Mes premiers essais avec la bêta de l’adaptation PC de ce wargame tactique ont été vraiment décevants. J’ai donc persisté et rejoué plusieurs fois les trois scénarios disponibles pour tâcher de comprendre ce qui n’allait pas. Était-ce moi, ou le jeu ? Ou les deux ?
Était-ce moi qui jouait vraiment si mal ? Par moment oui, fatigue aidant parfois, mais quand même pas tout le temps. Était-ce le jeu, dont le gameplay est pourtant rodé depuis qu’il est sorti en Print and Play il y a plusieurs années ? Dans certains cas oui, mais globalement non. Que l’on apprécie plus ou moins ou non le style de gameplay de Valor & Victory (du ASL très light, si l’on veut), c’est question de goûts, mais dans son ensemble le gameplay du jeu est très correct. Y avait-il quelque chose de buggé, quelque mécanisme invisible qui déraille faisant que j’obtienne des tours de jeu incohérents ? Hmm, buggé, non, je n’ai eu qu’un seul crash et le reste du temps cette bêta fonctionnait bien. Mais, par contre, en persévérant et en y regardant à plusieurs fois…
Bien m’en a pris car finalement, après de nombreux essais à me confronter à un système de jeu souvent ingrat, donc peu amusant, je suis parvenu à faire une très belle partie, et donc à profiter au mieux de ce que devrait offrir à l’avenir cette adaptation PC en chantier depuis 2018.
Pour plus d’informations sur Valor & Victory, dont la sortie est prévue ce 17 juin, voyez cette page chez l’éditeur ou cette fiche sur Steam. Ou encore cette page chez Yobowargames.
Que retenir d’utile pour vous faire une idée sur Valor & Victory par rapport à vos attentes en terme de gameplay.
Tout d’abord, que quand on essaie une bêta, ou un jeu en accés anticipé, quelque soit le jeu on est inévitablement plus confronté à ses défauts qu’à ses qualités. Chacun le sait, c’est compréhensible, le développement du jeu n’est pas terminé.
Il faudra donc bien attendre la sortie de Valor & Victory, particulièrement les premiers patchs, pour se faire une meilleure idée si l’on a un doute.
Cela vu, je suis donc tombé plus rudement que je ne m’y attendais sur un gros écueil qui peut se résumer comme suit : le jeu est rapide à jouer et plaisant, mais dépend excessivement du hasard de nombreux jets de dés.
En effet, au début, je me suis retrouvé dans bien trop de situations où mon camp accumulait les mauvais jets de dès et où l’IA accumulait elle de bons jets de dés. J’avais donc beau essayer de jouer intelligemment, je ratais bêtement. Moi qui avait justement envie de me distraire et me détendre avec un jeu relativement simple, j’obtenais le résultat complètement inverse.
La faute au système de jeu, dont justement l’avantage est la simplicité ? Non, pas exactement. La faute en revient me semble-t-il aux scénarios proposés. Et donc à la taille des cartes et au nombre et types d’unités jouables.
Si inévitablement la chance / malchance aux dés a dans Valor & Victory une part importante, le jeu est ainsi fait, son effet est heureusement diminué quand le scénario offre assez d’options de mouvement et de tirs pour que des résultats hasardeux brutaux ne viennent pas condamner froidement le déroulement d’une partie.
Ajoutons que si il est décevant de perdre une partie à cause de quelques très mauvais jets de dés, l’inverse est vrai aussi. Gagner une partie simplement parce que l’on a fait par chance quelques très bons jets de dés n’est pas flatteur pour le joueur. Passons et revenons au cas des différents scénarios. C’est là que vous y trouverez du plaisir ludique, et il faut donc espérer que Slitherine et Yobowargames vont faire le nécessaire pour garantir un bon équilibrage des vingts missions initialement prévues.
Étant donné que l’un des intérêts du jeu est qu’il va proposer un éditeur de scénario permettant, en théorie, à tout le monde de créer ses propres missions, il vous faudra aussi pondérer vos attentes du jeu fonction de l’investissement ou non de passionnés proposant eux aussi de bons scénarios.
J’ai joué les trois scénarios coté attaquant, troupes US et franco-britanniques, face à une IA jouant les allemands tenant des positions défensives. Il est possible de jouer coté défenseur, ou aussi à 1 contre 1 en PBEM et en chaise tournante (hotseat).
Rudders Rangers Clear The Pointe
Le premier scénario que j’ai essayé, Rudders Rangers Clear The Pointe, n’a selon moi pas grand intérêt. Sauf pour se roder avec le système de jeu, et donc voir rapidement ressortir son défaut le plus agaçant : une trop grande part de hasard.
Celle-ci n’étant donc dans ce cas précis pas compensée par assez d’options tactiques offertes au joueur.
Ce scénario propose d’attaquer une position allemande avec des Rangers US. L’objectif est d’éliminer ou de clouer (état pinned) la garnison, cela en 6 tours maximum.
Dès que l’on a saisi les règles de base du jeu, on comprend vite que tout se joue au niveau des portées de tir de chaque unité, et des bonus / malus fonction du terrain, de la présence d’un chef, etc. Et bien entendu des lignes de vue.
Le nombre de tours de jeu est aussi un facteur assez important. Ce scénario se jouant en six tours, il force donc le joueur a avancer vite. Or les allemands ont des mitrailleuses, eux aussi… Avec un bon chef et de la chance au dés, elles sont redoutables. Quelque soit le camp d’ailleurs.
Payday for French Commandos
Le second scénario que j’ai joué propose lui une attaque des commandos français du lieutenant Kieffer épaulé par les anglais. C’est un scénario créé par un des testeurs du jeu.
La carte est plus intéressante à jouer, au sens où il y a plus de bâtiments et donc moins de longues lignes de vues, ce qui permet d’avancer plus ou moins facilement. Si on ne fait pas plusieurs mauvais jets de dés consécutivement, comme ce fut mon cas.
Même avec un char Cromwell en appui, je me suis retrouvé coincé, du simple fait que je ratais mes lancés de dés alors que l’IA réussissait les siens.
Or de la manière dont le système calcule les chances de réussite, plus vos unités subissent de pertes, moins elles ont de puissance de feu, donc de chance de faire des pertes à l’ennemi. C’est certes logique, mais peut donner comme ce fut le cas une sorte de spirale infernale.
Comme chacun l’imagine, traverser une rue à découvert près d’un bâtiment où attend une MG-37 n’est pas du tout une bonne idée, cela donne encore des bonus de tirs d’opportunité à l’IA…
A nouveau, comme ce scénario est relativement court, il dure sept tours, et qu’il faut aller à l’autre bout de la carte pour prendre un objectif, si l’on est freiné au début parce que le tank et les mitrailleuses anglaises manquent sans arrêt leur cible, les chances de victoire sont alors quasi impossibles.
Quand la première idée qui vous vient à l’esprit en regardant un début de partie est qu’il vaudrait mieux recharger le scénario et espérer ne pas faire de mauvais jets de dés pour avoir une chance normale d’avancer et de gagner, donc des tirages de dés qui ne soient pas aléatoirement déséquilibrés, c’est que la part accordé à la chance est trop importante.
J’ai joué trois-quatre fois ce scénario, ai gagné vraiment, tactiquement, une fois puis aussi une autre en effectuant plusieurs mouvements suicidaires qui vont à l’encontre de mouvements tactiques intelligents. Je suis donc parvenu aussi à « gagner » ce scénario, mais en jouant bêtement, en sacrifiant mécaniquement des troupes juste pour atteindre avant la limite de temps une case d’objectif. Une victoire qui ne m’a donné aucune satisfaction. Juste avancer, jeter des dés et avoir au moins une demi-unité qui survive pour arriver sur une case. Tout ça donc à cause de trop bons jets de dés chez l’adversaire et d’une durée trop courte du scénario.
St Marie du Mont
Très déçu par mes précédentes parties, et donc la prévalence des jets de dés, je me suis quand même lancé dans ce troisième scénario. Je me disais que la carte étant plus grande, le nombre d’unités plus élevé et le nombre de tours passant à 8, ce scénario me semblait probablement plus intéressant à jouer. Ce fut le cas, le jeu a là pris toute sa dimension.
Il y a eu au niveau des jets de dés un peu de chance et de malchance des deux cotés, mais pas trop. J’ai ainsi pu effectuer quelques jolis mouvements de contournement pour que la moitié de mes troupes évite les lignes de tirs allemandes tandis que l’autre moitié mitraillait tant qu’elle pouvait.
En milieu de partie je pensais que je n’arriverais pas à atteindre tous les nombreux objectifs à capturer, les derniers sont loin en bas de la carte, mais non, avec in extremis une attaque très risquée je suis parvenu à l’emporter. Et surtout à passer un bon moment avec ce jeu, ce qui est quand même le plus important.
Ce scénario est bien équilibré, tant en termes de potentiel des unités que de possibilités de mouvements. Cela ne change rien à la simplicité des règles, mais cela évite que le gameplay dérape à cause du hasard et d’une carte / mission trop restreinte où justement, si la malchance s’invite, le joueur est bloqué.
Perdre une partie quand on a fait des erreurs, un mauvais calcul, ou pris un risque inconsidéré est acceptable. Il en revient au joueur de mieux jouer, de mieux calculer, de mieux maîtriser les règles. C’est tout l’intérêt des wargames.
Perdre une partie simplement parce que les jets de dés vont obstinément à l’encontre de mouvements pourtant logiques, respectant les règles, et que le jeu pousse à avancer trop vite, ça n’est que peu acceptable.
Alors certes me direz-vous, dans tous les jeux il y a une part de hasard. Oui, bien sûr. Et donc parfois on a plus ou moins de chance / malchance. Quand la part de hasard est relativement bien équilibrée, ce n’est pas trop gênant. Toutefois dans cette version bêta, il m’est impossible de vous dire que le jeu n’est pas déséquilibré. Pour être précis, ce n’est pas le système de jeu qui est déséquilibré, il semble quand on lit les règles bien pensé (certes il faut aimer la simplicité), mais ce sont les cartes proposées qui au lieu de mettre en avant les avantages du système de Valor & Victory font ressortir très rapidement, trop, ses défauts.
Pour un jeu qui s’adresse plutôt à des débutants et / ou à des joueurs ayant peu de temps libre pour pratiquer le wargame, un tel déséquilibrage des scénarios sera inévitablement très frustrant et décevant.
Rajoutons quelques mots rapidement sur l’interface, les graphismes et l’ambiance sonore du jeu. Les trois sont globalement satisfaisants, l’interface pouvant néanmoins bénéficier d’améliorations à l’avenir. Quant à l’IA, il faudrait voir sur d’autres scénarios par la suite, mon premier sentiment correspond à ce qu’en dit son développeur, elle fait le boulot. Donc pour s’entraîner ou en l’absence de partenaire, cela va, mais l’idéal est comme pour tous les jeux ou presque d’opter pour le mode multijoueur.
Pour conclure cet aperçu, je dirais qu’en excluant ce qui m’a semblé être un sérieux déséquilibrage, cette adaptation PC de Valor & Victory a un très bon potentiel pour les amateurs du genre.
Ce dernier scénario montre très bien le bon potentiel du jeu. Les développeurs disaient récemment dans une interview (cf. Tea Time par ici sur YouTube) que l’équilibrage est quelque chose de très difficile. Je le crois volontiers. Les deux premiers scénarios m’avaient laissé le sentiment de perdre mon temps. Ce troisième scénario m’a ravi en ayant l’effet complètement inverse.
Tour de jeu
Si vous ne connaissez pas le système de Valor & Victory, voici quelques explications sommaires sur son fonctionnement. Voyez le manuel consultable en ligne pour plus de détails.
Un tour de jeu se déroule en 5 phases. La première de Commandement, pour le ralliement, scinder / regrouper des unités, ou transférer une arme. La seconde, très importante, est celle des Tirs. Là, le principe est simple, si une unité fait feu, elle ne pourra se déplacer dans la phase suivante, la troisième, celle de Mouvement.
Selon les choix effectués entre Tir ou Mouvement découlent beaucoup de choses. D’autant plus que l’adversaire a un tir de réaction si l’on passe dans sa ligne de vue. Or si si une unité se retrouve blessée ou clouée, cela affecte ses capacités de combat.
En théorie on est censé pouvoir utiliser des fumigènes, mais mes troupes n’en avaient pas reçu, dommage, cela m’aurait été utile. Il y a aussi un mouvement optionnel, qui divise par deux les points de mouvement et accorde un bonus défensif, mais il est difficile à utiliser.
Ajoutons aussi que la limite d’empilement de quatre unités empêche de faire des piles trop puissantes. On aura ainsi communément un chef avec trois escouades, une escouade pouvant être équipée d’une mitrailleuse ou de grenades.
La quatrième phase est le Tir défensif.
Une subtilité mais aussi une bizarrerie du système de jeu fait que toutes les unités pourront lors de la cinquième phase avancer d’une case, ce sans que cela déclenche un tir de réaction chez l’ennemi.
Cela vu, on déduit rapidement qu’un chef donnant un bonus de -2 associé à une arme puissante, au hasard coté allemand la MG 37, donne une combinaison très redoutable.
On se fait très vite au déroulé des tours, et la prise en main de l’interface est relativement intuitive.
Vu l’importance des mouvements, on retiendra qu’un chef, en plus d’accorder un bonus de tir, augmente de deux points le mouvement d’une escouade. Celui-ci passant de 4 à 6 (entrer dans une maison coûte par exemple 2 points) permet donc par exemple d’approcher un ennemi pour juste après l’attaquer au corps à corps, ou de se jeter à couvert dans les bois afin de bénéficier d’un précieux bonus défensif (malus au tir pour l’ennemi). Le placement d’un bon leader au bon endroit avec la ou les bonnes unités influe nettement sur certaines actions clés. Néanmoins, la puissance de feu cumulée des escouades et la portée des armes restent déterminantes
L’intérêt d’un bon wargame est justement que les divers facteurs et paramètres des règles permettent de réduire le hasard. Un bon wargame invite un joueur à trouver les bonnes combinaisons d’action pour que justement tout ne dépende pas que de la chance. Valor & Victory a indéniablement pour cela un bon potentiel, mais le résultat est, du moins dans cette version bêta, inégal selon les scénarios.
NDLR : cet article est ouvert à tous, ne nécessitant pas d’abonnement pour être lu. Vos abonnements sont importants pour que la Gazette du wargamer puisse continuer d’évoluer tout en proposant aussi des articles en accès libre. Pour soutenir le site et son équipe, abonnez-vous.
J’ai joué quelques adaptations de jeu plateau comme par exemple Lock and load. j’ai remarqué que ces jeux qui sur plateau sont très prenant tactiquement de par la complexité des règles, les calculs, modificateurs, détails à prendre en comptes deviennent avec les facilités qu’apporte un PC presque simplet et dévoilent souvent leurs défauts
De ce fait qu’en on met dans la balance ce type de jeu (Ex plateau sur PC ) avec des jeux même ancien conçu dès le début pour des PC , ont est obligé de constater que ces derniers ont un intérêt supérieur. pour l’exemple (Steelpanthers, Battle académy, Close combat, panzer squad…)
La seule chose qui pourrait changer la donne c’est que les développeurs qui ont dans les mains une règles plateau éprouvée avec des données et variables relativement simple mettent le paquet sur une IA qui aurait du répondant. C’est malheureusement rarement voir jamais le cas avec ces adaptations de jeu plateau
Les adaptations de jeux d’un support à un autre ça ne donne pas toujours le même sentiment, c’est certain. Les contraintes varient souvent, d’un jeu à l’autre, pour les développeurs. Et leur expérience comme les moyens techniques à disposition, aussi.
Pour Valor & Victory, il va y avoir par la suite pas mal d’améliorations / ajouts, donc cette base de départ qui arrive devrait bien évoluer. Il faudra voir à l’usage.