Kalypso nous propose un nouveau volet de sa simulation de république bananière, le cinquième au compteur. La série a donc déjà bien exploité le thème, et l’on avait vu avec Tropico 4 qu’il est devenu difficile de présenter suffisamment de nouveautés pour renouveler l’envie de se plonger dans l’univers d’El Presidente. Les développeurs ont cette fois-ci sorti le grand jeu : extension massive de la période de jeu avec un début se situant à la fin de l’ère coloniale, refonte en profondeur des mécanismes économiques, dynasties présidentielles, et une multitude d’autres changements.
Le petit caillou qui servira de socle à votre état paradisiaque a toujours sa forme caractéristique lors de votre prise de fonction. Une ou deux fermes, quelques taudis mal entretenus, et un splendide palais présidentiel datant de l’ère coloniale. La différence, c’est qu’il ne vous faudra plus d’abord convaincre les habitants de l’île de vous réélire, mais qu’il faudra faire quelques courbettes devant le représentant de Sa Majesté pour voir allonger votre mandat de gouverneur de Tropico. Sa Majesté daignera vous imposer quelques taxes et ne sera pas regardante sur les autres aspects du gouvernement. Vous aurez donc les mains libres pour organiser l’indépendance du pays, et passer à la prochaine ère.
Les ères suivantes ressemblent à ce que l’on connait de Tropico, à savoir des élections plus ou moins truquées pour confirmer votre fonction de Presidente, et un monde en proie à des conflits où vous jouerez un rôle ridicule, mais qui décideront du futur de votre île. Le contexte « guerre froide » est précédé par celui des guerres mondiales, qui offre de belles opportunités de commerce, mais vous plongera également dans des dilemmes diplomatiques.
Le commerce, parlons-en, est devenu plus détaillé. Les docks indiquent, en plus de la valeur des exports en attente d’être embarqués, les quantités et la nature des biens stockés. Il sera ainsi plus facile de voir où se trouvent les excédents de votre économie, et en déduire quelles industries pourraient être profitables sur votre île. Chaque dock fournit également un navire de commerce, qui pourra être assigné à des routes de commerce plus lucratives que la moyenne. Des bonnes relations avec une ou plusieurs grandes puissances vous offriront des routes de commerce exclusives et extrêmement profitables.
L’âge d’or du commerce est l’ère moderne, où les conflits diplomatiques ne sont plus aussi brûlants et où le nombre d’acteurs sur la scène internationale augmente. On trouvera à côté des États-Unis et de la Russie également la Chine, le Moyen-Orient, et l’Union Européenne. Les ères précédentes se concentrent sur les principaux belligérants : axe et alliés, États-Unis et Union Soviétique.
D’une manière générale, il est dangereux de se lier étroitement à une alliance étrangère. Les invasions sont possibles, et votre armée aura bien du mal à faire face à une invasion d’ampleur. La gestion des armées est plus importante que dans les opus précédents. Chaque caserne ou fort abritera un peloton de soldats, et chaque base une unité de blindés. Les rébellions et les invasions donneront à vos troupes l’occasion d’affronter les trouble-fête, les choix tactiques seront néanmoins basiques et se limiteront à l’emplacement de vos installations militaires.
Les ères plus avancées vous permettront de placer un porte-avions de pacotille devant vos côtes pour offrir un appui aérien à vos hommes, et un programme nucléaire fera réfléchir à deux fois une grande puissance qui vous en veut avant d’envahir votre île. L’équipement de la troupe doit lui aussi être maintenu à jour, une affaire très coûteuse. Notons que vos généraux vous pousseront à partir de la guerre froide à titiller les Nations Unies, ce qui peut avoir des conséquences graves (ou vous enrichir, selon l’issue, car il est parfois possible de faire chanter la communauté internationale).
L’économie est devenue moins simple à gérer. Augmenter le salaire des travailleurs n’est plus seulement une question sociale, l’efficacité des bâtiments concernés en dépendra. Des gestionnaires individualiseront aussi cette efficacité, tout comme les diverses améliorations qui apparaitront au fil de vos recherches technologiques. De nouvelles industries sont constructibles, et l’importance du secteur primaire a nettement diminué, ce qui vous obligera à planifier une infrastructure économique complexe pour couvrir les dépenses sociales nécessaires pour satisfaire vos habitants.
Une nouveauté moins réussie est la gestion de dynastie. El Presidente pourra envoyer d’autres membres de sa famille en avant lorsqu’il sera las de régner. Hélas, El Presidente est aussi immortel que l’auraient voulu tous les Caudillos de cette planète. 100 ans de règne, 150 ans … aucun problème. L’intérêt d’installer d’autres membres de la famille dans le palais présidentiel est donc très limité.
Plus important sera le choix de votre constitution, qui définira les priorités de votre petite république. La constitution s’étoffe au fil des ères et des découvertes technologiques, ce mécanisme est assez plaisant et plutôt bien pensé. Les édits aussi évoluent aussi de cette manière, et ils ont enfin été revus. Il était temps, car les innovations de ce côté-là étaient rares depuis Tropico 1.
Les choix constitutionnels auraient pu avoir une influence sur l’humeur des diverses factions politiques de l’île, mais il semblerait que Kalypso se réserve d’explorer cette voie plus en détail dans le cadre des inévitables expansions à venir. Le volet politique de Tropico 5 a été simplifié, l’équilibre des factions n’est plus bien important, le résultat des votes découle directement du bonheur de la population. 51% de bonheur vous assureront 51% des voix lors des élections, c’est aussi simple que ça. Plus de magouilles avec les chefs de faction, plus d’intellectuels menaçant votre légitimité politique après un trucage d’élections. C’est très dommage, car ainsi l’économie passe au premier plan, et la politique ne joue plus qu’un rôle mineur.
Un mode multijoueur a également été introduit, et les joueurs participants pourront se soutenir en mettant en commun leur production d’électricité ou en établissant des routes de commerces mutuelles. Bien sûr, les invasions sont possibles elles aussi, et cela devrait rendre très difficile une compétition sur le plan militaire, car l’armée est un gouffre à dollars tout à fait capable de noyer une économie tropiquéenne. Si l’apport du mode multijoueur est appréciable, il faut tout de même constater que Kalypso a du mal à y intégrer un jeu destiné à la base au jeu solo.
Au final, Tropico 5 apporte de nombreuses améliorations, mais déplace un peu les priorités de la série. Le passage d’une ère à l’autre est réussi sur certains aspects (diplomatie, armées, commerce, constitution) et beaucoup moins sur d’autres (économie, politique). La distillerie de rhum du XIXe siècle est toujours aussi rentable en l’an 2000, même sans aucune modernisation, et un suffrage censitaire ne choquera personne au XXIe siècle, pas même vos voisins démocrates. Les innovations sont donc inégales, et si le plaisir de jouer à Tropico est certes renouvelé, il reste encore beaucoup de potentiel d’amélioration. Le jeu donne l’impression de ne pas être sorti d’un moule, les changements ne développent pas vraiment de synergies et sont un peu isolés. Tropico 5 ouvre un nouvel horizon à la série, mais ne s’y engage qu’à demi-cœur. Un jeu plaisant qui reste toutefois en-deçà de ses possibilités.
- Nouvelles périodes de jeu.
- Commerce et diplomatie plus poussée.
- Toujours de jolis graphismes.
- Volet politique simplifié.
- Incohérences entre les ères.
Date de sortie : 23 mai 2014
Éditeur / Studio : Kalypso / Haemimont Games
Site officiel : www.worldoftropico.com
Prix : 44,99 €
N.B. : la version 1.03 est disponible depuis le 18 juin.