Le temps passe et les extensions d’Europa Universalis IV se succèdent, s’attachant chacune à développer quelques points précis que le jeu de base avait laissés peu détaillés. Cette fois, Rights of Man, qui est la neuvième majeure du titre, souhaite revenir sur les personnalités des dirigeants et commandants et renforce l’intérêt des grandes puissances, tout en promettant d’autres ajouts. Notons aussi, selon un procédé devenu habituel, la sortie du patch 1.18 en même temps qu’elle, ainsi que de DLC mineurs avec des options graphiques dont je reparlerai plus bas. Voyons donc ce qu’on nous propose !
Un rapprochement avec les autres jeux du studio
La première chose que je me suis dite en débutant le jeu avec cette nouvelle extension a été un peu la suivante : « Tiens, les développeurs ont pris des caractéristiques des autres jeux du studio pour les mettre dans Europa Universalis IV ». En effet, ceux qui ont joué à Crusader Kings II connaissent les détails toujours plus précis autour des personnages, notamment les dirigeants et leurs familles. Ils développent des traits de personnalité, engendrent des héritiers, peuvent tomber malades, être blessés etc. Or, sans aller jusque-là, c’est en partie ce qui se passe maintenant avec Rights of Man : vos ducs, rois et autres empereurs vont développer, selon votre façon de jouer, les traités et les guerres, des caractères qui leur sont propres.
Ceux-ci vont donner des bonus, mais aussi des malus qu’il faudra prendre en compte : qui une capacité à faire baisser l’agitation dans vos provinces, qui une tendance désinvolte qui va faciliter le travail des espions adverses… Bonne idée, mais pourquoi ne pas avoir alors intégré le système d’éducation des enfants de Crusader Kings II, au besoin en le modifiant, de manière à orienter plus ou moins les futures capacités de son dirigeant. Là c’est encore un peu arbitraire.
De plus, le dirigeant a désormais à ses côtés un prince ou une princesse-consort, bref son époux / épouse qui ne règne pas, mais qui a désormais une influence sur le jeu. Ainsi ce personnage engendre des nouveaux évènements lors des parties, comme des contacts avec les autres familles régnantes du jeu, a ses propres traits de caractère, et va aider à diriger lors des régences, ce qui est une bonne chose car ce n’est jamais une période sympathique en termes de jeu. C’est un point crucial qui manquait quand on pense à l’influence très importante de quelques reines-mères lors de la minorité de leur fils. Je pense notamment à l’histoire de France avec les régences de Louis XIII et XIV et les personnages qu’ont été Marie de Médicis et Anne d’Autriche.
On aimerait toutefois que ce système de régence soit complètement refondu, notamment car, historiquement, ce n’est pas toujours la mère qui dirige une régence. Je pense là à Louis XV et Philippe d’Orléans. De plus, ce serait intéressant de modéliser la grande force de caractère et l’immense pouvoir de personnes qui ne règnent officiellement pas, comme Catherine de Médicis. Une première approche avait été faite en ce sens avec le DLC gratuit Women in History sorti en 2015.
Notons aussi que, suivant certaines conditions, les souverains peuvent chercher un meilleur héritier, ou choisir d’abdiquer en faveur de leur progéniture. Ce n’est pas une mauvaise chose s’ils sont trop âgés et que leur successeur potentiel le devient aussi, ou que leurs capacités sont médiocres. Attention, toutefois, aux malus que cela génère !
Notons, enfin, que, comme dans la série Hearts of Iron, les commandants d’unités acquièrent des traits au fur et à mesure de leurs batailles. C’est-à-dire des bonus liés à leurs engagements. C’est très appréciable, même si ces chefs ne durent pas forcément très longtemps dans un jeu qui couvre des siècles.
Bref, Rights of Man reprend de très nombreuses caractéristiques présentes depuis un certain temps déjà dans les autres titres de grande stratégie de chez Paradox, avec plus ou moins de bonheur et d’adaptations réussies. On pourrait parler de solution de facilité, mais cela n’est pas déplaisant à jouer, et on va voir plus bas que Victoria a aussi inspiré certaines choses.
Régimes politiques et grandes puissances
Ainsi, un peu à la manière de Victoria II, le jeu distingue entre grandes puissances et autres États. C’est-à-dire que les pays les plus puissants lors des parties vont bénéficier d’options diplomatiques supplémentaires. Ils pourront notamment influencer les États de second rang (là encore, cela rappelle Victoria II et ses sphères d’influence) contre de l’argent et du temps, et ainsi les rapprocher de soi.
Il est aussi possible de rentrer dans une guerre qui implique une autre grande puissance, ce qui permet notamment de surveiller un rival un peu trop ambitieux. On songe là à la France de Louis XIII et Richelieu, intervenant dans les conflits religieux allemands, et aux côtés des protestants ! Bel exemple de realpolitik de la part du « roi Très-Chrétien », comme on appelle alors l’hôte du Louvre puis de Versailles.
Ce point précis est d’ailleurs modélisé assez bien dans le jeu. Par contre, en tant que joueur, on peut aussi avoir de mauvaises surprises et se retrouver face à une coalition ingérable. Toujours est-il qu’un nouveau bouton permet de vérifier le score des grandes puissances ainsi que leur liste, à surveiller régulièrement si vous êtes proche d’être dépassé par quelqu’un d’autre.
Une attention a aussi été apportée à de nombreux régimes politiques et à certains pays comme la Prusse, dont le patch 1.18 porte d’ailleurs le nom. Considéré comme l’État martial par excellence au 18e siècle, avec la figure de Frédéric II, présent dans la jaquette de l’extension, il faisait dire au tribun révolutionnaire français Mirabeau : « ce n’est pas un pays qui possède une armée, c’est une armée qui possède un pays ».
Quoi qu’il en soit, et s’il faut toujours prendre ce genre de citations avec des pincettes, cela n’en est pas moins en partie vrai et le jeu propose notamment une nouvelle valeur à prendre en compte lorsque l’on incarne la Prusse, le militarisme. Il peut augmenter ou diminuer avec le temps et les actions du joueur et amène diverses fonctionnalités. Il est très appréciable que de nombreux pays aient des détails historiques de cette nature lorsqu’on les joue.
Si je ne peux pas tous les citer ici, je reviendrai aussi sur le cas de la Révolution française, qui donne son nom à l’extension avec la très célèbre Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, bien sûr. Or, en jouant la République française, on devra compter avec diverses factions qui la composent, dont les fameux Jacobins. C’est bienvenu car elles étaient assez antagonistes et si le camp fédéraliste l’avait emporté, la France aurait été bien moins centralisée qu’historiquement, pour résumer à très gros traits. A vous de voir ce que vous souhaitez lors de vos parties.
Terminons à ce sujet en disant que l’Empire Ottoman et les pays coptes bénéficient aussi de nouvelles fonctionnalités. Le jeu va donc vers toujours plus de personnalisation des différents pays (conseillers, dirigeants, idées, provinces changeant de noms, les points ce que je viens d’évoquer…) ce qui est très appréciable et renouvelle le plaisir de jeu. On se prend à espérer des unités aux noms et caractéristiques différents selon les puissances jouées, à un système de milice comme la Yeomanry britannique, puis de service militaire pour la fin du jeu.
En effet le volet guerrier reste à mon sens encore peu convaincant sur de nombreux points et je maintiens cela malgré une déclaration récente des développeurs à ce sujet, affirmant qu’il n’y aurait pas de grands changements dans ce domaine et qu’il était en l’état « satisfaisant ».
Outre le fait que les unités soient génériques selon les aires géographiques et qu’il n’est pas possible de vraiment créer sa propre manière de faire la guerre (certes, il y a des doctrines et technologies)… je vois encore beaucoup de jeu de « chat et de la souris », soit courir après les unités ennemies de province en province. Moins qu’avant avec le nouveau système de forteresses qui empêche l’accès à certains endroits si l’on a pas fait de siège en règle, mais cela reste présent.
Enfin, on a seulement le choix entre infanterie, cavalerie et artillerie… Sans aucun autre détail. C’est-à-dire bien moins que dans les autres jeux de Paradox où les unités sont plus variées. Europa Universalis est certes moins centré sur le militaire qu’un Hearts of Iron, mais tout de même.
Les ajouts du patch
Hormis les corrections et optimisations habituelles, ainsi que des nouveautés de moindre importance comme de nouvelles idées nationales… ils concernent deux principaux axes et sont loin d’être anodins.
Il s’agit donc des avancées technologiques et de la gestion des cultures qui composent votre pays. Pour le premier point, un nouveau système fait donc son apparition : les institutions. Il remplace plus ou moins les groupes technologiques malgré son nom trompeur. En effet, si le terme « institution » est assez précis en histoire ou en droit (« les institutions de la République, les institutions européennes etc.), là il désigne des inventions, des courants de pensée déterminants pour l’époque couverte par le jeu.
Je m’explique : à une certaine date l’imprimerie va être découverte quelque part, ou ce courant de pensée qu’on nomme les Lumières. Ensuite, cette « institution » va se diffuser autour de son lieu d’apparition et une fois que toutes les provinces d’un pays la connaîtront, elle pourra peut être adoptée contre de l’argent. Cela donne des bonus et, surtout, permet de ne pas accumuler de retards technologiques : plus on attend pour l’adopter et plus le malus technologique sera grand, jusqu’à 50% au maximum.
Si cette idée de diffusion de la technologie et de la pensée est plutôt bonne et fait penser à Crusader Kings II, je ne suis pas convaincu par le reste… Historiquement je vois mal un roi payer pour « adopter » officiellement la Renaissance, les Lumières ou l’imprimerie.
Que les dirigeants aient essayé de ne pas être en retard dans la course technologique, de se montrer comme des protecteurs des arts et des lettres, bien sûr, mais cela est assez mal modélisé à mon sens dans ce patch, et semble un peu artificiel. De plus, cela coûte parfois très cher. Référez-vous aux captures d’écran pour plus de détails.
Notons, à côté de cela, une refonte du système de cultures. Rappelez-vous : si vous détenez des provinces habitées par des populations n’ayant pas la culture de votre État, ou une culture acceptée, celles-ci connaissent des malus importants, notamment financiers. Jusque-là, des cultures étaient acceptées un peu par hasard, par évènements, et l’on pouvait dépenser des points diplomatiques pour les changer.
Si cela est toujours possible pour le second point, on gère désormais les cultures acceptées ou non par un nouvel onglet. La gestion est plus pratique, permet de choisir lesquelles mettre en avant ou non, et ce suivant des limites fixées par les doctrines et la technologie. Cela fonctionne plutôt bien et évite certains problèmes passés comme des cultures acceptées qui, du jour au lendemain, par décision arbitraire de l’IA, ne l’étaient plus.
Bref, un contenu important et qui va continuer à augmenter dans le futur. Notez donc l’arrivée prochaine du patch 1.19 et nommé « Denmark », notamment car il apportera des fonctionnalités supplémentaires pour ce pays intéressant à jouer : une carte et des unités revues par exemple.
Enfin, à côté de tout cela expédions un très dispensable Rights of Man Content pack, qui offre des visuels supplémentaires pour des unités d’Europe centrale et d’Afrique, le tout pour 6 euros. On aurait apprécié, comme toujours, que ce soit gratuit, surtout que l’on zoome rarement assez près pour voir le détail de ses troupes. Ne soyons toutefois pas mauvaises langues car le patch 1.18 apporte justement un DLC graphique gratis et intitulé Europa Universalis IV: Evangelical Majors Unit Pack, à télécharger manuellement par Steam. Lui aussi rajoute des visuels pour huit unités de nations européennes (Suède, Brandenbourg / Prusse et France).