans la guerre du Pacifique : la défaite était-elle inévitable ?) de James B. Wood. Si les récits de batailles et de campagnes valent toujours la peine d’être lus, pour ce qui est de l’examen des facteurs stratégiques clés, ces deux ouvrages n’étaient pas seulement instructifs et stimulants, mais ils se concentraient aussi exactement sur le bon niveau pour la conception de ce jeu.
8 ) Lynx : Merci pour votre temps Bill, avez-vous une exclusivité, un scoop à révéler aux lecteurs de la Gazette du wargamer ?
Cette semaine, nous avons cherché des idées pour d’autres campagnes, alors peut-être qu’il y aura un DLC. Restez à l’affût !
Pour plus d’informations sur Strategic Command WWII: War in the Pacific, voyez cette fiche sur Steam ou cette fiche chez Matrix Games.
Cet article est ouvert à tous. Vos abonnements sont importants pour que la Gazette du wargamer puisse continuer d’évoluer tout en proposant aussi des articles en accès libre. Pour soutenir le site et son équipe, abonnez-vous.