Reprenons notre plongée dans la peu connue histoire des wargames, jeux qui ont donné lieu, lentement mais sûrement depuis les années 50 à un florilège de titres, et même par extension à des déclinaisons dans des genres ludiques voisins. Le fanzine Vieille Garde dont certains se souviennent probablement a brossé au fil des différents numéros un très intéressant tableau du développement des wargames classiques. Le fanzine n’est plus publié depuis 2010, à l’exception d’un ultime numéro paru en 2013. Heureusement, le site Web de Vieille Garde veille encore, intact, malgré son grand age lui aussi, et vous pouvez y trouver la quasi totalité des numéros en PDF. Tant mieux, car pour les connaisseurs comme pour les curieux, c’est une belle source en français pour se documenter ou tout simplement redécouvrir de nombreux anciens jeux, presque mais pas encore tous oubliés.
ÉDITORIAL
Paris, le 15 Mars 1995
Wargameurs, bonjour !
Voici le premier numéro de Vieille Garde, Fanzine consacré au Wargame ou « jeu de simulation stratégique et tactique ». Ce journal représente la tentative d’un petit groupe de passionnés pour s’exprimer sur un sujet qu’il affectionne, et qu’il va tenter de faire partager au lecteur. La formule Fanzine, quoique limitée, nous a semblé la plus pratique pour communiquer tout en restant simple ; ayant réuni quelques avantages tactiques nous sommes optimistes quant à sa survie.
Pour être le plus clair possible dans nos intentions, commençons par définir ce qui constituera le corps de notre Zine. Un Wargame est un « jeu de guerre », c’est à dire la simulation à l’aide d’une carte et de pions, d’un événement guerrier réel ou imaginaire ; simulation qui fait appel pour sa pratique, plus à la réflexion et à la connaissance historique, qu’au hasard.
Cette définition rapide, qui peut sembler trop simple ou trop large mais qui nous suffit pour l’instant, explicite nos orientations générales. Pour nous les jeux de Science-Fiction et d’Heroic-Fantasy font partie de la grande famille des wargames, ils auront donc leur place dans nos colonnes. Enfin nous préférerons toujours réfléchir et comprendre la logique des jeux, plutôt que d’aider à la vente ou analyser trop superficiellement une simulation. Ce Zine est né à la fois d’une insatisfaction ressentie face à certains articles de magazine – trop commerciaux ou pas assez précis -, et d’un enthousiasme pour le jeu, notamment exprimé dans la création de l’Académie du Wargame (voir le dos de la revue).
Voici ici une reprise texto des articles intitulés La saga du Wargame parus dans les trois premiers numéros de Vieille Garde. Ainsi qu’en guise d’introduction l’édito du tout premier numéro, qui cadre très bien le propos. Sachez également que, les sites Web étant plus fragiles qu’il n’y parait, j’ai mis si besoin une copie des numéros disponibles dans ce dossier de la Gazette (il y manque le hors-série n°1 et les numéros 14 et 16, si quelqu’un en a un exemplaire, contactez-moi). Enfin, attention, le site de La Vieille Garde, nommé l’Académie du wargame, a deux pages d’accueil différentes, la deuxième plus ancienne mais utile aussi est ici. Bonne lecture. B.
Nous espérons publier régulièrement un numéro de Vieille Garde, car le principe retenu est assez simple. Un exemplaire sera toujours court, composé d’un article majeur sur un jeu proposé par un membre (ou futur membre) qui aura retenu l’attention de l’équipe de test, ici Gulf Strike.
Auquel s’adjoindra une autre rubrique : soit la brève analyse d’un jeu ou d’un de ses aspects, soit la compilation de renseignements ludiques. Dans ce numéro vous trouverez, par exemple, le début de la saga du Wargame. Le numéro prochain traitera de Siege of Jerusalem (A.H.), comme article principal et verra la suite de notre saga.
Ce journal est celui de ses lecteurs, n’hésitez pas à nous contacter pour polémiquer ou vous renseigner, sur l’orientation générale du Zine ou sur le contenu de quelque article ; une colonne débat sera alors ouverte.
Réfléchir et jouer, telle sera notre Tactique… alors bonne lecture et bon jeu.
Luc Olivier
1 – INTRODUCTION GÉNÉRALE
Le wargame ou jeu de guerre est probablement aussi ancien que la guerre elle-même. On peut suivre son origine à travers des jeux à thème guerrier comme les Échecs ou d’autres jeux classiques. Sous sa forme actuelle, le wargame découle plus directement des « Kriegspiele » utilisés par l’État-major allemand à la fin du XIXème. Mais pour la brièveté et la clarté de notre exposé, nous le délimiterons simplement au jeux contemporains civils, en excluant les jeux avec figurines et les simulations non essentiellement guerrières comme les jeux politiques ou diplomatiques.
Un « jeu de guerre » est un amusement pour profane, se déroulant sur une carte et avec des pions ; la simulation des actions étant expliquée et recréée par des règles et tableaux. Le wargame est conçu comme un modèle historique ou non historique, d’un « fait guerrier ». L’échelle peut aller du duel, simple lutte entre deux individus, jusqu’à la guerre totale qui fait combattre des peuples entiers, en intégrant tous les niveaux possibles de conflit, de la bataille précise à la Campagne militaire. Quelque soit l’ampleur, le but reste toujours le même, revivre la lutte entre deux ou plusieurs camps. Le jeu pourra chercher son inspiration dans un fait réel de l’histoire (de la préhistoire aux guerres actuelles), mais aussi dans le futur (Anticipation ou Science-Fiction) ou dans un passé imaginaire (Heroic-Fantasy) ; pour nous c’est encore la guerre qui est simulée.
Ainsi notre petite histoire du wargame commence en 1952, avec la publication de Tactics par un certain Charles Roberts, qui quelques années plus tard (1958) créera Avalon Hill Company pour éditer Tactics II (une amélioration de son jeu précédent), Gettysburg, Waterloo, Stalingrad et quelques autres. Une vingtaine de jeux seront publiés en 10 ans, à raison de deux par an, ce sera commercialement un assez gros succès. En 1969, le mouvement s’étend avec le lancement de SPI (Simulations Publications, Incorporated) : le wargame se met en place, et pourra se développer au cours des années 70.
Cette courte vie du Wargame que nous allons narrer, comprendra cinq parties. Nous observerons le développement du wargame américain, au cours de ses trois périodes principales (70, 80, 90), formant les trois premiers chapitres. Puis nous irons observer la situation européenne, et le cas français, à travers les deux derniers chapitres. Une conclusion tentera de faire le point sur l’actualité du jeu et quelques annexes présenteront les séries les plus célèbres.
BIBLIOGRAPHIE
– Duccio VITALE : Jeux de simulations, wargames (Le temps des jeux, M.A. Éditions, Paris 1984, 255 p)
– Tom SLIZEWSKI : Game collector’s guide Volume 1, Wargames (Panzer press, Thornton 1989, 140 p)
– Jeux & Stratégie n°1 : Wargames, Dieu que la guerre est jolie ! pp 57 à 61 (1980)
– Fire & Movement, Strategy & Tactics, Moves, The Grenadier : très nombreuses références
suite au prochain numéro…
II – LA GRANDE VAGUE AMÉRICAINE DES ANNÉES 70 (1969-79)
Les années 70 marquent le développement et l’épanouissement du wargame aux USA ; à partir du dynamisme et du succès de quelques compagnies, le marché va exploser. Cet accroissement se produit en quantité – avec l’apparition de nombreuses (et souvent éphémères) maisons d’édition -, aussi bien qu’en qualité – sous l’aspect graphique, mais aussi sous l’aspect technique avec de nouveaux et plus performants systèmes de simulation -.
Nous allons passer en revue les principales boîtes américaines, SPI, GDW, AH en détail et les plus petites sommairement. Puis nous observerons, dans leurs grands traits caractéristiques, les tendances les plus remarquables de la décennie.
1 – LE SUCCÈS DE SPI (1969-82; NEW YORK CITY, NY)
En 1969, Jim Dunnigan et Redmond Simonsen rachètent la revue Strategy & Tactics et créent Simulations Publications Incorporated ; la compagnie est lancée sans gros moyens, mais par des professionnels car précédemment Dunnigan concevait des jeux pour Avalon Hill (1914, Jutland, Panzerblitz…). Trois idées maîtresses marqueront la philosophie de SPI, à contre pied de celle d’AH : d’abord avoir des jeux publiés par des joueurs, puis éditer plus de jeux que AH (à l’époque deux par an), enfin répondre plus directement aux désirs des joueurs. Avec ces trois principes, SPI vivra 13 ans, publiant près de 300 jeux et « tractant » littéralement le monde du wargame. C’est véritablement SPI qui a fait exister le wargame au cours des années 70 et lui a donné sa vigueur et son aspect actuel. La majorité des concepteurs/développeurs américains ont débuté ou travaillé pour SPI (R. Berg, M. Hermann, K. Zucker, J. Balkoski, J. Prados, A. Nofi…) et beaucoup de concepts de jeu sont le fruit de leur créativité :
– Les « Quadrigames » sur différents thèmes (Great Medieval Bailles Quad (79), Thirty Years War Quad (76), Crimean War Quad (78), Great War in the East (78), Island War Quad (75), Modern Battles Quad I (75) et II (77)…). Ils partagent un livret de régies communes, développent quelques régies spéciales et sont rapides à jouer avec un système simple. L’avantage du Quad est immédiat : l’acheteur obtient 4 batailles sur la même période avec les mêmes règles, pour le prix d’un seul jeu et peut y jouer très vite (et y rejouer facilement).
– Les séries sur un même système, par exemple, Napoleon at War quadrigame (1975) qui est le modèle des jeux opérationnels napoléoniens infanterie / artillerie / cavalerie, table de combat avec recul, élimination et échange pour défenseurs et attaquants. De nombreux jeux reprendront la structure (exemple des premiers jeux de Jeux & Stratégie).
Également les jeux avec « Untried units », c’est à dire pions avec potentiel attaque / défense inconnu des deux camps, utilisé initialement pour Panzergruppe Guderian (1975), il fut repris notamment pour Kharkov (78), Fulda Gap (77), Modern Battles Quad II (77) et Leningrad (79).
Ou encore, le PRESTAGS (1975 : Pre Seventeenth Century Tactical Game System) avec Legion, Chariot, Yeoman, Viking et Spartan qui simule tactiquement les batailles d’avant la poudre, avec des pions génériques par type de troupe (infanterie légère-lourde, cavalerie légère-lourde, archers…).
Toute une gamme de jeu utilisa le « SPI Simultaneous Movement Plotting Chart » avec pré-notation des mouvements et tirs sur feuille spéciale, prévu pour un ensemble de jeux tactiques modernes ou futuristes : comme Mech War 77 (75), ou le système Sniper (73) – Patrol (74)- Starsoldiers (77).
Et enfin, The Great Battles of American Civil War créé par Richard Berg qui regroupe (jusqu’à la chute de SPI) 6 batailles de la Guerre de Sécession (Terrible Swift Sword (76), Stonewall (78), Bloody April (79), Pea Ridge (80)…), avec les mêmes régles tactiques.
– Les « mammoth games » ou monster games ; même s’ils n’ont pas été lancés par SPI, c’est elle qui a publié les plus impressionnants. D’abord les jeux stratégiques comme War in Europe (1976) qui regroupe War in the East (1974) et War in the West (1976), ou War in the Pacific (1978) avec 9 cartes et plus de 3000 pions chacun. Malgré leur taille et les bugs inévitables de régies, ils sont jouables et même passionnants. Également stratégiques on peut mentionner First World War (1977) qui utilise les cartes de War in Europe pour recréer la Grande Guerre, War between the states (1977) sur l’ensemble de la Guerre de Sécession, The Next War (1978) sur la prochaine guerre en centre-Europe et l’incroyable Campaign for North Africa (1979) quasi injouable par le niveau de détail proposé. A l’échelon opérationnel, on observe entre autres Wacht am Rhein (1977), Atlantic Wall (1978) et Highway to the Reich (1977) qui simulent des batailles de la seconde guerre mondiale (Ardennes, Normandie au mois de juin et Arnhem respectivement). A une échelle encore plus tactique, Wellington’s Victory (1974) recrée la bataille de Waterloo et Terrible Swift Sword (1977) permet de rejouer les trois jours de Gettysburg. Nous n’avons cité que les plus représentatifs, mais d’autres jeux seront vendus dans ces grosses boites double-format qui sont si caractéristiques. La grande période de ces « mammoth games » est 1976-79, au-delà très peu de jeux de cette taille seront publiés ou republiés.
Au départ les jeux furent édités en noir et blanc, avec des pions à découper soi-même et vendus sous enveloppe ou pochette plastique, puis on les trouva dans des boites plates avec un casier de rangement incorporé (Flatboxes), enfin à partir de 1978, les boites-livres (Boxcases) de demi, simple ou double épaisseur se généraliseront.
Durant toute la période, SPI publiera une vingtaine de jeux par an, plus les jeux de magazines. D’abord Strategy & Tactics, vendu régulièrement tous les deux mois avec un jeu en encart dès 1969 (numéro 19) : les jeux publiés serviront souvent de test pour des systèmes nouveaux ou de cinquième jeu du quadrigame édité sous boite. Début 73, Moves sera créé pour commenter / améliorer ou présenter, tous les deux mois, les jeux de SPI ou d’autres wargames. Enfin en 1980, la compagnie lancera Ares pour proposer un jeu de Science Fiction et différents articles sur le sujet.
Au niveau thématique, le début des années 70 fut dominé par la seconde Guerre Mondiale (surtout le front de l’est : The Battle of Moscow (70), Kursk (71), Barbarossa (73)…), ensuite la tendance passa au moderne (NATO (73), Red Star / White Star (72)…), avant de se diversifier pour aborder toutes les périodes : de l’antiquité (Chariot (75)…) aux guerres hypothétiques (The East is Red (74) ou Invasion : America (76)…), en passant par le Moyen Age (Agincourt (78) ou The Crusades (78)…), les temps modernes (A Mighty Fortress (77) ou Armada (79)…) et les XIX et XXèmes siècles (beaucoup de jeux sur la Guerre de Sécession et les première et seconde Guerres Mondiales).
Début 80, SPI se lance dans le Jeu de Rôle avec Dragonquest (1980) pour l’Heroic-Fantasy et Universe (1981) pour la SF, plus Commando (79) pour des opérations limitées modernes ; ils n’auront pas un grand succès par suite de la chute rapide de la firme (1982, dont nous reparlerons au cours des années 80). Quelques bons jeux de plateau sont à signaler : Russian Civil War (76), Canadian Civil War (77), After the Holocaust (77), Empires of Middle Ages (79)… La création d’une bonne gamme de jeu de Science Fiction est aussi notable (Starforce (74), Outreach (76), Freedom in the Galaxy (79), Battlefleet Mars (77), The Creature that Ate Sheboygan (79), Middle Earth Trilogy (77)…), et complète harmonieusement les wargames historiques.
« L’effet SPI » a été énorme sur la décennie 70 et sur le développement du Wargame aux USA. Il nous faut particulièrement souligner les rôles prédominents de Jim Dunnigan, créateur d’une cinquantaine de jeux à lui tout seul et apparaissant dans le développement de la plupart des jeux publiés par SPI, et de Red Simmonsen, responsable des graphismes de l’ensemble des jeux édités (cartes, pions et aides de jeu).
2- L’EFFICACITÉ DE GDW (créé en 1973; NORMAL, ILLINOIS)
Au printemps de l’année 1973, trois copains d’université (Franck Chadwick, Richard Banner et Marc Miller), sans emploi, décident de publier un jeu, ce sera Drang Nach Osten (DNO), un énorme jeu sur l’opération Barbarossa (1600 pions sur 5 cartes), le bon succès du jeu lancera Games Designer Workshop. A la fin de l’année 73, 5 jeux : DNO, Unentschieden (la suite de DNO jusqu’en 44), Eagles (Romains en Germanic), Triplanetary (SF) et Chaco (Bolivie 1932), ont été publiés. GDW marchera plutôt bien, publiant 7-8 jeux par an (soit une quarantaine de jeux en stock en 79). Au cours de notre période plusieurs séries sont lancées :
– Europa, dont le but est de simuler toute la guerre en Europe à l’échelle et avec les règles de DNO: Unenschieden, suivront Narvik (74) sur la campagne de Norvège, Their Finest Hour (76) simulant la bataille d’Angleterre et la tentative d’invasion allemande, Case White (77) sur la campagne de Pologne et Marita-Merkur (79) sur les Balkans-Grèce et Crète en 41. La série se poursuivra au cours des années 80, jusqu’à la vente des droits récemment à GR/D.
– La série 120 qui propose des jeux rapides (120 pions pour 120 minutes de jeu). Une douzaine furent publiés entre 1977 et 1980 : Raphia, Lobositz, Alma, Mayday, 1940, 1941, 1942…
– Traveller (1977), Jeu de rôle de Science- Fiction, qui connaîtra de larges extensions et rajeunissements, et fera l’objet de « wargames compagnons » (Azhanti High Lightning (80), Snapshot (79)…).
– Enfin une série de jeux basés sur la même conception de pions avec renseignement d’accès restreint toutes les informations importantes concernant l’unité sont au dos du pion (valeur de tir, de mêlée, d’anti-char, moral…), le verso comportant seulement la taille et le type de mouvement. Le principe est lancé par La Bataille de la Moskowa, jeu racheté et republié par GDW en 1976, il sera réutilisé notamment pour Operation Crusader (78), White Death (79) et Suez 73 (80).
Fin 1975, GDW rachète la marque « Conflict Games », dont les jeux sont principalement l’oeuvre de John Hill (Jérusalem (75), Kasserine Pass (73/77), Yalu (77), Verdun (78), Imperium (78)…) publiés précédemment par SDC (Simulation Design Corporation dont nous reparlerons plus bas.
Début 78, GDW commence la publication de The Grenadier, conçu comme « House magazine », il connaîtra des vicissitudes au cours de la décennie suivante (changement de format, de parution et d’éditeur).
GDW apparaît comme une petite boite dynamique et indépendante. Elle publie des jeux sur des thèmes très variés allant de l’antiquité (Pharsalus (77)…) à la guerre en dentelles (Torgau (74), Battle of Prague (80)…), avec cependant une prédominance pour la seconde Guerre Mondiale (Europa, Road to the Rhine (79), Burma (76), Coral Sea (74)…), et la Science Fiction (Traveller compagnons, Double Star (79), Bloodtree Rebellion (79)…). Malheureusement, beaucoup de leurs jeux connaîtront les même problèmes : erreurs de règles (errata indispensables) et faible replay (peu ou pas de scénarios); mais leur série Europa est encore au goût du jour, et certains jeux sont réellement splendides (White Death, Citadel (77) et Operation Crusader par exemple).
3 – LE CONFORMISME D’AVALON HILL (CRÉÉE EN 1958; BALTIMORE, MARYLAND)
Face au déferlement de nouveaux jeux Avalon Hill va garder son calme en s’agrandissant tranquillement (Don Greenwood et Randall Reed sont embauchés en 1972). La compagnie réédite, en les modernisant, ses anciens wargames (Anzio (69/74), Afrika Korps (64/77), Waterloo (62/78)…) et publie 2, 3 nouveaux jeux par an (par exemple pour 74 : 1776 et Alexander the Great, pour 76 : Starship Troopers, Kingmaker et The Russian Campaign).
Rapidement AH va pratiquer une politique de rachat de jeux à succès comme France 40 (72) de SPI, ou Fortress Europa (77) et The Russian Campaign (76) de Jedko Games (compagnie australienne), ou encore Wooden Ships & Iron Men (75) de Battleline. Elle se contentera de rééditer les jeux, graphiquement et matériellement améliorés.
AH utilise également des concepteurs en Freelance comme John Prados pour Third Reich (74) ou John Hill pour Squad Leader (77). Mais ce qui fait le profit de AH est son exploitation de thèmes porteurs comme Starship Troopers (1976), basé sur le roman de Heinlein « Étoiles, garde à vous », ou Wooden Ships & Iron Men réédité en 1976 pour le bicentenaire de la déclaration d’indépendance des USA (WS & IM traite de batailles navales au XVIIIème siècle faisant intervenir la jeune marine US).
Sa stratégie est également basée sur des jeux familiaux et sportifs (Rail Baron, Basketball League, Outdoor Survival…).
Le plus gros « hit » de la décennie va être sans conteste, Squad Leader (1977) et ses extensions immédiates Cross of Iron (1978) et Crescendo of Doom (1980). L’ensemble des trois jeux fournit 7 cartes géomorphiques et la totalité des belligérants européens de la seconde Guerre Mondiale, pour simuler toutes les actions tactiques du niveau de la compagnie/bataillon, avec des règles subtiles et complètes.
De plus le magazine « The General », son « house magazine » lancé en 1964, lui servira à promouvoir et développer les jeux édités et fournira régulièrement des scénarios et aides (questions & réponses) pour renforcer l’intérêt des systèmes de jeux.
Avalon Hill a fait naître le Wargame et poursuit sa marche tranquille, se contentant de suivre le train des autres compagnies, en assurant son profit. Sa marque est une garantie : l’acheteur étant sûr de la qualité de la simulation soigneusement testée et conçue (pions épais, cartes cartonnées et colorées, règles simples ou à apprendre par étapes). Pratiquement chaque jeu est destiné à devenir un « classic game ».
A suivre…
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