Battle Academy est un très sympathique jeu de stratégie sur le thème de la Second Guerre mondiale qui s’inspire d’un jeu en flash produit il y a quelques années par la BBC, jeu qui eut un certain succès sur le Web. Slitherine en a repris les bases pour les améliorer afin de réaliser un vrai petit wargame tactique, facile d’accès, offrant des parties rapides et amusantes.
Battle Academy n’est certes pas une simulation, et il n’en a d’ailleurs pas la prétention, mais il comporte des mécanismes et des graphismes nettement plus aboutis que ceux d’un simple jeu en flash, ainsi qu’une grande variété d’unités. Le tout permettant de jouer des scénarios intéressants, particulièrement en multijoueurs (PBEM, avec en bonus une gestion automatique des échanges de fichiers). L’IA n’est toutefois pas inexistante et si, sans surprise, elle ne fera pas le poids face à un wargamer averti, elle conviendra tout à fait pour des débutants.
En solo Battle Academy offre trois campagnes sur les thèmes de l’Afrique du Nord (7 scénarios), de la Normandie (10 scénarios) et des Ardennes (9 scénarios), campagnes jouables uniquement coté Alliés (l’Axe est jouable en multi). L’ensemble est accompagné par un didacticiel et doit se jouer dans un ordre précis, chaque campagne débloquant la suivante une fois finie.
Les règles sont simples mais néanmoins pas simplistes. Battle Academy est ainsi une sorte de wargame tactique light, à mi-chemin entre jeu de plateau et jeu vidéo. Le plateau de jeu est constitué par un damier, qui ne facilite pas toujours les mouvements ni l’appréciation des lignes de vue. De plus, les routes et obstacles (ex : haies) ont ainsi une fâcheuse tendance à être toujours à angles droits. Heureusement, l’orientation des unités se fait aussi au niveau des angles de chaque case, donnant un total de huit directions possibles. Le terrain de jeu est en 3D et semi-destructible, consistant à dire qu’au fur et à mesure de la bataille le décor évoluera et à force de tirer dessus vous verrez bien une maison se démolir. Ambiance visuelle garantie. Toutefois, cette destruction n’affecte a priori pas les paramètres du jeu. Le bonus en défense dans un bâtiment ne change pas. Impossible de faire un trou dans une haie par exemple, pour permettre à votre infanterie de se frayer un passage. Selon les cartes, les obstacles forment donc des couloirs qu’il faudra emprunter, obligatoirement.
Niveau graphisme, Slitherine a fait le choix d’une ambiance bande-dessinée. Le style comme la modélisation des unités n’est néanmoins pas trop caricatural et le résultat s’avère globalement réussi (voire même plutôt soigné). L’interface est d’ailleurs très intuitive, à quelques détails près mais qui n’affecte pas le gameplay. Ce choix graphique confirme l’orientation du jeu vers un public jeune ou néophyte, généralement peu enclin à jouer à un wargame pur et dur. Heureusement, du fait de règles bien pensées dans la majeure partie des cas, Slitherine n’a pas négligé pour autant les wargamers qui trouveront ici dans le mode multijoueur la possibilité de faire des parties rapides et, fonction de l’adversaire bien sûr, qui peuvent devenir très intéressantes.
Évidemment pour un wargamer accompli la campagne solo ne fera pas un pli. Elle n’est pas inintéressante, et s’avère même ardue par moment, juste, l’IA du mode solo comme toute IA n’offre pas un degré de subtilité capable de retenir longtemps l’attention d’un joueur expérimenté, d’autant plus dans un jeu ne se voulant pas être une simulation. Mais ce que Battle Academy perd en terme de précision dans la simulation, il le gagne en terme d’amusement et de facilité à s’affronter sur ce qui ressemble par moment à un échiquier avec des pièces à l’effigie d’unités de la Seconde Guerre mondiale. Il ne s’agit pas de dire que Battle Academy singe le jeu d’échec, non. Mais on y retrouve dans une certaine mesure un plaisir similaire et donc aux antipodes de celui procuré par un STR.
L’une des richesses du jeu se situe au niveau de la diversité des unités jouables. Les camps en présence sont l’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre et les États-Unis. La France devrait bientôt faire son apparition dans le jeu, qui devrait d’ailleurs aussi être traduit en français dans les prochains mois.
Pour chaque camp vous aurez plusieurs types d’unités d’infanterie (i.e. troupe de base, reconnaissance, élite, paras, lance-flammes, panzerschrek, mortiers, MG 34, MG 42, Cal .50, …), ainsi que des blindés lourds ou légers (avec comme pour l’infanterie un vaste panel d’engins). Puis viennent les transports (camions et autres halftracks), et les canons anti-chars ou anti-aériens. Les camions sont très pratiques et précieux, car certaines unités (ex : mortier, mitrailleuse lourde ou canon anti-char) ne peuvent se déplacer qu’avec un camion. Cette règle contraignante force à bien penser son placement de départ, et à garder un véhicule de transport de troupe en réserve.
L’un des défauts des camions est qu’il sont parfois utilisés pour attirer le tir de l’adversaire. En effet, lors de son tour de jeu, l’ennemi bénéficie d’un tir de réaction (ou d’opportunité). L’idée est plaisante, sauf quand un joueur décide de sacrifier ses camions pour « épuiser » les tirs de votre défense. Les camions seront quasi à coup sûrs détruits, mais généralement les blindés qui suivent peuvent passer sans aucun risque de subir un tir. Toutefois le nombre de camions étant restreint (3-4 en moyenne), ce détournement des mécanismes du jeu n’est pas trop lourd de conséquence. De plus, revers de la médaille pour le joueur utilisant cette pseudo tactique, il vous donne des XP sur un plateau, ce qui en début de partie est un joli cadeau.
Chaque unité bénéficie de caractéristiques spécifiques, et réalistes. Du coté allemand, c’est du solide ! Ce degré de réalisme est particulièrement à prendre en compte pour les blindés, dont le blindage et la puissance de feu sont très variables. En outre l’angle de tir est aussi pris en compte. Sachant que la portée des tirs des blindés est limitée à 8 cases, grosso modo, et que la distance est un facteur modifiant les chances de succès, pour avoir une chance sérieuse que vos tirs réussissent, il faut s’approcher de flanc et donc louvoyer entre les obstacles sur le terrain et les lignes de tirs adverses … Plus facile à dire qu’à faire !
Le mécanisme gérant les combats s’avère assez simple, un peu obscur parfois, et surtout très efficace. Simple, car chaque unité à un seuil de moral qui va être réduit par chaque tir subit. Dans le cas d’un blindé, si le tir ennemi perce le blindage, le char peut bien sûr immédiatement être réduit en miettes. Obscur, car il y a de nombreux bonus / malus pris en compte et qu’on ne perçoit que difficilement (ex : expérience , mouvement), ce qui est un choix de la part de Slitherine qui ne souhaite pas ici que la dimension wargame prenne trop le pas sur le coté ludique. Efficace, car plus le moral d’une unité diminue, plus il y a de chance qu’elle batte en retraite ou se rende à l’ennemi (si celui-ci est sur une case adjacente).
Au sujet du mouvement de retraite, on regrettera l’absence de marche-arrière, faisant que systématiquement l’unité fasse demi-tour sur place et donc expose son arrière, partie au blindage souvent très faible, aux tirs adverses.
Un autre défaut du système de mouvements est la possibilité d’avancer pour tirer puis de repartir se mettre à couvert (dans la limite de vos points d’actions restants, bien entendu, donc des différents coûts en points de mouvement du terrain). Heureusement, un blindé en mouvement reçoit un malus aux tirs, et donc si vous avez préalablement bien positionné vos forces, celles-ci auront de meilleures chances au niveau des tirs de réactions face aux blindés avançant, tirant, et s’enfuyant immédiatement. Notons aussi qu’une unité n’ayant pas tiré pendant le tour précédent reçoit des tirs de réactions supplémentaires (1 ou 2).
Chaque adversaire rechignant à laisser ses véhicules à découvert face à l’ennemi, ce principe (tactique shoot and scoot en anglais) donne lieu, particulièrement sur certaines cartes, à des mouvements répétitifs type un pas en avant, deux pas en arrière, et deux obus entre deux. Sauf malchance (un tank s’embourbant alors qu’il allait reculer), il vous faudra donc appeler un soutien aérien, ou entamer une manoeuvre de contournement pour « débloquer » la situation. Ou attendre que les tirs finissent par amoindrir le moral des tanks pour que l’aspect « guerre de tranchées derrière les haies » ne soit plus qu’un étrange souvenir.
Le système de jeu permet d’effectuer diverses combinaisons, comme par exemple pilonner un bâtiment avant de lancer une unité d’infanterie à l’assaut pour capturer la position. De manière générale, les choix à votre disposition sont nombreux et variés. Niveau mouvement, vous pouvez soit opter pour une avance rapide, soit pour une avance « prudente » (« hunt » ; pratique pour infiltrer les lignes ennemies et révéler les unités adverses). Dans le premier cas sachez que si vous subissez un tir d’opportunité, vous perdrez tous vos points de mouvements / actions, et resterez donc au beau milieu des lignes de tirs ennemies. Vous pouvez aussi choisir de ne pas déplacer une troupe, la forçant à rester caché (permettant une future embuscade par exemple).
Selon le type de terrain que vous occuperez, l’infanterie recevra un bonus défensif de couverture. Selon les cartes, vous trouverez forêt, fermes, maisons, églises, sac de sables ou même bunkers. Les positions en hauteur, telles les collines offrent pour leur part un bonus de dissimulation, empêchant de voir une unité s’y trouvant tant qu’elle ne tire pas, ou qu’on ne s’approche pas aux pieds de la colline. On notera aussi que vous pouvez tirer en aveugle, soit faire un tir de suppression sur une case où vous suspectez que se cache une unité d’infanterie ennemie. Si votre tir réussi et qu’il y avait en effet des soldats cachés, vous entendrez les cris des blessés.
Au fur et à mesure des combats, vos unités victorieuses gagneront de l’expérience. Il est très regrettable que le jeu n’explique pas du tout en quoi consiste les différents bonus que l’on gagne au fur et à mesure. Certains sont flagrants, particulièrement les capacités spéciales, d’autres quasi invisibles, comme les premiers bonus, consistant en un gain en moral a priori.
Les capacités spéciales viennent agréablement pimenter le jeu. Vous verrez apparaître par exemple un sniper pour l’infanterie (touche à coup sûr un soldat adverse, mais consomme tout les points d’action), l’écrasement pour les tanks (overrun, rouler sur l’infanterie ennemie !), ou encore le tir visé (tir supplémentaire avec un bonus au toucher).
De fait, pour prendre l’avantage sur un adversaire, il est utile de développer au mieux ses unités, donc de protéger celles expérimentées quitte à en sacrifier une autre. Ce qui induit d’ailleurs une sorte de petit défaut de gameplay, à savoir que dans certains cas il vaut mieux tirer sur une unité peu dangereuse (un camion, de l’infanterie agonisante), afin de l’éliminer pour gagner un bonus en XP, au lieu d’avancer ou de s’occuper d’autres unités. Évidemment, le gain n’est pas garanti (les points d’XP sont cachés), et pendant ce temps vous laissez un peu de répit à l’adversaire. Mais si vous parvenez à rapidement monter une unité en expérience, vous aurez un atout important avec vous.
L’expérience se gagnant assez facilement, elle influe donc beaucoup sur le déroulement d’une bataille et permet certains retournements de situation. Mais heureusement, les cartes étant relativement limitées en taille, comptant en moyenne autour d’une vingtaine d’unités, l’expérience ne vient pas déséquilibrer le déroulement d’un match (une unité d’élite ne suffit pas à elle seule à arrêter un trop grand nombre d’ennemis). Comme pour les autres mécanismes du jeu, Slitherine est parvenu à trouver un équilibre si ce n’est parfait, du moins satisfaisant.
Battle Academy est aussi fourni avec un éditeur de cartes permettant de créer facilement de nouveaux scénarios (y compris en solo avec la possibilité de scripter des évènements). Ce programme est assez facile à utiliser et devrait donner lieu à de nouvelles batailles. Slitherine va étoffer petit à petit les décors disponibles afin de varier ou personnaliser un peu plus vos créations, la base actuelle de décors étant correcte mais un peu limitée quand même.
Autre point fort du jeu, son mode multijoueur. Actuellement seul le mode PBEM à 1 contre 1 est disponible (le mode siège tournant – hotseat – devrait arriver prochainement), et il s’appuie sur le serveur mis en place par Slitherine pour Field of Glory, qui permet de gérer de manière transparente les échanges de fichiers (le défaut récurrent du PBEM). Vous jouez votre tour, et le serveur se charge de le récupérer, prévenir votre adversaire, et de lui expédier le fichier quand il se connectera. Simple, pratique et efficace
On regrettera toutefois de ne pas connaître au début d’un match les forces ennemies en présence. Ceci dit, la première phase de mouvement permet de voir, non pas les mouvements ennemis, mais les unités activés par l’adversaire. En général on se fait facilement une idée de ce que l’on va affronter et les premiers tirs ayant souvent lieu lors du second tour, le premier fait surtout office de phase de déploiement.
Actuellement le jeu propose sept cartes multijoueurs (voir screenshots ci-contre) : Along the Road, Bocage village et Uphill pour la Normandie ; Close Combat et Winter Village pour les Ardennes ; Desert encounter et Capture the fort pour l’Afrique du l’Afrique du nord. Dans un avenir proche, de nouvelles cartes et décors devraient être disponibles. Une démo et probablement aussi un système de classement suivront bientôt.
Chaque camp dispose en moyenne d’une vingtaine d’unités, un panache d’infanterie et de blindés, puis généralement d’un bonus spécial, comme un soutien aérien. L’ordre de bataille est figé, mais cela pourrait changer à l’avenir avec l’ajout d’une option pour acheter certaines unités. Pour l’instant l’objectif d’un match en multijoueur est simplement d’éliminer son adversaire (ou de le pousser à se rendre), mais par la suite des cartes avec des objectifs spéciaux devraient apparaître.
En conclusion
Battle Academy est une très bonne surprise. Il conviendra tout à fait à des débutants et offrira aux vétérans des parties en multi assez prenantes. Les graphismes façon BD sont originaux et soignés, évitant de tomber dans la caricature. Les musiques sont agréables, un peu répétitives certes, et les voix sont très bien faites. Les mécanismes bien pensés laissent une bonne marge de manoeuvre aux joueurs pour essayer différentes tactiques jusqu’à trouver celle la plus adaptée. Slitherine ayant annoncé que Battle Academy n’en était qu’à ses débuts, et que de nombreuses surprises étaient encore prévues, voici qui augure de nombreuses d’heures d’amusements avec un jeu à la fois simple et subtil qui ne devrait pas manquer de plaire à beaucoup de gens. Fussent-ils joueurs occasionnels ou wargamers avertis.
- Gameplay simple, amusant et efficace.
- Mi jeu de plateau, mi wargame.
- Très bon système pour les PBEM.
- Joli graphismes et sons.
- Éditeur de cartes.
- Pas d’hexagones !
- Manuel très incomplet.
- Musique répétitive.
Date de sortie : 7 août 2010
Éditeur / Studio : Slitherine Strategies – Matrix Games
Site officiel : fiche du jeu chez l’éditeur
Configuration requise : Windows XP/Vista/7 ; Intel P4/AMD Athlon XP ou mieux ; 512Mb of RAM (1GB pour Vista) ; Carte graphique 128Mb DirectX 9 Compatible ; Carte son DirectX Compatible
A lire aussi en complément nos articles : Test de Battle Academy : Blitzkrieg France et Test de Battle Academy – Operation Husky.
NDLR : article publié sur Cyberstratège en 2010. Depuis sa sortie le jeu a reçu de nombreuses mises à jour et extensions améliorant encore la formule.
Je me disais aussi qu’il n’était pas récent. Il faudrait que je reteste pour voir.
Il commence à dater un peu en effet mais avec les patchs et les extensions c’est devenu un chouette petit jeu. Il devrait aussi y avoir du nouveau avec Battle Academy 2 dans quelques mois.
Félicitations à la personne qui a écrit cet article très intéressant et bien illustré. Je suis d’accord sur tous les points cités.