En cette fin d’année, le prolifique Europa Universalis IV nous revient, avec une extension au  titre très évocateur : The Cossacks. Les cosaques, soit ! Fiers soldats de la steppe ukrainienne et russe, hommes libres et ombrageux, tiraillés entre Ottomans, Polonais et Russes… Alléchant programme. Sur le papier, on peut donc s’en réjouir, ils sont rarement évoqués hors de la fameuse série Cossacks, dans le registre elle des STR et qui reviendra d’ailleurs dans quelques mois sur nos écrans avec Cossacks 3. Voyons ce qu’il en est dans les faits avec cet add-on accompagné comme d’habitude d’un patch conséquent apportant son lot d’améliorations gratuites.

 

Hordes et diplomatie

Le nom de l’extension cache en fait qu’elle revient surtout sur l’Europe centrale et orientale. C’est l’une des régions qui a été le plus revue, et pas les Cosaques uniquement. Historiquement, la période couverte par le jeu (fin XVe siècle – début XIXe ) l’a vue être d’abord dominée par les peuples de la steppe, descendants des envahisseurs mongols, avant qu’ils ne refluent peu à peu sous les coups des Polonais, des Russes et / ou des fameux Cosaques. Or, ce fut très long. Un exemple, le khanat de Crimée, vassal des Ottomans, ne tombe définitivement aux mains des Tsars que dans les années 1780-90 !

Cette présence multiséculaire explique que le système des hordes a été repensé dans le jeu car elles sont une longue réalité. Il faut à présent veiller à maintenir leur unité (nouvelle valeur) en partant en guerre, en conquérant et pillant, sous peine de les voir se décomposer de l’intérieur et les tribus qui les composent se déchirer. Avec le temps et les conquêtes, il est même possible de les transformer en état sédentaire, vérité historique bien plaisante à retrouver dans le jeu. C’est, par exemple, l’origine de l’empire Moghol, que j’évoquais dans un article consacré à Crusader Kings II en août dernier. Notons, enfin, que ces peuples bénéficient désormais de la présence en jeu de la religion Tengri, ajout toujours plaisant.

Au-delà, la diplomatie a été repensée et retravaillée. Il est donc possible de se positionner clairement face aux autres nations, d’affirmer aux autres puissances ce que l’on pense de son voisin belliqueux par exemple, ou de déclarer des relations amicales avec un petit duché que l’on protège. C’est plus clair ainsi et constitue également un bon aide-mémoire, d’autant plus que de nouveaux boutons de raccourcis permettent de voir plus rapidement ce que pensent les autres de vous, base pour tout projet diplomatique. On peut aussi désigner telle ou telle province comme « lieu d’intérêt » pour son État, et ainsi amener de nouvelles options avec ses ennemis et alliés, pour s’en emparer. On saluera ce travail de clarification assez utile, mais qui n’est pas sans introduire de la micro-gestion supplémentaire.

Les provinces et les ordres

Par ailleurs, The Cossacks est aussi l’occasion de se replonger dans la gestion des provinces. Après des ajouts en termes de bâtiments, d’autonomie, des possibilités pour les Républiques marchandes… Nous avons à présent l’arrivée des ordres, qui représentent peu ou prou les trois composantes influentes des sociétés de l’Europe de l’époque moderne, c’est-à-dire entre le Moyen-âge et la période contemporaine, avec des variantes dans d’autres sphères culturelles. Nous retrouvons donc le clergé, la noblesse et les bourgeois, qui changent de nom suivant le pays, c’est appréciable : les nobles sont par exemple les « boyards » en Russie.

Bien sûr, en réalité le terme « ordre » est plus compliqué et le tiers-état français comptait par exemple tous les non-religieux et non-nobles, c’est-à-dire autant le riche bourgeois de Paris que le pauvre journalier du Cher. Le jeu simplifie, mais c’est normal car on ne peut (ou ne veut) pas tout représenter. Toujours est-il que cette arrivée est la bienvenue et permet de jongler un peu plus entre les différentes composantes qui se partagent le pouvoir et l’influence dans les pays de l’époque traitée par Europa Universalis IV. Ainsi, chacun de ces ordres, suivant son influence et sa loyauté, accorde des bonus ou malus à votre pays.  Ils vont donc vous demander de satisfaire leurs requêtes, d’avoir le contrôle de telle ou telle province. Il s’agira donc de maintenir l’équilibre entre les trois factions, sous peine de graves déconvenues, de révoltes etc. Je pense à la Fronde par exemple, grande révolte noble et parlementaire au début du règne de Louis XIV.

Si cela est intéressant, deux choses me plaisent moins : un mauvais affichage de certains textes lors des décisions prises les concernant, et qui amènent des malus contrairement à ce qui est affiché à l’écran (voir captures d’écran)… Deuxièmement, la modélisation est assez peu réaliste : aucune province n’était totalement « dirigée » par les clercs, les nobles ou les bourgeois, et leur influence pouvait être à la fois plus nationale, ou plus directement locale (village, ville etc). D’ailleurs, dans les campagnes, l’importance du noble le disputait à celle des moines et des curés. Et si les grandes villes comptaient plus de  « bourgeois » (le terme ne veut pas dire grand-chose au final), la puissance de la hiérarchie de l’Église et de la haute noblesse ne peut être oubliée. Tout cela pour dire qu’une modélisation au niveau national uniquement, avec plus de possibilités à ce sujet me paraît plus réaliste.

Europa Universalis IV - The Cossacks
Les trois ordres en France et les nouvelles possibilités qu’ils offrent.
Europa Universalis IV - The Cossacks
En cas de déloyauté de l’un ou plusieurs d’entre eux, la sanction peut être grave.
Europa Universalis IV - The Cossacks
Les ordres vont vous demander des provinces, sous peine de devenir déloyaux. Contre un regain d’autonomie, celles-ci bénéficieront de bonus sympathiques.

 

Europa Universalis IV - The Cossacks
Contre des points de diplomatie, il est écrit que l’ordre en question va GAGNER 15 points de loyauté…
Europa Universalis IV - The Cossacks
Comme vous le voyez, c’était mensonger, et il y a un petit souci à ce niveau.

Il reste que ce système a le mérite d’exister et d’accroître les possibilités de jeu.  D’ailleurs, les fameux cosaques constituent un autre ordre dans certains états comme la Zaporoguie, pays des cosaques libres, le mot signifiant « au-delà des rapides », sous-entendu du Dniepr. Évidemment, « coincé » entre des puissances très importantes comme la Pologne-Lithuanie (orthographe de l’époque) ou l’Empire ottoman, jouer un tel état risque de n’être pas simple. L’échelle du jeu s’y prête assez mal et c’est dommage, vu le soin qui y a été apporté : notons, par exemple, des raffinements graphiques nouveaux pour lesdits cosaques. Celui qui m’a plus sauté aux yeux est l’illustration de l’extension elle-même, qui reprend un tableau très connue de Répine : Les Cosaques zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie (cf. image en en-tête ou cet article sur Wikipédia). Ailleurs, enfin, on pourra par exemple retrouver les dhimmi, c’est-à-dire les Juifs et les Chrétiens, autorisés à poursuivre la pratique de leur religion dans certains états musulmans, contre le paiement d’un impôt (djizîa). Là encore, les voir « contrôler » toute une province est assez irréaliste. Certes, on pourra dire que je chipote.

Le patch 1.14 et les ajouts généraux

Selon une formule désormais bien rodée, le jeu se voit gratifié d’un nouveau patch (cf. ce changelog), qui corrige des bugs et fluidifie certains aspects du jeu, mais apporte lui aussi des ajouts, donc gratuits. Ainsi, pour ceux qui ont acheté l’extension Conquest of Paradise (voir cet article), le système de nouveau monde aléatoire (optionnel) a été repensé, et, pour tous, il en est de même pour l’option de création d’un pays, apparu avec le DLC El Dorado (voir cet autre article) en février dernier.

Outre d’autres nouveautés sur la culture et le commerce avec les colonies, on notera enfin l’apparition d’une  donnée sur laquelle je suis sceptique (encore !), et qui convient bien plus à l’époque des Victoria, soit le 19e siècle. Il s’agit du « revanchisme », soit volonté de récupérer certaines provinces (avec des bonus en termes de jeu) à la suite d’une guerre dont le résultat est estimé comme injuste. Le meilleur exemple qui me vienne à l’esprit est le cas de l’Alsace-Moselle, perdue en 1871, et objet de mécontentement parfois très fort pour une partie de l’opinion française jusqu’à son retour, en 1919.

Or, avec Europa Universalis nous sommes dans une autre époque, et si l’idée de nation se structure peu à peu dès la fin du Moyen-âge, s’il y a des exemples de « pré-patriotisme », surtout en fin de période, puis une structuration avec la Révolution et l’Empire. Cette donnée me paraît un peu anachronique pour le jeu : certes, les gouvernements et les élites avaient la volonté de récupérer certains territoires perdus, je songe à la guerre de Cent Ans notamment… Mais pour beaucoup de populations, changer de maître ne signifiait pas la même chose qu’au 19e et au 20e siècle, et parfois rien. Les soldats de « son » armée étaient parfois plus craints que les autres.

Je me permets d’insister car ce n’est pas la première fois que la série connaît ces petits « défauts » : n’oubliez pas qu’on peut construire le canal de Suez ou de Panama dans le jeu ! Là encore c’est marcher sur les plates-bandes de Victoria, car ils datent respectivement de 1869 et de 1914, avec des travaux débutés en 1882 avec les grandes difficultés que l’on sait, même pour l’époque…

Europa Universalis IV - The Cossacks
On peut désormais définir son attitude vis-à-vis des autres pays. Attention à ne pas s’y perdre.
Europa Universalis IV - The Cossacks
Un nouvel effet, me semble-t-il, plutôt sympathique.
Europa Universalis IV - The Cossacks
Un ordre particulier pour la Zaporoguie, les cosaques.
Europa Universalis IV - The Cossacks
Il est désormais possible d’adopter une politique générale vis-à-vis des populations locales lors des colonisations.
Europa Universalis IV - The Cossacks
L’unité de la horde, attention à cette valeur.
Notes
Multimédia
60 %
Interface
80 %
Gameplay
70 %
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test-de-europa-universalis-iv-the-cossacksGraphismes : je suis sévère car, si les ajouts sont sympathiques, ils ne sont pas tous déblocables avec cette extension. Comme je le disais, il faudra rajouter huit euros pour tous les avoir !<br /> Interface : toujours aussi efficace, de nouveaux boutons bien utiles.<br /> Intérêt du jeu : de nouvelles mécaniques sympathiques, plutôt nombreuses, mais pas forcément adaptées à l’époque ou trop proche des idées reçues sur l’histoire.<br /><br /> Au final, on se retrouve à nouveau avec un contenu supplémentaire utile, quelques ajouts bienvenus sur des peuples moins représentés dans le monde du jeu vidéo… Mais à mon sens les nouveautés sont trop éparpillées et pas si révolutionnaires que cela, voire un peu anachroniques ou tronquant trop la réalité. Elles agrémentent certes les parties, mais donnent moins envie d’en refaire qu’avec de précédentes extensions. Avec 130 heures de jeu au compteur, je commence à avoir fait le tour, et les 20 euros demandés pour le DLC restent toujours en travers de la gorge… Surtout si on rajoute les 8 euros supplémentaires pour le DLC Cossacks Content Pack qui permet réellement de bénéficier de toute l’ambiance. Par contre, si vous n’y avez pas joué depuis longtemps et avez rajouté quelques DLC depuis vos dernières parties, vous allez sans conteste apprécier l’expérience tout de même renouvelée avec The Cossacks. Pour en savoir plus sur eux, on peut se reporter au synthétique Les cosaques de l’historien Iaroslav Lebedynsky.

2 Commentaires

  1. Sur l’anachronisme du canal de Suez, Darius Ier l’a fini après un début lancé par les Pharaons. Il a fonctionné donc de -500 (environ) au VIIIe siècle. Il est question de le creuser de nouveau au XVe et XVIe siècle.

    • Certes, et les Romains ont pensé au canal de Corinthe, et Riquet a fait « le canal des deux mers » pour Louis XIV… Mais vous imaginez un seul instant un vaisseau de 74 canons emprunter un seul de ceux-ci ? Toutes ces voies, finies ou non, n’ont jamais eu l’ampleur de ce que nous propose le jeu (faire passer des flottes) car les moyens techniques ont manqué, je le maintiens, jusqu’à l’ère industrielle.

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